Le réveil de la force : Partie 1

Image
A Force Awakens: Part 1 - Jacob & Co.
10 minutes read
Dans la première moitié de cet entretien en deux parties, le nouveau CEO de Jacob & Co, Benjamin Arabov, expose la stratégie qui a permis à l'entreprise de triompher des défis de 2020.

Avant même de commencer, acceptons de laisser les clichés derrière nous. Oui, Benjamin Arabov est un jeune CEO qui reprend l'entreprise familiale. Oui, il est de la génération connue sous le nom de "Millennials", et de plus dans la zone litigieuse que certains anthropologues culturels considèrent comme les années liminaires entre les Millennials et la génération Z. Et oui, il est sur TikTok. 

Maintenant, développons un peu plus ces trois dernières phrases. Benjamin Arabov est le rare CEO dont le début de la vie a été saturé par l'expérience du luxe traditionnel, qui s'est ensuite établi dans le monde de la technologie, deux domaines souvent opposés l'un à l'autre, ce qui lui a valu de figurer sur la dernière liste des 30 de moins de 30 ans de Forbes. C'est un "millennial", un groupe qui a été mal compris, mal représenté ou tout simplement oublié par les marques de luxe traditionnelles, ce qui fait de sa nomination au poste de CEOde Jacob & Co. l'un des événements les plus potentiellement perturbateurs et sismiques pour le secteur dans les années à venir. Troisièmement, sa familiarité native avec le paysage des réseaux sociaux a permis à l'entreprise familiale d'entrer dans le XXIe siècle avec une rapidité étonnante, en assurant une transition fluide vers la vente en ligne alors que 2020 a confiné le monde entier. Tout cela a permis à Jacob & Co. de réaliser l'un des coups les plus spectaculaires à New York depuis que Ross, Rachel et Chandler ont essayé de faire monter un canapé dans une cage d'escalier (d'après cette référence de la culture pop datant d'avant l'an 2000, il est extrêmement clair de savoir de quelle génération est issue cette auteure). Et contrairement aux malheureux déménageurs de la sitcom la plus influente du monde, Jacob & Co. a réussi.

Dans l'une de ses toutes premières interviews en tant que CEO de Jacob & Co. depuis qu'il a pris ses fonctions, Benjamin Arabov s'est entretenu avec WorldTempus pour partager son point de vue sur la stratégie numérique, le changement de paradigme vers la vente en ligne et la manière de protéger son entreprise en cas de crise.

 

Avant tout, félicitations pour votre nomination à la tête d’une extraordinaire entreprise dont la gamme de produits et les partenariats sont si originaux. Avant d’accepter ce poste, vous étiez actif dans le domaine digital, en tant qu’entrepreneur qui aidait des start-ups et des compagnies dans leur transformation numérique. Avez-vous toujours su, dans un coin de votre tête, qu’un jour vous reviendriez chez Jacob & Co. et offririez à nouveau votre expérience au business familial ?
J’ai commencé à travailler dans l’entreprise familiale lorsque j’étais à l’école, pendant les vacances d’été. Lorsque je suis allé à l’université et que j’avais des cours environ trois jours par semaine, je travaillais deux jours par semaine. A 19 ans, j’ai quitté l’entreprise familiale pour explorer le marketing digital, mais je suis parti en disant à mon père que je reviendrais avec toutes les connaissances, les stratégies et les expériences que je pourrais apporter à Jacob & Co. Cela a toujours été mon objectif. Mon père est attaché à une philosophie d’entreprise familiale et dynamique : il a ainsi toujours voulu et cru en notre pleine implication dans un projet commun,  il était donc difficile pour moi de partir, mon frère aîné ayant ses propres activités et mon autre frère étant trop jeune… J’étais le seul à pouvoir assumer les fonctions requises dans l’entreprise et je lui ai assuré que je reviendrais après quelques mois pour amortir le choc. Mais voilà, les quelques mois sont devenus 10 ans ; cependant, à présent mon père apprécie vraiment la valeur de mon expérience en dehors de l’entreprise, grâce à ce que je lui apporte. Je conseille l’équipe digitale de Jacob & Co. depuis 2017 ; nous avons constaté une croissance significative de nos réseaux sociaux et de notre présence digitale, ce qui a systématiquement contribué à notre croissance ces cinq dernières années.

