Le complexe du homard

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Lobster syndrome - From Adolescence to Adulthood
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Elles ont plus de 10 ans, mais moins de 20 ans. Le bel âge pour l’être humain, la zone à risques pour les marques horlogères. Radioscopie de ces maisons établies mais encore jeunes

Le saviez-vous ? À l’adolescence, le homard se débarrasse de sa jeune carapace pour s’en forger une autre, adulte, plus résistante. Une mue sous-marine et à haut risque : durant cette période de transition, le homard est extrêmement vulnérable. Le « complexe du homard » est ainsi apparu en psychologie comme l’état de l’adolescent, fragile, entre deux mondes. Plus tout à fait un enfant, pas encore un adulte.

Kerbedanz, Schwarz Etienne, Meccaniche Veloci, Cyrus, parmi d’autres, sont de ces marques lancées ou relancées il y a moins de 20 ans et qui se trouvent dans cet entre-deux. « Ce sont des années intenses », confirme Mauro Egermini, directeur de Schwarz Etienne, rappelant que « la marque a été relancée sur le concept garde-temps depuis 2015, mais elle existe depuis 1902 sans interruption (appartenant à la Famille Schwarz jusqu’au rachat en 2012) ».

Tout miser sur l’identité horlogère

La maison a choisi la face nord de l’horlogerie, la plus escarpée : créer des garde-temps très différenciés, à l’identité forte. « Nous avons passé des années intenses axées essentiellement sur les développements mouvements ainsi que les collections et les éditions limitées (pièces ou coffrets) ». Malgré la facilité que cela pouvait représenter, la marque ne s’adresse donc pas au grand public, mais à des collectionneurs déjà formés, ce qui constitue un double défi : le premier, il s’agit d’une cible bien plus restreinte ; le second : les collectionneurs sont souvent de prudents investisseurs qui préfèrent les marques établies. « Il y a un long chemin en investissement humain et financier afin de faire connaître la marque », confirme Mauro Egermini.

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Prince of Persia

Un chemin qui se rapproche de celui de Cyrus. Dès son lancement par le tandem Lecamp, dont l’un préside aujourd’hui aux destinées horlogères de Montblanc, la marque s’est différenciée par un narratif très atypique reposant sur le roi Perse éponyme, Cyrus le Grand.

Les montres sont massives, puissantes, très présentes au poignet. Certaines sont encore en stock : Kambys, Klepcys. Mais Walter Ribaga, actuel CEO, a choisi une voie différente : au-revoir le roi perse, bonjour au roi de La Chaux-de-Fonds, Jean-François Mojon. Le génial motoriste associe sa propre structure, Chronode, à l’aventure Cyrus, et développe des garde-temps plus ambitieux, comme le fameux tourbillon vertical qui tend à devenir le porte-étendard de la marque. Là encore, la volonté est de renforcer l’empreinte horlogère de la marque.

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Forza Italia

Côté Meccaniche Veloci, c’est encore un autre enjeu : pour devenir adulte, la marque garde le même produit, mais en augmente la valeur ajoutée...et le prix. « Dans l’entrée de gamme, personne n’avait besoin d’une nouvelle marque », explique Cesare Cerrito, son CEO qui l’a reprise en 2015. « Le Top 5 de l’horlogerie construit un marketing derrière lequel vient ensuite le produit. Pour les indépendants, c’est l’inverse, tout part du produit. Nous ne voulons pas devenir une marque grand public mais offrir quelque chose de différent. Nous sommes en mouvement manufacture, et notre prix moyen est passé de 3000 francs à 10'000 francs ».

Le complexe du homard

Et demain ?

Pour passer les 20 ans, ces marques devront continuer à se différencier. « Avec des méthodes de communications, toujours plus dirigées sur le digital », prédit Mauro Egermini. En revanche, l’orientation horlogère diverge. Schwarz Etienne ? « Retour à un design plus classique, moins clivant », explique la marque. Meccaniche Veloci ? « Développer de nouvelles complications et fonctionner davantage par petites séries limitées que par collections ».

Kerbedanz ? La marque va considérablement s’étendre au-delà de son pré carré : « notre positionnement était très niche et orienté vers les petites séries. Nous allons considérablement l’ouvrir. C’est un changement radical de positionnement. Notre prix moyen était de 35 000 Fr., il va descendre à 6000 Fr. Nos diamètres s’étendaient de 42 à 51 mm, ils passeront de 36 à 41 mm. Nous allons travailler avec Vaucher, mais également développer nos calibres manufacture, et en complément, toute une gamme d’instruments d’écriture, de maroquinerie, de joaillerie, et peut-être de parfumerie », explique Guillain Maspétiol, son Directeur Général. Un modèle très « Montblanc » qui intéressera les anciens fondateurs de Cyrus... 

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Nous souhaitons à ces horlogers le même succès que Rolex.