La mer et la Seiko SLA 025

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The sea and the Seiko SLA 025 - Why not...?
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Notre collectionneur propose une analyse approfondie de la Seiko SLA 025.

L’horlogerie moderne est née de la mer, à bord des premiers navires qui partaient à la découverte de ce qui était encore une planète plate. 

Encore aujourd‘hui, alors que ce lien s’est distendu sous la pression de la technologie, le rapport entre montre et océan fascine. Pourquoi sommes-nous autant fascinés par les montres de plongée ? Pourquoi le terme « professionnel » apposé sur le cadran de cette montre nous fait-il tellement fantasmer ? Pourquoi, alors que peu d’entre nous peuvent se targuer de plonger plus profond que trois mètres, sommes-nous à la recherche de celle qui va plus profond, plus loin dans les abysses, là où personne n’est allé avant… 

Essayons de comprendre ce qui nous attache si intimement à la mer, et pourquoi les montres de plongée nous sont si indispensables. Il y a d’abord le rêve, l’aventure, l’évasion. La mer reste un des derniers territoires majoritairement inconnus. Dans un monde où tout se sait si vite, penser que nous sommes entourés d’inconnu fascine. Si cet inconnu est inaccessible à beaucoup, la montre de plongée nous permet de rêver. 

Ensuite, dans une époque de contrôles et de surveillance, la mer apparaît comme un espace de liberté. Plonger sans bouteilles, parler aux petits poissons, se laisser porter par les éléments est un luxe immense dans notre époque sur-connectée. 

Finalement, s’intéresser à un objet devenu futile dépasse la simple nostalgie. Cet intérêt semble nous ramener à ce qui est réel et ce qui dure. Pourquoi sinon aimons-nous autant les plongeuses vintage ?

Les montres de plongée sont un des piliers de l’industrie horlogère. 

D’ailleurs, essayez de trouver une marque qui n’offre pas sa propre plongeuse. A. Lange & Söhne est la plus connue, mais la liste s’arrête presque là. Pour les autres, même si la liste est longue, toutes les plongeuses ne sont pas nées égales aux yeux des collectionneurs. Il y a les vraies, les tatouées, et celles qui font semblant. 

La première catégorie reste un club bien fermé parce qu’on y trouve les marques qui ont inventé la montre de plongée. Elles ont essayé, elles se sont trompées, elles ont deviné l’importance que la mer allait jouer dans leur développement. En résumé, elles ont eu du flair et de la consistance. 

Combien sont-ils à se partager cette gloire ? Il y a bien sûr Rolex, qui a probablement presque tout inventé en matière de plongeuse. Mais aussi Omega, Doxa, Blancpain et Seiko, dont nous parlerons plus tard. Toutes ces marques ont accompagné les plus belles aventures sous-marines. Elles sont allées là où nous n’irons jamais. Elles nous ont ramené de belles aventures, des exploits et l’envie d’aller encore plus loin. 

Et nous portons un peu de tout cela à notre poignet grâce aux montres de plongée. 

Pourquoi Seiko ?

Cette marque est fascinante. Elle a inventé le mouvement chronographe à roue à colonnes 20 ans avant que les marques suisses équipent leurs modèles de cette même technologie. Elle est allée dans l’espace au poignet du Colonel Pogue (Mission Skylab). Elle a été portée par James Bond, elle s’est battue contre Predator ou contre Alien (au poignet de Sigourney Weaver).

Elle a fait la guerre du Vietnam et a combattu le Colonel Kurtz au poignet du Major Willard (Apocalypse Now). Elle était au poignet des pilotes de la RAF, mais aussi à celui du Roi de Thaïlande (Rama 9). Et n’intéresse pas les footballeurs ou les rappeurs parce qu’elle allie discrétion, qualité et prix raisonnables. 

Elle est totalement intégrée, va jusqu’à produire ses propres lubrifiants. Toutes ses montres sont équipées de mouvement « manufacture », bien avant que ce terme ne devienne galvaudé. Et bien sûr, elle a inventé le quartz et presque tué l’industrie suisse… Tout cela mérite un immense respect. 

Il y a donc tant à raconter sur Seiko. 