Interview of Benjamin Arabov, 1st Part

Et vous savez, nous avons des produits tellement fabuleux. Nos montres sont parfaitement adaptées aux réseaux sociaux. Nul besoin  d’attendre les salons horlogers pour les présenter. Elles sont littéralement les « it-watchs » sollicitées des réseaux sociaux. Nous avions environ 200'000 followers en 2017, qui sont passés à 2,5 millions sur l’ensemble de nos canaux de réseaux sociaux ! Nous sommes très fiers de cette croissance organique de collectioneurs induite aussi par le digital.
 
Comment êtes-vous passé de consultant pour la stratégie digitale de la marque à occuper le poste de CEO ?
Il me semblait normal d’effectuer cette transition à la fin de l’année dernière, à la fois pour moi et pour mon père. Les affaires se développent à un rythme vraiment très soutenu et il avait trop de choses à faire ; il avait besoin de mon aide, alors j’étais heureux de le rejoindre.
 
Vous avez mentionné que votre père a une approche qui pourrait être décrite comme « de la vieille école », basée sur une profonde expérience métier et un sens inné de la performance dans les affaires. Il est aussi connu pour sa façon de construire des relations personnelles sur le long terme avec les clients et les amis de la marque. Vous avez, en revanche, une approche 360 degrés modelée par votre expertise déjà saluée dans le monde de la technologie et par votre manière dynamique de gérer le rayonnement d’une marque dans ce milieu. Est-ce uniquement un changement générationnel ou est-ce vraiment ainsi que le monde de la communication fonctionne maintenant ?
La nouvelle façon de faire est un peu moins personnelle parce qu’il n’y a pas d’interaction physique en face-à-face, mais c’est ainsi que ma génération communique, et aujourd’hui même des personnes plus âgées l’ont également adoptée. Et même si c’est moins personnel, il y a une connexion et cette connexion stimule l’effort derrière le contenu que nous produisons. Nous produisons du contenu visant à ce que les gens éprouvent une réaction émotionnelle, à ce qu’ils s’enthousiasment pour les produits que nous créons. A mon avis, mais je ne suis pas objectif évidemment, nous produisons du contenu incroyable à un rythme supérieur à celui de nos concurrents. Et nous voulons que ce contenu ait une répercussion.

Interview de Benjamin Arabov, Partie 1

Si on élargit la perspective, au cours des dernières années il y a eu un changement au niveau du besoin des gens de voir une chose physiquement devant eux. Par exemple, la majorité des ventes que nous effectuons aujourd’hui sont digitales. Les clients peuvent nous joindre par e-mail ou par téléphone. Ils achètent la montre grâce à des moyens électroniques, et ils la reçoivent où qu’ils se trouvent. Autrefois, je crois que cela aurait été étrange, parce qu’ils auraient voulu la voir, la toucher, l’essayer. Mais aujourd’hui notre contenu fournit cette expérience. Les images ou les vidéos que nous produisons sont suffisantes pour inciter à l’achat, et nous ne parlons pas ici de petits achats. Nous parlons de centaines de milliers de dollars, et nos clients ont assez confiance en nous pour faire ce genre d’achat au téléphone sans même voir la montre.

