Les montres en voient de toutes les couleurs

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Les montres en voient de toutes les couleurs - Mode indémodable
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L’emploi de couleurs vives et éclatantes pour les cadrans fait partie de longue date de l’arsenal des marques. Cette année, le bleu est à l’honneur.
Nouvelle mode, les couleurs en horlogerie ? On pourrait croire ce recours à des teintes franches pour les cadrans et parfois même les boîtiers, une tendance nouvelle héritée de l’univers de la mode. Cependant, l’emploi de couleurs vives et éclatantes pour les cadrans fait partie de longue date de l’arsenal des marques pour retenir l’attention du public.
 
Dans le passé, les cadrans émaillés de couleur étaient rares, mais les boîtiers dont Genève s’était même fait une spécialité, étaient souvent peints de scènes de genre, de tableautins plaisants aux vibrantes et inaltérables couleurs. La multiplicité des teintes devait attirer l’attention des amateurs conscients alors de la difficulté pour l’artiste de répéter les cuissons, au risque à chaque passage, de réduire à néant son travail. Ainsi, l’usage de la couleur sur les montres devait évoluer et les boîtiers des montres, et spécialement celles pour dames, étaient à la fin du XIXième siècle, souvent ornés sur le fond de motifs réalisés à l’aide d’émail champlevé, le plus souvent bleu saphir.
 
Avec l’arrivée des montres-bracelets, le recours à la couleur s’est un peu fait attendre. Ce mode de porter au poignet était nouveau, décalé par rapport à la suspension dans la poche, aussi point trop n’en fallait… Les pièces aux formes souvent originales –il fallait défricher cet univers et faire différents tests pour savoir ce qui retenait en particulier l’attention du public- furent donc longtemps dotées de cadrans sobres et simples.

Une fois ce mode de porter bien établi, la couleur a pu, lentement refaire son apparition. D’accord, le marron dont on a vu le grand retour il y a maintenant trois ans, n’était pas une teinte voulue dans le courant des années 50, mais la dégradation sous les UV d’un noir employé, en particulier, pour la réalisation des cadrans de certaines montres militaires. Les concepteurs de tendances devaient détourner ce résultat du vieillissement à leur profit. Mais c’est vraiment à l’aube des « Seventies » que les marques se sont laissées aller à tous les délires créatifs aussi bien en matière de forme qu’en matière de couleurs.
 
TAG Heuer (alors Heuer seul) avait ouvert la voie en lançant la Monaco avec un cadran bleu métallique et en version grise (marché US). L’idée de la couleur pour donner du « peps » aux garde-temps et les rendre différents de ceux des « parents » était dans l’air, question de conflit de génération. Mais ce n’était pas la seule marque historique à oser la couleur et la plupart des entreprises proposaient alors des modèles colorés, pour ne pas dire bariolés.  Ces instruments étaient en avance sur leur temps et répondaient a ce goût de la période « baba cool » pour les couleurs vives comme le vert, le jaune et l’orange, une teinte tout particulièrement d’actualité si l’on regarde du côté de chez Van Cleef & Arpels, mais également de chez Audemars Piguet et de sa Royal Oak Offshore Diver céramique dont les aiguilles et une partie du rehaut sont orange vif.
 
Evidemment, les maisons horlogères les plus joaillières comme Piaget, chez qui cela a même été une spécialité et dont la marque fait une rétrospective lors de l’exposition « l’or et la couleur » (Piaget Time Gallery au dessus de la boutique Piaget de Genève), ont joué avec la couleur à grand renfort de pierres fines soigneusement sélectionnées.  Mais ce n’est pas la seule et toutes s’y sont essayées de Chaumet à Boucheron en passant par Cartier et, plus récemment de Dior (les D de Dior en particulier). Toutefois, ces créations sont aujourd’hui plus rares, et il arrive souvent qu’elles soient travaillées à partir d’émail comme cela peut être le cas chez Jaquet Droz, Hermès ou Cartier, mais les cadrans, sont le plus souvent réalisés en laques synthétiques, comme le soulignait un expert travaillant chez Julien Coudray. Rares, ces réalisations ont souvent cédé leur place, en raison du volume de commercialisation et de l’internationalisation des marchés, à des disques de nacre aux couleurs savamment pastel (rose nacré, bleu pâle, gris et parfois noir).

