La pièce s’appelle « Tourbillon Conique ». De prime abord, l’intitulé surprend. Le tourbillon, on le connaît simple, double, triple, quadruple. On le connaît à plat, incliné. On le connaît en rotation sur un, deux ou trois axes. Et a priori, cela s’arrêtera là, puisque nous n’évoluons que dans trois dimensions ! Mais qu’est-ce que le tourbillon conique ?
Taquin
La création est signée d’un homme qui en est l’un des plus grands spécialistes contemporains : Éric Coudray. L’homme évolue aujourd’hui au sein de Tec Ébauches devenu Tec-Group. Il a aussi signé le Gytourbillon de Jaeger-LeCoultre, ou plus récemment le Spherion que l’on voit chez Purnell ou MB&F. Inutile de préciser qu’en matière de tourbillon, Éric Coudray est plutôt habile de ses mains. D’ailleurs, le tourbillon conique de HYT se serait initialement appelé...Conillon. On reconnaît ici l’esprit taquin de Coudray. Après 20 ans de travail sur le sujet, on lui accordera.
De Breguet à Daners
L’idée de Coudray en combine plusieurs, mais repose fondamentalement sur celle d’inclinaison. Le pionnier de ces travaux s’appelle Walter Pendel. En 1928, l’homme prouve qu’il peut obtenir de meilleurs résultats chronométriques grâce à un tourbillon dont le binôme balancier + spiral est incliné de 30° par rapport à l’horizontal. L’ingénieux dispositif est alors enfermé dans un tourbillon en révolution de 6 minutes – une durée oubliée, mais qui, en réalité, se rapproche de ce qu’avait conçu Breguet en 1801 et dont les tourbillons ne tournaient pas, dans l’ensemble, dans les 60 secondes conventionnelles, mais bien plus souvent en plusieurs minutes.
Les tourbillons inclinés ont ensuite disparu du paysage, jusqu’à ce que l’horloger Richard Daners (1930 – 2018) les remette au goût du jour. En toute discrétion, il réalise pour les 150 ans de la maison Gübelin un tourbillon trois axes. Nous sommes en 2004, soit précisément l’année de lancement...du Gyrotourbillon de Jaeger-LeCoultre.
Éric Coudray avait-il connaissance des travaux de Daners ? Probablement. Mais la collision temporelle peut être une simple coïncidence, car les travaux pour Jaeger-LeCoultre avaient débuté bien avant. Et bien plus tard, en 2018, l’inclinaison de l’échappement a repris un coup de vigueur avec Stephen Forsey et Robert Greubel, qui en ont fait une signature de leur marque éponyme Greubel Forsey.
Ça tourne !
Et HYT, dans tout cela ? Coudray semble être reparti d’une feuille (presque) blanche pour intégrer à ces multiples travaux l’ADN de HYT, à savoir l’horlogerie très contemporaine, disruptive, liquide et phosphorescente. L’exercice est très visuel. Il faut le décomposer pour le comprendre.
Il y a d’un côté le tourbillon, de l’autre les animations qui gravitent autour de lui. Côté tourbillon, Coudray a conçu un ensemble dont les composants unitaires, dissociés, sont chacun inclinés suivant un angle différent : balancier spiral à 30 degrés par rapport à l’horizontal, roue d’échappement à 15 degrés et ancre à 23 degrés. C’est un tourbillon à rotation rapide : 30 secondes. On retrouve ici la fréquence déjà maîtrisée par l’horloger dans son Spherion que l’on voit en mouvement chez Purnell.
Côté animation, ce tourbillon est entouré de trois sphères. Elles sont en verre...et en vert, emplies du liquide phosphorescent cher à HYT. La première tourne en 15 secondes ; la deuxième en 12 secondes ; la troisième en 10 secondes. Toutes dans le sens horaire.
Chao-rganisé
De cette désynchronisation, HYT souligne avec justesse que l’on peut percevoir une forme de chaos. C’est juste, mais sans l’être entièrement, car bien que ces trois sphères évoluent sur une cage périphérique au tourbillon, leur rotation et celle de ce dernier n’interfèrent pas directement. En revanche, le tourbillon et l’animation par sphères sont montés en série. Pour dire les choses autrement : les sphères animées sont traversées par l’énergie produite par les quatre barillets pour aboutir à l’organe réglant. Le module, dans son entièreté, est donc d’une belle stabilité chronométrique pour pouvoir entraîner tout ce beau monde mécanique, sans perdre de précision en cours de route.
750 composants
Dire que la construction est complexe relève de l’euphémisme. C’est la raison pour laquelle deux horlogers qualifiés sont dédiés par HYT à la réalisation de ce mouvement. L’assemblage compte 533 composants. La cage du tourbillon, à elle seule, est faite de 159 composants. Si l’on y ajoute les 39 composants du cadran et les 66 pièces de la boîte, l’ensemble de la HYT Tourbillon Conique compte 750 composants, tous assemblés et vérifiés à la main.
Dernière chose : on en oublierait presque que les heures sont animées par la progression du fluide vert au sein d’un capillaire qui entoure la pièce quasiment à 360°. Les heures restent centrales. Il n’y aura que 8 exemplaires, à 335'000 CHF HT. HYT a produit une vidéo très explicite que l’on peut voir ici.
