Breguet Tradition Tourbillon 7047 : De la graine au fruit, deux siècles

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New Tradition 7047 - Breguet
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Certains n’y verront qu’une nouvelle référence de la collection Tradition, sans y prêter véritablement attention. Ce serait une erreur. Voici pourquoi

Il y a plus compliqué que de s’y retrouver dans la jungle des références chiffrées des modèles Patek Philippe ou Rolex : il y a la connaissance, intime et profonde, du patrimoine Breguet. L’homme a tant inventé, découvert, défriché, qu’il n’y a pas le moindre détail de l’une de ses compositions qui ne soulève une montagne d’histoire(s), d’anecdotes et de techniques. 

« Breguet est un enfant des Lumières, il pratique l’horlogerie sans obstacle, il n’a pas de limite », explique Emmanuel Breguet, dans l’excellent podcast récemment produit par la manufacture. « Il a une très grande audace intellectuelle et amène l’horlogerie vers le néo-classicisme à marche forcée ». 

Breguet Tradition Tourbillon 7047 : De la graine au fruit, deux siècles

Longue ascendance

La nouvelle Tradition 7047 en est le fruit. Comme toutes celles qui l’ont précédées, cette pièce n’est elle-même qu’une étape. Breguet était en réflexion permanente et son style, dont les fondements sont pourtant bien identifiés (aiguilles, guillochage, cannelures, etc.) est en réalité en progression et mutation constantes. 

L’homme avance par touches, par essais. Il construit ses montres comme il a construit son réseau commercial et personnel : par étapes, avec détermination mais infime précaution. Ce qui donne la sensation, de loin, d’une progression lente et linéaire. « De loin », c’est-à-dire vu d’aujourd’hui. Mais pas en adoptant le bon régime d’historicité, comme l’a théorisé François Hartog. En reprenant la perspective du vivant de Breguet, on peut mesurer le caractère profondément audacieux, parfois transgressif, de son œuvre. 

Breguet Tradition Tourbillon 7047 : De la graine au fruit, deux siècles

Nouvelle interprétation

La « nouvelle » 7047 ne l’est en réalité pas véritablement. La première itération date de 2010. La collection Tradition est encore assez jeune : elle n’a été créée qu’en 2005. C’est pourquoi la 7047 en était déjà, à l’époque, un jalon important, avec un mouvement très démonstratif. Celui-ci est clairement construit dans la perspective de l’absolue chronométrie, grâce aux deux organes maîtres en la matière : le tourbillon (breveté par...Breguet), et la chaîne-fusée, qui assure la linéarité du couple délivré au premier. 

Cette régulation très technique surprendra l’historien : la collection Tradition est inspirée des montres de souscription de Breguet, conçues pour être un summum de simplicité. Elles sont décrites dans son prospectus de 1797 : « Le prix des montres sera de 600 livres ; le quart de cette somme se paiera en souscrivant ; la construction ne souffrira point de retard, et la livraison se fera en suivant l’ordre des souscriptions (…). Elles se distinguent par leur simplicité et par une disposition qui garantit l’échappement des accidens (sic) les plus graves, même en cas de chutes. La disposition du rouage, l’échappement et le régulateur, le compensateur du chaud et du froid sont si à découverts et si faciles à saisir, que tout observateur attentif peut juger d’un seul coup d’œil (…) de l’harmonie du travail et de la sûreté des effets ».

Breguet Tradition Tourbillon 7047 : De la graine au fruit, deux siècles

Silence, ça tourne

L’esthétique de la Tradition 7047 en est une traduction. Son heure décentrée semble relativement courante de nos jours. Chez Breguet, elle fut rare. On la trouve sur certaines pièces très particulières, comme les montres à tact N° 955, 1106 ou 2292 (et l’histoire est facétieuse : les premières montres à tact étaient, dans les registres Breguet, des montres...à souscription). Si la petite seconde ou les complications tierces étaient toujours décentrées, ce n’était que très rarement le cas pour les heures et minutes, presque toujours centrales. 

Dans la 7047, le mouvement a effectué une rotation d’une heure dans le sens horaire : le tourbillon n’est plus à midi, mais plutôt à 1h. Le cadran horaire n’est plus à 6h, mais à 7h. Une légère rotation de 30° droite d’apparence simple, mais techniquement assez subtile car la couronne, elle, est restée à 3h. 

De surcroît, cette rotation droite du couple tourbillon / cadran est décorrélée du binôme fusée / chaîne. La première est à 5h, la seconde à 9h : même si l’ensemble est harmonieux, il n’y a pourtant pas d’exacte symétrie entre les différents organes de la montre – ce qui est très rare en horlogerie contemporaine. 

Détail de géomètre ? Subtilité de collectionneur ? Loin de là. Car c’est par ce type de détail, presque imperceptible, que l’on peut comprendre que Breguet n’est pas classique, mais néo-classique. Il comprend les codes de son époque, les assimile, les transforme et les porte vers de nouveaux horizons. 

En cela, et bien que la comparaison puisse surprendre, Breguet est plus proche d’une Legacy Machine de MB&F, d’une H. Moser & Cie, que d’une Calatrava de Patek Philippe. Car il y a plus de deux siècles, Breguet produisait des pièces qui portaient en elles les graines d’un mouvement esthétique subtilement disruptif dont la nouvelle garde horlogère récolte aujourd’hui les fruits. 

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