Gravure : le couteau dans l’à-plat

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Engraving: pinpoint precision ‘surgery’ - Finishes
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Aucune finition ne maltraite la surface lisse du métal aussi intensément et profondément que la gravure. Portrait d’une entaille artistique aux techniques multiples.

Toutes les méthodes servant à décorer les composants horlogers les attaquent. Principalement sous la forme de rayures méthodiques, elles laissent une trace dans la matière même dont sont faits les mouvements. Mais la gravure est bien plus qu’une rayure. Elle ne se contente pas d’effleurer la surface pour y tracer un motif. Elle arrache le métal, l’entaille, le coupe, le blesse. Et comme toujours, la force maîtrisée par la main de l’homme fait surgir la beauté d’une opération chirurgicale.

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Premier outil du chirurgien, le bistouri, ou plus exactement le burin. Long outil terminé par une pointe, il est fait d’un acier dur, fréquemment aiguisé, qui vient percer la peau de laiton, de maillechort ou d’acier dont sont faits les composants mécaniques. Puis la main appuie, encore plus fort, pour tracer un sillon dont la forme est l’objet de cette maltraitance. Le copeau de métal s’allonge à mesure que le motif apparaît. Le plus souvent, il est de type feuille d’acanthe, ou abstrait. Les horlogers saxons l’appliquent généralement à un endroit bien particulier, le pont de balancier. Le coq gravé est une signature des Glashütte Original ou A. Lange & Söhne. En 2015, Vacheron Constantin en a fait le principe même de sa série Mécaniques Gravées, où les deux faces du mouvement, côté cadran et côté fond, sont entièrement décorées à la main et noircies sélectivement pour faire ressortir le motif. Le tout au prix d’un mois entier de travail, plus physique que n’importe quel autre en horlogerie.

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La force nécessaire à la gravure n’est pas brute pour autant, et il existe un domaine où sa maîtrise est tout. Historiquement, les mouvements squelettés sont également gravés sur le peu de surfaces pleines qui leur restent. Par définition étroites et fragiles, ces zones sont d’autant plus importantes qu’elles sont les dernières à posséder la rigidité indispensable aux mouvements. Les déformer en appuyant trop fort, les entamer en attaquant trop en profondeur revient à mettre en péril la longévité du mouvement.

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Occasionnellement, une méthode de décoration propre aux cadrans peut servir aux mouvements. Après tout, les deux répondent aux mêmes logiques et sont faits des mêmes matières. Le guillochage est en effet un type de gravure à ceci près que le motif est programmé sur une machine. La vitesse à laquelle elle avance, le changement de motif au gré des jeux géométriques sont pilotés à la main dans le meilleur des cas, automatisés la plupart du temps. Le plus souvent, c’est sur les masses oscillantes que le guillochage laisse son empreinte.

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Le dernier outil dont disposent les chirurgiens est plus moderne, plus intense, plus automatisé. La gravure au laser est de loin la plus utilisée de toutes et pour cause : c’est ainsi que sont inscrits les nombreuses mentions figurant sur les mouvements. Numéros de série, nom de marque ou de modèle, nombre de rubis, détails concernant les positions de réglage, ces inscriptions, pour certaines réglementaires, essentiellement décoratives quoiqu’informatives, sont effectuées en bout de chaîne de fabrication par des machines spécialisées. Cela ne les empêche pas de réaliser, à l’occasion, des opérations plus longues, plus petites et parfois relevant de l’exploit. Il est ainsi arrivé à Greubel Forsey d’écrire des centaines de lettres sur les platines de certains modèles superlatifs. Un tel degré de finesse, de régularité et de précision est inaccessible à la main humaine. Il s’agit là d’un bel exemple de noblesse de la machine, même si elle est de nature électronique.

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