Être ou ne pas être

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To be or not to be - Exhibitors
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Pourquoi exposer à Watches and Wonders (W&W), ou en dehors, ou pas du tout? Six dirigeants évoquent leur stratégie alors qu’une page s’est tournée avec l’extinction du mammouth Baselworld

Ils ont choisi d'y rester

Enfant du SIHH (l’ancien nom de W&W), Panerai y expose depuis sa renaissance à l’aube du troisième millénaire. L’actuel CEO Jean-Marc Pontroué est un habitué du salon, qu’il a connu auparavant en tant que dirigeant de Montblanc et Roger Dubuis. «Le SIHH a toujours été pionnier dans la théâtralisation, l’hospitalité et l’approche premium qui en font sa magie, notamment dans l’effervescence de l’ouverture. Il s’agit d’un rendez-vous avec les équipes de tous les pays, qui se focalisent dessus depuis des mois, et ce fil conducteur a peu varié depuis un quart de siècle.» Il se réjouit que Genève soit dorénavant la seule et unique capitale mondiale de l’horlogerie, et que les conditions sanitaires permettent à tous de participer. «Cela constitue un baromètre d’activité et un accélérateur de projets, car l’échéance ne peut être repoussée. Tu vois en très peu de temps tout l’écosystème de l’industrie, tu en ressors plus intelligent et mieux informé, prêt à entreprendre d’éventuelles actions correctrices.»

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À la tête de Zenith depuis 2017 et auparavant chez Vacheron Constantin, Julien Tornare a connu Baselworld et le SIHH. Pour lui, «les salons continuent incontestablement à jouer un rôle important dans l’industrie horlogère. Ils sont la meilleure occasion de voir tous nos partenaires en peu de temps et, surtout, d’exprimer et de vendre la marque et son éthique à tous les acteurs de l’industrie par le concept de notre stand, notre concept marketing et des expériences que nous proposons pendant et autour du salon. Cependant, nous avons constaté ces dernières années que le lancement de nouveautés d’une manière échelonnée est également un immense succès en termes de maintien de la dynamique. Je crois fermement que la meilleure solution est une combinaison de salons professionnels, tels que W&W et la LVMH Watch Week, et de lancements réguliers assurant une communication continue avec la presse, les détaillants, les clients et les amis de la marque.» À la fois CEO de Girard-Perregaux (GP) et d’Ulysse Nardin (UN), Patrick Pruniaux a connu Baselworld et le SIHH, et choisit d’exposer à Watches and Wonders pour UN, mais pour l’instant pas avec GP «qui investit beaucoup dans sa manufacture et l’expérience clients et se trouve dans une phase où les salons ne sont pas pertinents». Pour autant, il reste convaincu de l’utilité des salons. D’ailleurs, il fait partie des cofondateurs des Geneva Watch Days. «Nous sommes une industrie qui vend des produits de petite taille, et pouvoir les exposer dans des centaines de m² permet de transmettre un message avec plus d’impact que dans une boutique. Ulysse Nardin est une marque véhiculant une forme d’opulence, de richesse de message et de complexité technique qui s’expriment très bien dans un salon.»

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Pendant Watches and Wonders, mais en dehors

Chez Bulgari, dont le CEO du groupe Jean-Christophe Babin a fondé les Geneva Watch Days à l’annonce de la disparition de Baselworld, les clients et médias sont reçus durant Watches and Wonders à l’Hôtel Président Wilson. Patron de la division horlogère, Antoine Pin décrit la disparition de Baselworld, où le stand de la marque se dressait majestueusement à l’entrée, comme un big bang. «On ne mesure pas encore totalement les répercussions de ce game changer, mais il y avait un modus operandi entre Bâle et Genève qui fonctionnait bon an mal an, concentrant toutes les attentions. Cette implosion a libéré beaucoup d’énergie, donnant lieu à de nombreuses initiatives plus petites, mieux réparties dans le temps et l’espace.» Il constate que l’activité et le dynamisme de l’horlogerie de luxe sont devenus beaucoup plus visibles, toute l’année, partout dans le monde. «Outre les événements horlogers qui ont pris de l’ampleur, tels que le GPHG ou Only Watch qui donnent une visibilité internationale aux marques, les efforts fournis par ces dernières offrent à l’horlogerie beaucoup plus de moments d’exposition que par le passé. Alors que les grands médias généralistes résumaient l’intégralité de Baselworld en 2-3 pages, ils reprennent beaucoup plus régulièrement l’actualité horlogère. Cela a notamment profité aux petites marques indépendantes qui ne restent plus dans l’ombre des géants de Baselworld.» Antoine Pin explique donc que Bulgari s’est adaptée à cette nouvelle donne, en dévoilant les nouveautés de manière trimestrielle, qui ne justifie pas une présence à Watches and Wonders. «Il n’y plus de déphasage entre la communication et le marché, c’est plus cohérent pour les médias comme pour les clients».

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Pourquoi ils ont quitté les salons

Avant-gardiste et anticonformiste, Richard Mille avait surpris tout le monde en 2018 en annonçant quitter le SIHH. Mais aussi en participant au premier salon ReLuxury en 2022, afin d’accompagner son développement sur les montres d’occasion. Son Directeur marketing, Tim Malachard, explique que la donne a changé: «En 2009, nous avions cinq boutiques et 120 détaillants, aujourd’hui 39 boutiques et plus aucun détaillant ; ce sont les clients finaux que nous souhaitons toucher, et les investissements ont été réorientés, notamment vers le digital et nos propres événements. Nous souhaitons mieux les connaître et les comprendre, passer du temps avec eux. Nous nous sommes adaptés et menons nos opérations de manière beaucoup plus personnalisée.» Également présent par le passé au SIHH, Greubel Forsey a mis le cap sur de nouveaux horizons depuis deux ans, sous la houlette d’Antonio Calce (CEO et Executive Board Member) qui lui-même avait exposé par le passé à la fois à Baselworld et au SIHH, à la tête d’autres marques. «Nous avons constaté que nos clients ont besoin de temps pour découvrir nos garde-temps. Chez Greubel Forsey, il n’y a pas une logique de présenter pour vendre, mais plus une logique de parler de la marque ainsi que de ses développements sur les prochaines années. Notre rôle est de partager une passion, une expérience, d’expliquer notre approche dans le développement de nos inventions, nos finitions… plutôt que de participer à un événement pour prendre des commandes. Étant une marque de niche, on recherche une relation client différente. Le fait d’aller à sa rencontre sur les marchés, en collaboration avec le partenaire, nous octroie beaucoup plus de temps et de calme pour présenter la philosophie et la vision de la marque. Nous lui offrons un moment de partage, ce qui est difficile à faire sur des salons où les agendas sont très chargés.»

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