Interview d’Edouard Meylan, CEO

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Interview with Edouard Meylan, CEO - H. Moser & Cie.
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Après un kick-off à Los Angeles mi-juin dans le berceau d’Undefeated, H. Moser lance à Paris son Chronographe Streamliner Undefeated

Edouard Meylan et sa famille ont repris H. Moser & Cie. il y a tout juste dix ans, transformant fondamentalement la belle endormie presque bicentenaire pour en faire l’une des marques indépendantes les plus en vue. A tel point que le géant californien du street wear Undefeated, passé maître dans l’art de la collab’, par exemple avec Mc Laren ou Nike, a initié un rapprochement pour une création commune. Lui-même collectionneur de montres, son dirigeant Eric Peng Cheng avait acquis la première Streamliner en 2020 : « Cette montre a le bracelet intégré le plus réussi de toute l’industrie depuis très longtemps ». Présent à Paris pour accueillir 700 invités de sa communauté lors de la soirée de lancement dans un club parisien, il précise : « Undefeated réalise des collaborations complètement inattendues et met un point d’honneur à surprendre sa communauté à chaque fois. Avec son approche non conventionnelle et sa philosophie, H. Moser & Cie. est une sorte d’Undefeatedde l’industrie horlogère, c’était une évidence de les contacter ». 

Interview d’Edouard Meylan, CEO

Était-ce évident aussi pour H. Moser & Cie ?

Edouard Meylan : Nous aimons explorer de nouveaux territoires, Eric a compris ce que nous faisions, et le courant est bien passé, ce qui réunit déjà les conditions préalables. Nous avons étudié quelles clientèles nous avions en commun et le potentiel d’élargissement s’est avéré très important. Moser est bien connu des collectionneurs horlogers mais nous souhaitions d’une part agrandir ce cercle, et  d’autre part apprendre de nouvelles façons de travailler.  Au-delà du produit, cela m’intéressait beaucoup de comprendre comment fonctionnait Eric avec son équipe basée à LA, leur culture street, comment ils préparent, développent et lancent une telle collab car ce sont des experts : ils en font avec Nike, McLaren ou Moncler, nous avons donc beaucoup à apprendre d’eux. C’était passionnant de vivre cette expérience avec Undefeated, à bien des égards, ils vont au-delà du produit et se penchent sur tout un écosystème de produits : par exemple, ici, la Streamliner est proposée avec une horloge, une veste et un t-shirt dédiés. Idem pour la façon dont ils créent des teasers, opèrent des lancements sur un microsite puis sélectionnent les personnes à qui ils vont les vendre. En effet nous avons chacun de notre côté reçu beaucoup plus de réservations que de montres disponibles, les attribuer s’est avéré délicat et nous nous sommes donnés une semaine pour analyser chaque candidature et choisir lesquelles sont retenues.

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Est-ce aussi intéressant d’un point de vue purement commercial ?

En parallèle à tout l’apprentissage et l’augmentation de notoriété que nous en avons retiré, nous avons vendu 76 montres à 55'000 dollars, donc oui on peut aussi parler de succès commercial. Mais ce que je souhaite surtout, c’est de contribuer à faire découvrir l’horlogerie indépendante à plein de gens qui n’en ont jamais entendu parler. Leur communauté étant très large, une grande partie peut découvrir et apprécier ce créneau. Elle inclut suffisamment de personnes aisées qui peuvent potentiellement tomber amoureuses d’une micro-marque. De nombreuses célébrités les suivent, des sportifs ou des acteurs et chanteurs. La soirée qu’ils ont organisée pour le lancement à Paris a accueilli 700 personnes.

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En regardant vos différents partenariats un à un, on pourrait penser qu’ils résultent d’une certaine impulsivité…

Beaucoup de gens le pensent en effet quand ils voient les différents éléments pris à part, mais en observant ce qui a été mis en place depuis dix ans, on se rend compte qu’il y a une vraie stratégie. Elle consiste à élargir le cercle de personnes s’intéressant à Moser, à provoquer, autour de thèmes définis à l’avance. Cela n’empêche pas une certaine impulsivité, dans un cadre donné, où le facteur humain joue toujours un rôle essentiel, et permet à Moser de sortir de son spectre. Nous avions commencé ces collaborations par l’horlogerie avec MB&F, puis il y a eu l’art avec seconde/seconde, et cette année nous avons choisi la mode. Cet univers nous a permis d’exprimer les deux extrêmes de Moser : d’abord le très traditionnel et élégant avec The Armoury, maintenant le plus sauvage avec Undefeated. Le prochain domaine que nous explorerons nous fera travailler sur les racines de Moser.

Diriez-vous que Moser a passé un cap ?

C’est certain : nous avons atteint une certaine maturité en sortant du cercle de collectionneurs, même s’ils constituent toujours une base importante. La marque est devenue un peu plus mainstream, ce qui nous offre une forme de stabilité. Ainsi, nos produits sortis il y a plusieurs années se vendent toujours bien, ce qui nous autorise à ne pas devoir lancer des nouveautés aussi souvent. La reconnaissance est là, les gens comprennent ce que nous faisons. Nous avons une présence très forte dans les boutiques dorénavant : les petites fenêtres ont laissé la place à des pans entiers de boutiques, voire à des shops in shop, et nous ouvrons même une boutique à Dubaï et à Hong Kong. Pour certains détaillants, Moser devient très important, cela augmente de facto notre présence, c’est un cercle vertueux.

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Dans quels volumes ?

Cela fait dix ans que ma famille a repris Moser et que nous développons la marque avec mon frère Bertrand. Nos volumes demeurent très modestes au regard de l’industrie horlogère, mais nous allons dépasser les 2000 pièces cette année. La production de la manufacture Moser est tellement intégrée que son augmentation ne peut pas se faire du jour au lendemain. Surtout avec un prix moyen à CHF 40000.-. Pour faire face à la hausse de la demande, nous achetons de nouvelles machines, nous engageons de nouveaux horlogers, et nous envisageons aussi des acquisitions, par exemple en intégrant certains sous-traitants.

Quels autres temps forts se profilent cette année ?

Sans doute l’ouverture de notre première boutique à Hong Kong cet automne, ainsi qu’un lounge à New York dans les locaux de notre filiale américaine. C’est dans l’air du temps, chacun cherche son concept et nous devons trouver le nôtre. À Hong Kong, nous avons un show-room qui nous sert beaucoup, New York se profile avec un bel espace d’accueil. Parallèlement, nous annoncerons aux Geneva Watch Days le relancement officiel de Hautlence, qu’une petite équipe chapeautée par Samuel Hoffmann au sein de notre manufacture Moser est chargée de remettre sur les rails. Ils ont beaucoup travaillé sur le produit et le positionnement et les premiers échos des clients sont très positifs. 

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