Si les bonnes ondes pouvaient être enfermées dans une montre

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Claude Meylan article Sophie Furley
… ce serait une Claude Meylan

Lors de la montée et du passage du col du Mollendruz en voiture, les virages fluides des routes désertes de montagne sont une joie absolue à emprunter. C’est vendredi matin, bien après l’heure de pointe et je suis en chemin pour découvrir les ateliers de Claude Meylan avec le propriétaire de la marque Philippe Belais et la directrice relations publiques et marketing Pia Chefdebien. En conduisant sur les collines de la Vallée de Joux, je réalise soudain qu’il n’y a pas beaucoup de gens pour lesquels je sacrifierais mon jour de congé hebdomadaire (je travaille à 80%), mais ceux-ci en font absolument partie.

C’est la première fois que je visite l’atelier et il ne pourrait pas être plus « ancien monde ». Situé dans une vieille maison de village dans le village de l’Abbaye au bord du Lac de Joux, la date 1684 est gravée au-dessus de la porte, aux côtés d’une inscription « Sufficit Mihi Gratia Dei » ce qui signifie « la grâce de Dieu me suffit ». Franchir la porte est un voyage dans le passé, car vous avez l’impression qu’à part les interrupteurs de lumière et l’eau courante, pas grand-chose n’a changé depuis le 17ème siècle. Ajoutez à cela les murs d’un mètre d’épaisseur qui coupent tout contact cellulaire avec le monde extérieur, et c’est un lieu merveilleux où passer un vendredi matin.

Village of L’Abbaye on the Lac de Joux, door with inscription “Svfficit Mihi Gratia Dei Im” © Sophie Furley
L'entrée de l'atelier Claude Meylan datant de 1684 © Sophie Furley/WorldTempus

Nous sommes accueillis par Carole Harlé-Voutaz qui arbore le plus grand et le plus chaleureux des sourires. Carole s’occupe de la logistique et elle appelle la plupart des clients de la marque par leurs prénoms, car c’est elle qui connecte les passionnés de montres avec les modèles de la marque comme Lac, Tortue, Lionne et l’Abbaye. Assis dans l’une des pièces à l’arrière de la maison, un coup d’œil par la fenêtre sur le paysage ensoleillé révèle la Manufacture Breguet de l’autre côté de la prairie. L’histoire horlogère de cet endroit magique y est profondément ancrée.

Une brève histoire

L’histoire de Claude Meylan a commencé avec Samuel-Olivier Meylan, le premier producteur de montres de poche à s’installer dans la Vallée de Joux au 18ème siècle. En 1776, huit Meylan étaient enregistrés comme horlogers dans la région. En 2002, l’entreprise a été achetée par Henri Berney, qui est aussi propriétaire d’une autre maison horlogère, Berney Blondeau S.A. Au moment de sa semiretraite, Henri Berney a transmis les affaires familiales à sa fille, puis à sa petite-fille Carole (la même Carole dont il est fait mention plus haut), mais c’était beaucoup de travail pour une seule personne, ils ont donc décidé d’approcher Philippe Belais pour savoir s’il était intéressé à reprendre le flambeau. C’était en 2010 et le reste, comme on dit, appartient à l’histoire.

Bien que maintenant propriété de Philippe Belais, l’entreprise demeure dans les locaux d’Henri Berney avec Carole à l’accueil et Henri, 91 ans, vit dans l’appartement du 1er étage. Henri est souvent présent dans les ateliers, à bricoler avec différents mécanismes de montres, quand il n’est pas en train de sillonner la Suisse et au-delà, à la recherche de mouvements historiques intéressants pour la marque. Ici, la philosophie c’est avant tout faire ce que vous aimez avec les gens que vous aimez, et ça se voit.

 Henri Berney's workbench overlooking the village of l'Abbaye in the Vallée de Joux © Sophie Furley
L'établi d'Henri Berney surplombant le village de l'Abbaye à la Vallée de Joux © Sophie Furley/WorldTempus

Le sculpteur de temps

Aujourd’hui, la marque Claude Meylan est surtout connue pour ses montres squelettées, composées de différents mouvements historiques provenant d’entreprises comme Unitas et Valjoux. Les mouvements sont complètement modifiés pour présenter une nouvelle interprétation du temps contemporaine, le plus souvent méconnaissables par rapport à leur forme initiale. Il y a des mouvements noircis, des calibres avec des ponts de la forme du tout premier drapeau suisse (celui avec des flammes émanant du centre) et d’autres en forme de tulipe.

Claude Meylan Line Lac © Sophie Furley
Modèle Lac de Claude Meylan © Sophie Furley/WorldTempus

Après avoir admiré quelques pièces exceptionnelles comme la Tortue Lady avec sa fascinante architecture de mouvement, son micro-rotor et l’une des dernières pièces équipées d’un mouvement noirci, nous nous dirigeons tous vers un chalet alpin pour le déjeuner où les choses n’ont probablement pas beaucoup changé non plus depuis le 18ème siècle. Nous perdons tous la notion du temps, tandis que nous dégustons toute une série de spécialités locales comme du jus de pomme chaud agrémenté de rhum, des fromages et de la charcuterie de la région, et une fondue à la tomate. Toute la journée ressemble à une sortie entre amis, plutôt qu’à une journée de travail, mais c’est la façon de faire Claude Meylan que vous soyez client, fournisseur ou journaliste : prendre son temps et passer du temps avec des amis avec toujours de bonnes ondes.

Claude Meylan Tortue Lady © Sophie Furley
Claude Meylan Tortue Lady © Sophie Furley/WorldTempus
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