Lors de son lancement en fanfare fin 2011, l’X Fathoms a créé la surprise par ses dimensions, ses fonctionnalités et l’ampleur de ses ambitions. Fanatique de plongée, Mark Hayek, le président de la marque, avait installé ce modèle à la croisée de plusieurs axes stratégiques. En premier lieu de l’incarnation, puisqu’il a fait en personne la démonstration du prototype dans le bassin rempli de requins de l’aquarium du Dubaï Mall. De la plongée extrême, qui s’affirmait alors comme nouvelle frontière du développement horloger. Et de la mode des montres aux diamètres immenses, qui était alors à son apogée. Avec ses cinq jours de marche, son spiral en silicium et sa construction plutôt solide, le calibre 1315 avait fourni une base de choix à l’X Fathoms. On lui avait retiré sa date et ajouté toutes les fonctions liées à la plongée du nouveau modèle, ce qui avait fait prendre 3mm d’épaisseur au calibre 9918B. Mais il fallait bien cela pour loger tout ce que Blancpain avait développé de spécial.
Usage réel
Incidemment, cela a fait de l’X Fathoms la montre qui possède peut-être le plus d’aiguilles au centre, avec un total de six. Ceci explique partiellement, mais partiellement seulement, son épaisseur totale de 24mm pour un diamètre de rien moins que 55,6mm. À l’époque, il s’agissait de la montre la plus grande, la plus épaisse, la plus énorme jamais vue pour le poignet (et elle est restée dans le peloton de tête depuis). Il s’agissait en fait d’une fausse impression, parce que l’X Fathoms n’était pas une montre de poignet, mais une montre de combinaison. Elle avait été conçue uniquement pour être portée en plongée effective, sur une manche en néoprène, là où les considérations de style et d’encombrement cèdent complètement le pas à celles d’ergonomie in situ et de fonctionnalité. Et de ce côté-là, le modèle n’était pas avare. Malgré les apparences, il avait des cornes cachées sous son bracelet en caoutchouc sculpté, qui s’accrochait autour d’un décrochement sur le fond de boîte.
Fonctions rares
Tout d’abord, en termes de fonctions, l’X Fathoms s’inscrivait dans le club très fermé, encore aujourd’hui, des montres à profondimètre mécanique. Cette spécialité périlleuse consiste à laisser entrer l’eau dans une sur-boîte, contre le fond de laquelle est fixée une membrane qui mesure la pression effective. Cette dernière est ensuite transmise dans le mouvement à travers un jeu de joints et de leviers très complexe, forcément très sécurisé, pour indiquer la profondeur à un instant donné. Ce qui explique que malgré ses cotes immenses, la montre n’a été garantie «que » à 300 mètres. Plus et le rapport épaisseur/résistance de la membrane aurait été ingérable. Il fallait déjà un triple fond particulier, reconnaissable à ses trois ouvertures grillagées en forme, étrangement, de logo radioactif, pour permettre l’évacuation de l’eau.
Détails en pagaille
La jauge de profondeur est répartie entre deux échelles de lecture. La première, bleu turquoise, va de 0 à 15 mètres, et convient donc à l’immense majorité des plongées. Elle se double et se prolonge par une seconde grille de lecture, en orange au plus près du centre, qui va jusqu’à 90 mètres. Au-delà, il faut être un travailleur de la mer et les revenus de ces pros-là est incompatible avec la facture Blancpain, autour des 40000 CHF à l’époque. Ce profondimètre est muni d’une fonction mémoire qui enregistre le point le plus bas atteint, incarné par l’aiguille à pointe carrée rouge.
Civile ou pro?
La dernière aiguille, située à 10 heures et graduée jusqu’à 5 est une rareté : un compteur rétrograde 5 minutes, qui permet d’effectuer des chronométrages intermédiaires sous l’eau. Il est actionné par le poussoir étanche à 10 heures. Celui placé à 8 heures, protégé par un grand pont extérieur, remet à zéro la mémoire du profondimètre. Mais le plus étrange est que dans cette extrapolation hypertrophiée de la collection Fifty Fathoms, Blancpain a encore tenu à intégrer des éléments de design de la ligne civile, en particulier sa lunette. Bombée, en saphir, elle est certes belle, surtout en taille triple XL. Mais elle est aussi notoirement fragile et exorbitante à changer. On imagine à peine le tarif sur un diamètre de plus de 50mm.
Cette année, GMT Magazine et de WorldTempus se sont lancés dans le projet ambitieux de résumer la montre de plongée depuis l'an 2000 dans The Millennium Watch Book - Diver, un grand et beau livre magnifiquement illustré. Cet article en est un extrait. The Millennium Watch Book - Diver est disponible sur en français et en anglais ici :
