Interview de Peter Stas

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Interview with Peter Stas - Frédérique Constant
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Menace constante de l’Apple Watch, montée en puissance du e-commerce et – pour une fois – des points positifs pour Baselworld.

Comment l’année 2017 s'est-elle passée pour Alpina et Frédérique Constant et que nous réserve 2018?
L’année a été bonne. Nous avons commencé à intégrer certaines de nos activités commerciales au sein du groupe Citizen. Nous avons débuté avec le Japon et les États-Unis, puis continué avec le Royaume-Uni au milieu de l'année dernière, et nous sommes maintenant en train de fusionner nos activités en Italie. Il y a donc eu beaucoup de changements au niveau de la distribution, mais sinon, rien d’autre n'a changé. Nous voyons déjà les premiers résultats venant des États-Unis, où nous avons désormais 500 personnes nous représentant là-bas, contre 17 auparavant. Il ne s’agit donc pas juste de quelques personnes de plus ; nous jouons dans une tout autre catégorie. Et nous allons continuer en 2018.

On voit un gros trou en face de votre bureau et on a de la peine à croire que, dès le début de l’année prochaine, un tout nouveau bâtiment y prendra place. Que va-t-il apporter au groupe ?
Nous avons besoin de plus de place. Certains de nos employés travaillent dans l'ancienne salle de conférence d’Alpina, ce qui signifie qu'Alpina n'a plus de salle de réunion. Certains de nos bureaux sont occupés par six personnes, et il nous en faut davantage. Nous allons réorganiser nos opérations T1 et T2 aux premier et deuxième étages. Au rez-de-chaussée, nous aurons un très grand espace dédié à l’expérience client, où nous pourrons recevoir des personnes. C'est quelque chose que nous avons à coeur de développer. C'est effectivement un gros trou, mais on m'a dit qu'à fin avril, toute la structure en béton serait terminée. Ensuite, ils s’attaqueront aux façades et les travaux principaux devraient être terminés fin août. Restera alors à s’occuper de l’intérieur. Donc le chantier a commencé par sortir de terre lentement, puis avance rapidement, avant de ralentir à nouveau.

Vous avez fait office de pionnier dans le domaine des montres intelligentes à une époque où d'autres marques hésitaient à se lancer…
Nous avons commencé en 2015, progressé en 2016 et encore progressé en 2017. La courbe de croissance n'a pas été aussi forte l'année dernière, mais nous n'avons pas non plus lancé de nouvelles montres connectées. Les montres connectées représentent aujourd’hui environ 12% de nos ventes et sont devenues une catégorie importante. À la fin février de cette année, nous allons dévoiler quelque chose de très nouveau pour Frédérique Constant et nous aurons aussi une nouveauté Alpina à Baselworld.

Je pense que l'industrie horlogère suisse n’a toujours pas compris quelles répercussions l’Apple Watch et d'autres montres connectées ont sur les statistiques de ventes, en particulier sur les chiffres des mouvements à quartz. L'Apple Watch Series 3 représente la prochaine étape, celle qui passe des notifications et du suivi d’activité à une orientation santé. Je pense que c'est là que nous allons commencer à voir les véritables avantages qu’offre la montre connectée et une fois de plus, Apple est en tête. Ces nouvelles montres peuvent dire aux gens si leur rythme cardiaque au repos est trop élevé et elles sont même en train de se ramifier dans l'information médicale. Apple a vendu 15 millions de montres et quand je vais aux États-Unis, je vois de plus en plus de personnes porter des Apple Watches. L'Apple Watch en est maintenant à sa troisième génération et qui sait ce que la quatrième génération nous réserve. Quand Apple se décidera à revoir le boîtier et proposera autre chose qu’un simple écran noir, l'industrie horlogère suisse aura du souci à se faire. Je continue à dire très franchement que nombre de mes collègues dans l’horlogerie ne se rendent pas compte de ce qu’il se passe.

Que répondez-vous à l'argument selon lequel les montres connectées poussent les jeunes à s'intéressent aux montres? Vous n’y souscrivez pas ?
Si, mais il faut être très prudent. Si c'est là votre seule défense face à une industrie qui s’effondre, vous vous trompez. Les affaires sont encore très difficiles, même si les statistiques semblent bien s’améliorer. La situation n’est toujours pas très bonne aux États-Unis et nous savons que ce qui se passera là-bas finit toujours par se déplacer vers l'est. Cela prenait généralement une dizaine d’années, mais je ne suis pas sûr que cela restera toujours aussi lent. Peut-être que ça ne prendra que quelques années.

Et l’e-commerce ?
Nous avons acquis beaucoup d'expérience grâce à notre département d’e-commerce. Nous avons réalisé qu’il nous fallait être beaucoup plus pratiques et faire davantage de campagnes différentes plutôt que de simplement parler. L'une des choses que nous avons apprises est qu'une campagne numérique réussie nécessite des centaines d'annonces différentes. Nous avons lancé quelques campagnes avec 50 publicités différentes, mais certaines d'entre elles sont allées jusqu'à 150 publicités différentes. Quand j'essaie d'expliquer cela à d'autres personnes de l'industrie horlogère, je passe pour un fou. Nous avons recruté des jeunes parce que j'ai remarqué qu’il faut beaucoup d’énergie et d’endurance pour ce type de travail. Je crois que dans l’horlogerie, beaucoup ne sont tout simplement pas capables mentalement de faire ce genre de travail. Et il faut aussi savoir prendre des risques. Nous voyons les premiers résultats aujourd’hui, mais beaucoup reste à faire.

Et Baselworld 2018?
On entend beaucoup de choses, et beaucoup de points négatifs. Notre stand sera au rez-de-chaussée, comme d’habitude. Nous avons fait un bon Baselworld l'année dernière, malgré la baisse de fréquentation. Nous nous attendons au même résultat cette année, et donc, contrairement à beaucoup d'autres, je reste plutôt positif pour Baselworld cette année. C'est encore trop cher et les organisateurs ne sont toujours pas ouverts à la négociation, mais elle reste l'exposition la plus importante pour nous.

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Frederique Constant