 

Les goûts et les couleurs
 
Après, tout est question d’imagination et, en la matière, certaines maisons ont plus de talent que d’autres pour épater la galerie et en mettre plein la vue. Franck Muller fête cette année les 10 ans de la Crazy Hours dont on sait les cadrans avoir été souvent ornés de chiffres posés comme au hasard et surtout peints de couleurs vives et variées pour attirer l’attention et faire en sorte que la complication d’heures sautant de façon aléatoire ait visuellement plus d’effets. Mais cette maison habituée aux coups d’éclats n’est pas la seule à avoir eu recours à la couleur. Rolex, pourtant considérée comme particulièrement sage, a proposé à titre commémoratif une Submariner avec des cadrans verts et dispose aujourd’hui de modèles ornés de lunettes dans la même teinte. Tudor que l’on aurait pu croire également une maison raisonnable et traditionnelle, possède d’autres modèles arborant de la couleur à son catalogue. La Fastrider Ducati avec un cadran rouge pour célébrer son partenariat avec le constructeur italien de moto dont c’est la couleur fétiche, restera dans les mémoires pour avoir su capitaliser sur l’impact visuel produit. Et que dire de la Daytona Anniversaire qui, en platine avec son cadran bleu glacier, a su imposer le respect à tous et prouver, une fois encore, qu’il peut y avoir des références emblématiques arborant des couleurs avec panache. Les toutes nouvelles Day-Date de couleur de Rolex, sont la preuve s’il en est d’une tendance qui s’enracine en horlogerie. Mais c’est aussi l’occasion de surfer sur une mode en grande partie initiée par Hublot qui a su capitaliser sur le « fashion » et l’esprit « jet set » en renouvelant ses coloris pour séduire les femmes (collection Tutti Frutti), mais également les hommes avec des produits très impactant (Ferrari).

 

Le bleu la teinte de l’année
 
Mais de toutes les teintes possibles, c’est tout de même le bleu qui a dominé l’année. D’ailleurs, pratiquement toutes les marques étaient au rendez-vous, et il n’y a pratiquement que celles qui font de la couleur un mode de communication qui se soient abstenues car cette teinte, comme Chanel dont le bleu ne fait pas partie des codes originaux (noir et blanc), s’il on excepte une Première Tourbillon sertie de saphirs bleus… Rappelons tout de même qu’historiquement, en tout cas dans une sorte d’inconscient collectif horloger, le bleu est associé au platine. Voilà sans doute pourquoi, cette couleur revient régulièrement habiller les cadrans des collections des marques. Mais le bleu est également la teinte favorite des marques de sport et est souvent choisi lorsqu’il s’agit d’habiller une montre de plongée ou une montre de régate. Omega a longtemps été impériale avec sa Seamaster James Bond au cadran bleu sombre.  Louis Vuitton a son bleu bien à lui pour ses produits orienté voile.  Eberhard & Co dispose du Chrono 4 Colors en bleu, Hermès avec le Chrono Colors à Bridon joue la carte d’un bleu qui ne dit pas son nom. Hautlence reste sobre pour la Destination, mais ose un bleu pâle très identifiable (dans l’esprit bleu glacier). Longines a aussi sa déclinaison sportive d’un bleu qui n’est pas sans rappeler celui de la fameuse montre de James Bond. Inutiles de citer toutes les marques qui disposent à leur catalogue cette année d’une pièce bleue, elles sont trop nombreuses et ont chacune leur déclinaison « Pantone » de cette couleur de ciel, de DeWitt à Roger Dubuis en passant par Zenith ou Tudor avec son fameux Chrono Blue.

HydroConquest
Mais il y a un bémol à chaque chose comme en musique, et cette couleur très tendance finit souvent par lasser avec le temps. Les clients séduits un temps par cette teinte différenciante finissent souvent par demander aux marques, lorsque la pièce n’est pas historiquement associée à cette couleur, de leur changer le cadran moyennant finance pour un autre plus passe partout, autrement dit argenté ou noir, voir anthracite ou ardoise, une teinte qui, sans être trop dure,  a une durabilité élevée dans le temps et qui, comme le bleu a été le nouveau noir, sera le noir du futur, sans l’être tout à fait…