L'insaisissable Monsieur Beauregard

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For A Few More Petals  - Beauregard
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Montréal, La Chaux-de-Fonds, Genève : itinéraire improbable d’un talent canadien venu bousculer les codes de l’horlogerie féminine

Certaines personnes font l’unanimité, sans que l’on ne sache vraiment pourquoi. Le sourire franc, l’esprit d’équipe, un caractère décidé, des projets qui tiennent la route, la volonté de bien faire. Il n’en fallait pas plus pour qu’Alexandre Beauregard trouve sa place dans l’écosystème horloger helvétique. Pourtant, cela n’allait pas de soi. Dans un milieu aussi fermé que peut l’être une cité de Calvin coincée entre lac et montagnes, un autodidacte de Montréal n’avait pas sa place réservée. Surtout lorsque l’intéressé s’attaque, dès sa première collection, au marché non moins fermé de la montre féminine joaillère à six chiffres. 

De rebonds en rencontres

« Je ne suis expert en rien, donc j’ose proposer des choses qui paraissent parfois aberrantes », s’amuse Alexandre Beauregard, fondateur de la marque éponyme, avec cet accent canadien francophone auquel l’on s’attache instantanément. Expert en rien, mais spécialiste en beaucoup de choses. Car le parcours d’Alexandre Beauregard n’en est pas un. Depuis 45 ans, sa trajectoire est faite de rencontres, de rebonds, de surprises. Rien n’a été programmé – comme sa rencontre avec son épouse, à 18 ans. Première amoureuse, premier baiser, mariage, deux enfants et 25 ans de bonheur. 

L'insaisissable Monsieur Beauregard

Hors des clous

L’apprentissage du jeune Alexandre relève lui aussi de l’anti-manuel académique. Très jeune, il sait tenir un crayon, mais pas pour écrire : pour dessiner. « J’étais soit très en avance pour le dessin, soit très en retard pour l’écriture ! », plaisante l’intéressé. Toujours est-il qu’il sait dessiner avant d’écrire. Ce qui, de toutes évidences, n’entre pas dans les cases du cursus scolaire traditionnel.

Plutôt que de le contraindre à y entrer, ses parents le mettent dans une école alternative. Les élèves apprennent librement, en autonomie, à leur rythme. Celui d’Alexandre est plutôt rapide : le jeune homme est manifestement doué de ses mains. Il apprend la menuiserie, la mode, le design, puis s’engage dans le cinéma pour en réaliser des décors. Touche à beaucoup de sujets, ne termine pas souvent ses études : trop long, trop académique. Comme pour ces études en art lapidaire : trois ans ! Une éternité. Mais son professeur, Yves Saint-Pierre, le charme. Alexandre Beauregard l’approche et lui demande d’apprendre le métier de tailleur directement auprès de lui. Contre toute attente, l’homme accepte. 

Le blanchisseur

Que faire de ce nouveau talent ? Depuis quelques années, Alexandre Beauregard est aussi propriétaire d’une blanchisserie qui dessert les hôtels cinq étoiles montréalais, et d’un petit parc immobilier qui lui assure ses revenus. Il décide d’en basculer une partie dans son projet de marque horlogère. Le choix semble étrange : l’intéressé n’a aucune attache avec l’horlogerie, n’a jamais acheté une montre de sa vie, n’a aucun lien avec la Suisse, ni même avec l’Europe. 

« Des montres, j’en ai dessiné des centaines. L’objet me fascine. Au début, j’avais pensé créer des montres incorporant des parties d’authentiques œuvres, comme un meuble de Napoléon, ou un piano de Beethoven. J’avais accès à ces ressources rares dont certains exemplaires étaient invendables, car trop abimés. On pouvait en récupérer le bois et en faire des montres. Mais c’est exactement à ce moment qu’Yvan Arpa a conçu la série « DNA », dont la fameuse « Titanic DNA ». Le créneau était pris mais j’avais, entre-temps, acquis des compétences joaillières que j’ai décidé d’exploiter ». 

Inspirations florales

L’idée est celle d’offrir des collections florales dotés de formes généreuses, voluptueuses, qui se traduisent par des tailles beaucoup plus amples et en rondeur. Alexandre s’engage dans cette voie et apprend, seul, la totalité des étapes : approvisionnement en pierres, taille, croquis, dessins, plans techniques, achats d’outillage, mais aussi business plan, etc. C’est donc avec un véritable dossier de fabrication qu’il se rend en 2010 à l’EPHJ pour rencontrer des partenaires pouvant donner corps à sa vision. Certains le pensent fou. D’autres relèvent le défi : Bertrand Crevoisier, Franck Orny et Johnny Girardin. Ils sont toujours à ses côtés aujourd’hui. Et grand bien leur a pris : la marque Beauregard a été pré sélectionnée au GPHG, est au seuil de la porte du prochain Watches and Wonders, et vient de vendre la quasi-totalité de ses pièces en une seule semaine, à Dubaï. Une maison à suivre de (très) près. 

 

L'insaisissable Monsieur Beauregard

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