Mais notre sujet est la mer…

Commençons par une évidence. La Suisse n’a pas de connexion avec la mer. Le Japon est un archipel. 

L’histoire des montres de plongée japonaises commence en 1965, avec la première tentative de Seiko de produire une plongeuse digne de ce nom. Ce sera la fameuse 62 MAS – autoMAtic Selfdater (référence 6217-800), célébrée l’an dernier par une réédition (la SLA 017). La montre est magnifique, mais son design s’approche plus d’une plongeuse «de loisir ». 

La mer et la SLA 025

Pour devenir crédible, Seiko doit se doter d’une montre aux capacités professionnelles. 

Les équipes de Seiko se mettent au travail et créent la 6215 en 1967. Elle définira le style Seiko pour les nombreuses années à venir. Après cela, il y aura la fascinante 6159 – 7010 Tuna Can, dont le design surprend encore près de 40 ans après. 

Et s’en suivront de multiples déclinaisons de plongeuses professionnelles ou de loisirs. Leurs performances deviendront légendaires. Et vaudront à l’ensemble de ces modèles de porter d’affectueux surnoms donnés par les collectionneurs. 

Bienvenue dans le monde de Gold Tuna, Samouraï, Shogun, Tuna Can, Monster ou Turtle…

La Seiko SLA 025 : Godzilla est de retour !

Nous voici donc en présence de la Seiko SLA 025. La montre a été lancée en 2018, et se veut être une réédition fidèle de la - presque - première montre de plongée professionnelle de Seiko. 

Pourquoi donc « presque » ?

Comme évoqué plus tôt, en 1967, Seiko surprend le monde des plongeurs en lançant la Réference 6215, une montre qui allait révolutionner la marque. Avec ce modèle, Seiko veut montrer au monde de quoi ses horlogers et ingénieurs sont capables. 

Tout d’abord, la 6215 est la première plongeuse de Seiko à être équipée de la fameuse couronne à 4 heures, qui deviendra sa marque de fabrique. Ce placement est censé protéger la couronne de manière plus efficace que les protèges-couronnes qui équipent les montres suisses. 

Ensuite, elle opte pour une construction monobloc. Pas de fond vissé ou clippé. Le boîtier est une pièce unique de métal avec un fond totalement plat très surprenant. Le mouvement, le cadran et le verre s’installent par « le dessus ». L’étanchéité est d’autant plus forte, et elle n’a pas besoin de valve à hélium pour affronter les grands fonds. En 1970, Omega optera pour une technologie similaire sur sa Ploprof. 

Mais la 6215 ne sera produite que pendant un an, laissant place à la 6159-7000 en 1968. 

La mer et la SLA 025

La 6159 est presque identique à la 6215, mais est animée par un mouvement manufacture High Beat (Haute Fréquence) spécialement renforcé pour répondre aux spécifications d’un objet à vocation professionnelle. Elle sera d’ailleurs la première plongeuse de Seiko à arborer « Professional » sur son cadran noir. Le cadran portera également le fameux logo SUWA indiquant qu’elle a été produite dans ce site légendaire de la marque. 

Sa lunette graduée est noire et les chiffres sont dorés, autre marque de reconnaissance de Seiko. Le cadran est simple, lisible et la luminosité reste une des meilleures pour l’époque.

Enfin, elle est proposée sur un bracelet en caoutchouc noir, et un autre … orange. 

Cette montre ne sera produite que pendant trois ans et rencontrera quelques soucis d’étanchéité. De par leur courte durée de production, les 6215 et 6159 sont devenues des pièces fort recherchées par les collectionneurs. 

C’est pour cela que lors de Baselworld 2018, l’annonce d’une réédition a fait trembler les « seikoholics » d’émotion et de plaisir. 

Voici donc la SLA 025…

La mer et la SLA 025

Comme prévu, la SLA 025 est quasi identique à la 6159 de 1968. On y retrouve tout ce qui a fait le charme de cette montre. La construction est monobloc, le fond reste totalement plat, le mouvement est un dérivé d’un calibre Grand Seiko High Beat (comme la 6159) et le cadran est similaire, à l’exception du logo SUWA. 

