S'il fallait retenir une seule tendance, un axe de développement design et commercial pour l'édition 2023 de Watches & Wonders et pour l'année en question, ce serait le chronographe. Jamais les planètes ne s'étaient alignées avec une telle perfection. Anniversaires, marché porteur, maturité esthétique, ambitions des acteurs, le timing est parfait, la vague énorme, les nouveautés alléchantes.
Premier aspect, les anniversaires. 60 ans pour le Cosmograph Daytona et la Carrera. 80 ans pour la Premier de Breitling. 30 ans pour la Royal Oak Offshore. 35 ans pour la Mille Miglia de Chopard. Autant d'occasions de revisiter les classiques, repenser les designs et lancer de grosses machines médiatiques qui braquent les projecteurs sur ces modèles, qui sont des chronographes parmi les plus reconnus, forts et pour certains, légendaires. Ce d'autant plus que l'on attend avec une impatience désespérée l'arrivée du successeur du chronographe Type XX de Breguet.
Second aspect, le marché porteur. Depuis des années, le style sport habillé, dress down, athleisure, casual chic prend le pouvoir sur toutes les catégories du luxe. La montre en est un des exemples les plus forts et le chronographe est LA complication qui incarne ce genre. D'autre part, la croissance du secteur est inédite dans l'histoire de la montre, y compris quand on la compare aux début des années 2000 et encore plus dès lors qu'on se concentre sur les pièces un tant soit peu haut de gamme.
Troisième aspect, la maturité esthétique. Le design des chronographes est balisé, connu, archi-connu. Comment peut-on encore y apporter quoi que ce soit ? Réflexion bien ignorante des réalités de la création horlogère, vivier inépuisable de redesigns, de versions 3.0, 4.0 et plus encore. L'horlogerie a une capacité au renouvellement qui étonne même en son propre sein et le chronographe l'a bien démontré. Le cadran cuvette d'une Carrera 39 mm sans lunette. L'irruption du fond saphir sur la Rolex Daytona ref. 126506 en platine. La cure de jouvence de la Reverso Tribute Chronograph avec son double visage. La nature de chronographe insoupçonnable de l'Odysseus Chronograph ou de la Montblanc Unveiled Timekeeper. La relance ni nostalgique ni rétro de la ligne Pilot de Zenith. Le monochrome bleu intense de l'IWC Pilot's Watch Chronograph 41 Top Gun Oceana. Jamais la politique de création n'aura été aussi ambitieuse depuis que les montres ont passer la barre des 43 mm de diamètre vers 2003 – 2004.
Mais l'aspect le plus profondément structurant de cette vague de chronos est l'appétit de leurs auteurs. Quasiment toutes les marques cherchent à monter en gamme, à monter en prix et à monter en prestige, pour profiter de l'engouement incroyable que la montre suscite à l'échelle mondiale. Pour y arriver, l'irruption d'une nouvelle génération d'un modèle, avec un mouvement repensé et augmenté est une approche qui légitime les valses de prix sur les étiquettes. La modification fondamentale de codes esthétiques en est une autre. Mais plus que tout, c'est l'occasion pour les marques concernées de faire valoir leur force, leur pertinence et consolider les positions de leadership que des modèles ultra connus ou ultra attendus leur procure. Et comme le chronographe a réussi à se tailler une place prépondérante dans le panthéon des monstres sacrés de l'horlogerie, il impose sa loi.
