
Bulgari « Honnêtement, c'était de la folie ! »
WorldTempus s'est entretenu avec Fabrizio Buonamassa Stigliani, directeur de la création produits chez Bulgari Horlogerie, pour parler de l'Octo Finissimo Ultra, qui a battu tous les records, et de ce que cela signifie pour l'avenir de l'horlogerie Bulgari
Suzanne Wong : Félicitations pour la nouvelle Bulgari Octo Finissimo Ultra et pour les 10 ans de l'Octo ! Vous vous souvenez peut-être que, lors de notre entretien à Dubaï il y a quelques mois, nous avions déclaré que l'un des plus grands défis à relever lorsqu’on travaille avec un objet comme l'Octo était de savoir quand s'arrêter. Et bien sûr, maintenant avec l'Octo Finissimo Ultra, il semble que nous soyons vraiment arrivés à la limite finale de l'horlogerie ultra-mince. Y a-t-il encore des progrès à faire de ce côté-là ?

Octo Finissimo Ultra © Bulgari
Fabrizio Buonamassa Stigliani : Honnêtement - comme vous le savez, car nous en avons déjà parlé plusieurs fois - je ne suis pas obsédé par les records. Il est bon de les avoir, car ils nous permettent de découvrir nos limites. Et une fois que les limites sont définies, on est capable d'imaginer des moyens de les dépasser. C'est ainsi que j'aime jouer avec les contraintes. La limite ici est l'épaisseur d'une montre mécanique. Nous devions trouver un moyen de nous concentrer et de tourner autour de ce sujet, et des contraintes qui nous sont imposées, et d'en faire une opportunité.

Fabrizio Buonamassa, Directeur Création Produits chez Bulgari © Bulgari
C'est exactement comme cela que nous avons commencé avec l'Ultra. La construction elle-même n'avait rien d'inhabituel - un mouvement rond avec un profil extérieur octogonal, et tous les éléments les plus importants au milieu, la partie que nous considérons comme le cadran. C'est ce que nous connaissons tous. Ma réaction immédiate a été la suivante : "Les gars, ce genre d'approche ne m'intéresse pas. C'est trop commun. Nous avons tellement plus d'espace vide que nous pouvons exploiter. Au lieu d'avoir le barillet ici, pourquoi ne pas pousser vers l'extérieur et le mettre ici ? Pourquoi ne pas changer les règles de fabrication des mouvements, pourquoi ne pas trouver un nouvel équilibre entre ce qui est possible avec le boîtier et le mouvement ?"
Je voulais que la mécanique et l'esthétique ne fassent qu'un.
SW : Vous vouliez repousser non seulement le design, mais aussi le concept même de ce qu'est une montre.
FBS : Oui, car en ce qui me concerne, il est difficile de pousser les choses uniquement du côté du design. Le design, c'est le concept. On pourrait dire que le design est plutôt une conséquence du concept, mais si nous n’avons pas une idée claire en tête, il est impossible de faire un bon design. Un bon design naît lorsque nous avons une idée très claire et pure. Si nous voyons ce que nous sommes, quels sont nos objectifs, nous pouvons alors réaliser le design. À ce stade, la plus grande contrainte à laquelle nous avons été confrontés était de savoir comment changer notre état d'esprit traditionnel en matière d'horlogerie afin de sortir de certaines conventions.

Octo Finissimo Ultra © Bulgari
SW : Les conventions de ce que nous pensons être possible, ce qui peut être mis à quelle place et ainsi de suite.
FBS : Exactement ; voici comment nous pouvons le faire. Oubliez la forme ronde. Oubliez l'octogone. Je veux avoir un cadran qui brise les géométries communes de l'horlogerie. Et c'était passionnant pour tout le monde. Nous avons eu une réponse étonnante en interne - "Oui, nous pouvons faire ceci, nous pouvons faire cela, oui et oui" - alors maintenant nous devons trouver un moyen de le faire.
Honnêtement, c'était de la folie ! J'aimerais pouvoir vous montrer le moment où j'ai découvert que nous pouvions fabriquer la montre exactement de cette manière. J'ai vu tous les composants nécessaires : le barillet, les ponts, le balancier, les roues, le carré, le cercle. J'ai dit : "Les gars, nous tenons vraiment quelque chose."
Alors, j'ai laissé mon croquis aux maîtres horlogers. "On se voit la semaine prochaine."
C'était une sacrée pression pour eux, car à chaque fois que nous nous rencontrions, j'essayais de défier et de changer leurs perceptions de l'horlogerie. Je leur disais des choses comme : "Pourquoi faites-vous les choses de cette façon ? Nous avons une telle opportunité d'innovation ici. Je sais que nous avons besoin de cette roue, mais ne pouvons-nous pas essayer de faire les choses différemment ?"
SW : Ce n'est pas facile, d'amener les ingénieurs à penser hors des sentiers battus.
FBS : Pas du tout, mais si nous parlons d'une montre ultra-mince, il s'agit de réduire le nombre de composants. Et pour y parvenir de la manière la plus optimale possible, chaque composant doit être capable de faire plusieurs choses, car il n'y a pas de place pour les composants qui n'ont qu'un seul but. Comme je l'ai déjà dit, c'est ainsi que nous découvrons nos limites et nos contraintes absolues. Et dans ces contraintes et limites, je vois toujours une opportunité. Ce n'est pas une prison ; je ne me sens pas piégé par ces limites. Je vois une possibilité.

