« Drink me ! » énonçait la fiole à l’attention d’Alice… Pour explorer de près les volumes imaginés par Alexandre Beauregard, j’ai bu sans hésiter la potion. « Dahlia » et « Lili », ses créations portent des noms de fleurs. Je me suis retrouvée propulsée dans son univers onirique et organique, d’une précision étourdissante.
La première, Dahlia, déploie un cœur horloger, avec un tourbillon central recouvert d’une cage en or blanc en forme de fleur. D’une épaisseur de 15 mm pour un diamètre de 38,8 mm, Dahlia fait la part belle à la pierre sculptée. Les pétales développent la générosité de réels volumes avec les quasis 5 mm d’épaisseur – exceptionnels ! – du cadran. Cette fleur était si belle, embrasée d’opale de feu, que j’ai tenté d’en croquer un petit bout, rien qu’un tout petit bout. Mais je me suis fait pourchasser par les aiguilles, qui veillaient. En forme de pétales squelettés et incurvés, celles-ci évoluent autour du tourbillon central. « Ces aiguilles représentent une partie conséquente du travail qui a été réalisé sur ce tourbillon. On ne le remarque pas au premier abord, mais il s’agit d’une réalisation de haute précision. L’aiguille des minutes survole le cadran de 2 dixièmes de millimètres seulement – le même espacement qui la distancie de l’aiguille des heures » explique Alexandre.
D’un battement d’aile très discret, je m’en suis ensuite allée me poser du côté de Lili. De forme ronde, comme un bouton, ou rectangulaire, Lili est un écrin tout entier dédié aux savoir-faire autour de la pierre et du sertissage. Beauregard a choisi un mouvement suisse à quartz pour l’animer, ce qui lui a aussi permis de laisser les flancs de la boite lisses, vierges de toute couronne. Sur ces beautés épanouies, de la topaze m’a fait tournoyer dans le bleu du ciel, alors qu’une fleur de nacre sculptée me dévoilait ses iridescences marines.
Pétales précieux
Montres-bijoux de haute joaillerie fort tentantes, Lili et Dahlia représentent des trésors de savoir-faire en matière de choix des pierres, de taille, puis de sertissage. « Je me rends chaque année à la Tucson Gem Fair en Arizona pour acquérir des lots de pierres. Il en faut passablement de chaque sorte, car, après une première sélection, la taille à la main de chaque pétale occasionnera in fine la perte de 90% de la pierre. » L’assemblage est réalisé au centième de millimètre, occasionnant parfois de nouveaux abandons, lorsque le format ne convient pas exactement, ou la couleur. Passionné, c’est Alexandre lui-même qui réalise la taille, le polissage et l’assemblage, avec son collaborateur Jérémie, dans son atelier de Montréal. Détail qui n’en est pas un en matière de haute joaillerie : chaque pétale est serti, maintenu enchâssé grâce à un anneau central en or gris, plutôt que collé. Un sertissage « robuste », car « ces montres sont précieuses, mais aussi faites pour être portées. » Des diamants taille brillant, en serti neige selon les modèles, ajoutent leur éclat précieux aux boites en or rose ou en or blanc.
La sélection Watches and Wonders
Beauregard présente ce mois de mars des fleurs en nacre, en opale de feu et en topaze bleu ciel, sur de splendides bracelets en satin – facilement interchangeables. Les volumes généreux des pétales permettent aux teintes et jeux de transparence et de lumière de s’exprimer à leur juste mesure. Quant à elle, la délicieuse Lili Candy dévoile à nouveau ses rondeurs gourmandes, composés de pierres colorées et d’opale blanche de Turquie, aussi parfaitement assemblés que les teintes d’un sucre d’orge. Et si je m’essayais à y goûter ?
Enfin, Alexandre, permettez deux questions à la coccinelle… Quelle pierre n’avez-vous pas encore utilisé et aimeriez décliner sur vos cadrans ? « J’adorerais travailler la tsavorite, au vert incroyable. Nous avons déjà réalisé des tests et attendons une commande pour acquérir un lot de cette pierre très onéreuse. » Et une pierre que vous ne pourrez, à regret, vraisemblablement jamais utiliser ? « Probablement la jade impériale, elle est si rare ! Et pourtant, elle me plait follement. »
