Championne des abysses

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Champion of the Abyss - Bell & Ross
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En contournant à la racine le problème de la pression sous-marine, l’Hydromax a battu des records avec 11100 mètres. Le faire sans sacrifier la portabilité est sa performance la plus impressionnante

On ne les attendait pas sur ce terrain. Ni à ce niveau de performance. Et en particulier pas à ce stade de leur développement. Mais la marque qui détient le record de la montre de série la plus étanche est Bell & Ross. Comme toujours, il faut quelques astérisques à ce record. Tout d’abord, elle dénote quelque peu dans le palmarès de ce Millenium Watch Book, puisqu’elle est sortie avant le cap de l’an 2000. Mais sa longévité et son importance lui confèrent un statut particulier. En outre, une poignée d’autres modèles ont été capables de performances similaires, et en prime, in situ. Mais il s’agissait de montres à la limite (et parfois franchement au stade) du prototype, et tellement énormes, épaisses, lourdes et au verre si globuleux qu’on ne pouvait raisonnablement pas les porter. Au contraire, l’Hydromax a ceci d’incroyable qu’elle a toutes les caractéristiques d’une plongeuse civile : fabrication de série, portable, petite, relativement fine et sans valve à hélium, 39mm de diamètre, 12 d’épaisseur, 2300 € à son lancement et testée en caisson hyperbare jusqu’à 1110 bars par l’Ifremer. Ce poids coq met au tapis des gaillards de trois fois sa taille grâce à une technique imparable et, pour tout dire, d’une ingéniosité extraordinaire.

Paradoxe

Le problème des montres de plongée est qu’elles sont pleines d’air. Et l’air se comprime sous la pression. Comme le volume interne de la boîte s’effondre, il entraîne avec lui les pièces protectrices de la boîte. L’idée de l’Hydromax est de remplacer cet air par… un liquide. Car une des propriétés de tout liquide est qu’il est incompressible. Son volume ne change pas quand on l’écrase. La preuve, l’eau de mer n’est pas plus lourde ou épaisse sur le plancher des océans qu’à la surface. Mais une montre remplie de son ennemi juré, celui qui menace ses matériaux, son intégrité, et surtout la progression libre de ses composants mécaniques ? Impossible ! Et pourtant.

Ingéniosité 

L’intérieur de la boîte en acier est noyé dans une huile minérale à base de fluor, appelée Hydroil, dont la marque avait l’exclusivité. Liquide contre liquide, la pression s’égalise naturellement. Ce n’est pas la seule contrainte qui règne dans une montre. Si l’Hydroil n’oxyde pas les composants en cuivre, laiton ou acier du mouvement et n’interfère pas avec la pile, cela ne résout pas le problème principal: les aiguilles ont besoin d’avancer sans devoir repousser le liquide qui se trouve sur leur passage. Sinon, ce serait comme marcher sous l’eau: un effort énorme. Alors l’Hydroil a une autre caractéristique : elle s’organise par strates et n’oppose que très peu de résistance dans le plan horizontal. Si une aiguille voulait monter et descendre, elle aurait toutes les peines du monde et épuiserait la force du calibre. Mais pour avancer dans son plan, pas de friction, pas de viscosité adverse. À tel point que l’Hydromax a une date et la trotteuse indispensable à la certification ISO 6425. Et bien sûr, l’huile est parfaitement transparente. 

Championne des abysse

Souplesse

Seulement, si l’Hydroil est incompressible, elle est sensible aux variations de température, qui en modifient le volume. Entre le fond des mers, quasiment à 0 degré Celsius, et une plage en été sous le soleil, l’amplitude thermique atteint les 50 degrés. Alors pour compenser, le fond de boîte est… en caoutchouc, et se déforme. Sa partie centrale en tout cas. Comme ce fond est posé contre la peau, il n’est pas exposé et la montre reste pleinement fonctionnelle. L’autre avantage du remplissage est qu’il supprime l’effet de réfraction. Immergée, la montre reçoit des rayons lumineux déviés, ce qui crée le fameux effet miroir. Or la réfraction n’existe quasiment pas quand la lumière passe de l’eau à l’Hydroil. 

L'envers

Dans le boîtier en acier de 39mm de diamètre de l’Hydromax, Bell & Ross a installé un mouvement à quartz, pour limiter le nombre de pièces en mouvement et éviter la dispersion de résidus métalliques de friction, inévitables dans un mouvement mécanique. Cependant, la montre n’est pas dénuée d’inconvénients. Remplir correctement une montre de ce liquide si particulier ne se fait pas sans encombre, et nécessite un contrôle de fabrication très rigoureux. Les nombreux témoignages de problèmes montrent la limite de l’exercice. Sans compter le fait qu’en SAV, les manipulations de ce modèle ont constitué, et constituent toujours d’ailleurs, une difficulté unique en matière de procédure et de complexité. Mais on ne peut pas tout avoir… 

Cette année, GMT Magazine et de WorldTempus se sont lancés dans le projet ambitieux de résumer la montre de plongée depuis l'an 2000 dans The Millennium Watch Book - Diver, un grand et beau livre magnifiquement illustré. Cet article en est un extrait. The Millennium Watch Book - Diver est disponible sur en français et en anglais ici : 

 

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