Avec les années, la SLA 025 a pris un très léger embonpoint et mesure un petit millimètre de plus que son aînée. Elle est aussi légèrement plus épaisse. Mais la construction particulière de la boîte, avec des cornes très courtes fait apparaître cette montre bien plus petite qu’elle ne l’est en réalité. Alors qu’elle affiche un diamètre de 44.8 mm, elle se porte plus comme une pièce de 42 mm.

Les aiguilles restent fines, mais très lisibles, et l’aiguille des secondes reprend le design « pagaie » avec un point rouge, encore une belle référence au passé. 

La montre est proposée sur un bracelet caoutchouc gaufré, qui là encore est une ode aux années de gloire des plongeuses professionnelles. 

En résumé, avec sa SLA 025, Seiko ne change pas une équipe qui gagne … et qui charme. Si vous cherchez à vous démarquer des – trop – nombreuses plongeuses au look proche d’une Sub, la Seiko SLA est un choix gagnant qui ne vous décevra pas. Mais attention, il s’agit d’une édition limitée à 1 500 exemplaires et les passionnés de la marque se sont déjà rués dessus … 

Qu’en pense l’avocat du diable ?

Le monde n’est jamais parfait, et ceci est aussi vrai pour les montres. Alors s’il fallait critiquer certains aspects de la Seiko SLA 025, il y aurait d’abord sa taille revue à la hausse. Rien de bien problématique, mais un maintien des dimensions originales n’aurait pas gêné … 

Ensuite, il y a le bracelet. 

Pour ceux qui ont un petit poignet (17 cm ou moins), ce bracelet est trop long et devient inesthétique une fois porté. Seiko aurait aussi pu doter la SLA 025 du – rare – bracelet orange qui accompagnait sa belle ancêtre. Je conseille donc vivement aux acquéreurs de la SLA 025 de se rendre sur le site www.uncleseiko.com, où ils trouveront leur bonheur pour remédier à ce petit problème. Le bracelet « pneu » (« tire tread ») est parfait pour cette montre.

Enfin, pour une pièce qui évolue dans cette gamme de prix (USD 5 400 / Euros 5 500), un effort sur le packaging serait aussi le bienvenu. Mais nous savons que Seiko a toujours eu une approche minimaliste en ce qui concerne les « accessoires » et la marque ne déroge pas ici avec ses habitudes. 

Et maintenant, comment porter cette Seiko SLA 025, avec un style japonais ?

Cette Seiko est une plongeuse, donc idéale pour l’été. 

Solide, précise, massive mais aussi amusante, décalée et inhabituelle grâce au design de sa boîte et à sa lunette alternant noir et doré, elle mérite d’être mise en évidence. Comme toute pièce d’inspiration vintage elle pourra être à l’aise à la plage ou au bureau, à condition de l’assumer ! 

Une chemise de la marque japonaise Ring Jacket, un jean Studio d’Artisan (Japan made aussi !) et une belle paire de sneakers Onitsuka Mexico 66 seront parfait pour aller avec votre Seiko SLA 025. 

Pour être un peu plus formel, rajoutez un blazer Beams et remplacez les sneakers par une paire de souliers Otsuka, notamment ceux de la gamme Shoten (à essayer chez Isetan Shinjuku - Tokyo).

Pour ce qui est de la montre, un bracelet NATO khaki avec boucles dorées (pour matcher la couleur de la lunette et des indexes), ou un des bracelets en caoutchouc évoqués plus tôt restent des choix sûrs. 

Attention cependant, l’entre-corne est de 19 mm comme beaucoup de Seiko. La montre peut accepter certains bracelets de 20 mm, mais je recommande de partir d’entrée sur la bonne dimension. 

Si vous êtes prêts à prendre plus de risques, vous trouverez sur le web des images d’une 6215 vintage montée sur un bracelet BUND en croco. Le mélange est pour le moins surprenant, mais aussi tentant … 

Une fois prêts, partez à la découverte de Tokyo, et n’oubliez pas de visiter une des nombreuses boutiques de montres vintage. Au détour d’un corner, dans une boutique cachée au 8e étage d’une église (Lemon à Ginza), vous pourrez peut-être y trouver des 6215 ou 6159 originales. Mais attendez-vous alors à payer un prix largement supérieur à celui de cette réédition …. 

Elles sont rares et belles …

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