Le réveil des paillons

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The Paillon Awakens - Charles Girardier
Frappés dans de l’or plus fin qu’un cheveu, ils se retrouvent ensuite figés dans de l’émail grand feu – pour la quasi-éternité. Bienvenue dans la drôle de vie des paillons, peuplée de savoir-faire rares

« Que pourrait bien créer Charles Girardier dit l’Aîné, horloger du XVIIIe, aujourd’hui ? » C’est la question que s’est posée Patrick A. Ulm, fondateur de la marque.  À l’époque, l’horloger pratiquait assidûment l’émail grand feu et appréciait les animations ludiques. Pour faire revivre son talent, la Collection Tourbillon Mystérieuse possède un cadran paré d’émail et animé d’une complication brevetée, la « signature mystérieuse ». Mais, pour décorer l’émail de la version féminine, le fondateur souhaitait aussi des paillons. Et pas n’importe lesquels : des paillons réalisés selon la tradition. Un vrai défi, car, ce savoir-faire, aujourd’hui perdu, contraint l’horlogerie haut de gamme à se tourner vers des stocks anciens – de plus en plus rares.

Le réveil des papillons

L’art de frapper des feuilles d’or

Pourtant, au hasard d’une rencontre tombée à pic pour satisfaire le vœu de Patrick A. Ulm, le cadranier de GVA Cadrans, société sœur de Charles Girardier au sein du groupe Régence, parvient à se procurer de nombreux poinçons d’époque. Coup de chance double, il bénéficie également du « mode d’emploi », transmis de vive voix par la veuve du paillonneur. Résultat : ces paillons, frappés à l’ancienne sur des feuilles d’or de 30 microns à peine, présentent un relief saisissant.  

Le réveil des papillons

Aussi translucide qu’un océan d’émail

« Nous avons dû réapprendre des métiers anciens et perdus. Les paillons d’abord. Puis les émailleuses ont réalisé de nombreux essais avant d'obtenir les teintes que nous recherchions, loin d’être standards. Enfin, nous avons aussi dû apprendre à fixer les paillons dans l’émail grand feu. » poursuit Patrick A. Ulm. Selon la technique du flinqué, l’émail grand feu est appliqué sur le cadran en or gravé. Mélangée avec de l’eau, la poudre de verre forme une pâte déposée au pinceau. Quatre couches successives d’émail coloré translucide se suivent, à chaque fois passées dans un four à plus de 800°C. Les paillons sont ensuite maintenus grâce à une colle – composée de pectine, et provenant déjà à l’époque de pépins de pomme écrasés – dissoute ensuite par la chaleur. Enfin, six couches d’émail translucide non coloré, le fondant, sont ajoutées, avec toujours autant de passages au four. La technique délicate de l’émail grand feu, tributaire de chaque cuisson, confère au cadran une profondeur translucide souvent qualifiée de « vibrante », avec des couleurs quasi inaltérables.

Le réveil des papillons

Sur la version féminine de la Tourbillon Mystérieuse, le motif de la gravure est inspiré par une décoration réalisée sur le pont de balancier d’une montre de poche du Charles Girardier d’autrefois. Un dessin de chevrons contemporains orne la version masculine, repris sur le cuir du bracelet, comme sur tous les bracelets en tissé de la marque. Et puisque la marque n’est pas à un savoir-faire près, le tissage est réalisé à l’ancienne, dans des ateliers situés en France cette fois, avec d’anciens métiers Jacquard servant à confectionner des rubans, des écharpes de maire (sic !) mais aussi des bracelets de montres.

Côté mouvement, des décorations artisanales apparaissent cette fois encore. Un grainage à l’ancienne, avec de la poudre d’argent doucement brossée sur le maillechort, ainsi que des angles rentrants réalisés à la main sur les ponts. Car, quand on aime l’art, on ne compte pas !

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