Pouvez-vous nous parler d’un exemple concret de ce genre de situation ?
Lorsque j’ai commencé à travailler sur les réseaux sociaux de Jacob & Co. en 2017, nous venions d’entamer une collaboration avec plusieurs influenceurs spécialisés dans l’horlogerie. Nous avons fait une sorte de test qui consistait à lancer une montre à travers un seul influenceur afin que nous puissions isoler complètement cette variable. Cela a été un succès : nous avons vendu la montre (une Epic SF24 à $ 69'000) uniquement grâce à l’activité que nous avions mis en place avec cet influenceur. Elle n’a pas été vendue par un autre moyen. Cela nous a prouvé que si nous produisions du contenu de grande qualité et que nous le donnions à la bonne personne pour qu’elle le montre au monde, nous pouvions réussir à vendre une pièce. Donc nous avons tiré profit de cet élan et sommes montés en puissance.

Quelle a été la réaction de votre père à ce test ?
Toute la stratégie autour de l’influenceur était relativement nouvelle pour une personne comme mon père, qui aime comme moi relever des défis (selon notre Brand motto « Inspired by the impossible »). Alors quand je lui ai proposé le test, je lui ai dit d’accord, nous allons l’isoler et nous serons en mesure de voir s’il y a des résultats directs. Et vous savez, c’est très difficile à réaliser dans cette industrie ; il est difficile d’identifier d’où viennent les ventes et comment l’intérêt se crée. Lorsque mon père a vu l’impact de ce que nous avions fait, lui et moi avons tous les deux reconnu que le futur se trouvait dans le numérique et la création de croissance.

Il est devenu assez commun de se moquer du terme « influenceur » mais je ne crois pas avoir jamais entendu une histoire comme celle-ci, une histoire qui illustre si clairement une relation de cause à effet entre le travail avec les influenceurs et la réalisation d’une vente. C’est une approche presque scientifique.
Il s’agissait du seul moyen, parce que je savais que mon père serait réticent à investir beaucoup d’argent dans le numérique à moins que nous soyons capables de prouver la relation directe entre l’utilisation d’influenceurs et la réalisation d’une vente. C’était la première d’une longue série, et tandis que nous continuions à appliquer cette stratégie, les succès se multipliaient. Aujourd’hui la majorité de notre budget marketing est consacré au digital, à cause de ces quelques tests initiaux effectués en 2017.

N’importe quel mois, nous pouvons travailler avec 30 à 50 influenceurs différents, et nous avons aussi une énorme communauté qui nous agrandit organiquement, parce qu’ils apportent cet effet viral à notre contenu, ce qui les aide autant que cela nous aide.

Dans un certain sens, c’est vraiment malin parce qu’il s’agit là d’une stratégie à l’épreuve de la crise, n’est-ce pas ? Par le passé vos produits s’exposaient sur le tapis rouge, lors d’événements jouissant d’une grande visibilité. Les créateurs de contenus et les influenceurs n’ont pas besoin d’événements pour être très efficaces.
Absolument, c’est un sujet passionnant, car nous avons vraiment pu voir les choses se concrétiser l’année dernière durant la pandémie, sans aucun événement ou tapis rouge. Juste avec l’agile écosystème que nous avons commencé à construire en 2017. Nous avions tout : rapide création de contenu, monétisation digitale, service clients digital. Donc en dépit de l’année folle qu’a été 2020, c’est la meilleure que nous ayons jamais connue. La stratégie a vraiment été payante pour nous.

Interview de Benjamin Arabov, Partie 1

J’aimerais aussi ajouter que l’épine dorsale de tout cela est l’initiative en matière de données que j’ai instaurée en 2017. Nos données clients sont détaillées et afinées dans le respect de la confidentialité, que ce soient les nôtres ou celles de nos influenceurs. Nous avons tout un système pour analyser ces données et, comme nous possédons des zones de forte croissance comme la Chine, le Moyen Orient ou les Etats-Unis, c’est là que nous concentrons nos efforts et que nous redoublons d’efforts pour développer notre activité.

 

Ne manquez pas la deuxième partie de cet entretien approfondi, où Benjamin Arabov parle de la montre la plus chère qu'il ait vendue sur les réseaux sociaux, de ce que recherchent les consommateurs très fortunés dans différentes parties du monde, et de ce qui est à venir dans le monde passionnant des collaborations créatives avec Jacob & Co.

 

Marque