Octo Finissimo Ultra © Bulgari
SW : Cela me rappelle quelque chose dont nous avons beaucoup discuté dans le passé - l'importance de la retenue et d'introduire une sorte de tension dans la conception d'une montre. C'est cette tension perçue qui attire les gens vers une montre, plutôt qu'une surcharge visuelle.
FBS : Exactement. Avoir tous ces éléments et plusieurs couches de construction était l'idée de base. Le problème avec les montres ultrafines, c'est que les éléments peuvent sembler très serrés, presque étouffés, ce qui n'est pas bon.
Ici, sur l'Octo Finissimo Ultra, lorsqu’on la regarde directement, le cadran a la même tridimensionnalité que dans n'importe quelle autre montre. Des roues, des ponts, des couches, etc. Et lorsqu’on tourne la montre sur le côté, on se rend compte qu'il n'y a presque aucune profondeur physique sur cette montre et on a ce sentiment : "Attendez, désolé, que vient-il de se passer ? Où est l'arrière de cette montre ? Suis-je dans une sorte de monde à la MC Escher ?"
J'adore cela, car c'est très intéressant pour une autre partie de cette montre, à savoir le barillet avec le QR code gravé. Nous avons vu que le barillet allait être le plus grand élément visible sur le cadran, alors nous avons commencé à discuter, et j'ai dit : "Les gars, nous devons avoir une texture et une finition spécifiques ici sur le barillet, parce que sinon cet énorme composant va cannibaliser toute l'attention. Que pouvons-nous faire ? Pouvons-nous squelettiser le barillet ?"
Ils m’ont répondu : "Non, Fabrizio, nous ne pouvons absolument pas, car le barillet et le verre du cadran sont si proches que si nous avions un barillet ajouré, les huiles se transféreraient sur le verre."
Je leurs ai répondu : "Gravons le barillet avec les noms de toutes les personnes impliquées dans la montre", et ce n'était pas possible non plus, car nous n'avions pas l'épaisseur nécessaire pour cela. Et comme je cherche toujours un moyen d'apporter du sens à une montre, c'est là que j'ai eu l'idée de mettre le QR code sur le barillet. Le QR code est constitué d'éléments carrés, et l'Octo est rempli de tous ces angles à 45 degrés très géométriques ; cela me rappelle toujours le design en pixels du jeu vidéo Space Invaders.

Octo Finissimo Ultra © Bulgari
Et lorsqu’on scanne le QR code, on est transporté dans la dimension digitale. La montre est ultra-mince ; sur cette montre, la troisième dimension est presque intangible. Et nous l'avons remplacée par la dimension digitale. Cette montre est devenue une porte, comme la porte de notre boutique sur la Via dei Condotti. Lorsqu’on entre, on est dans le monde de Bulgari. Lorsqu’on regarde l'Octo Finissimo Ultra, on peut entrer dans ce même monde.
SW : On peut voir la porte de la boutique de Rome avec votre œil physique, mais avec l'Octo Finissimo Ultra, on utilise un œil électronique, la caméra de notre téléphone, pour franchir cette porte. C'est littéralement une autre façon de voir Bulgari.
FBS : Exactement. C'est le moment où nous entrons dans le métavers de Bulgari. Nous sommes bombardés de significations et d'inspirations différentes en permanence, tout le monde parle du métavers comme si c'était quelque chose que nous comprenions. Je me suis dit que le QR code était une porte. Il nous permet de passer d'un côté à l'autre. Il est à la fois une fin et un début. Et c'est la même chose avec l'Octo Finissimo Ultra. Ce record du monde a le dernier mot en matière d'ultra-minceur. Et c'est notre première phrase dans l'histoire du métavers Bulgari. Nous y trouvons de nouveaux voyages, de nouveaux défis et de nouvelles contraintes.
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Bulgari possède sa propre définition de l’excellence, qui implique l’équilibre parfait entre design, valeur ajoutée, qualité des produits et service mondial. Concernant l’horlogerie, tout débuta avec la montre Bulgari Bulgari qui déboucha sur la création, en 1982, de Bulgari Time, en Suisse.
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