Le remaniement de l’approvisionnement

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The Sourcing Shake Down  - Responsable sourcing
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L’industrie horlogère s’est montrée un peu lente dans le domaine de la durabilité, et encore plus lente en matière d’approvisionnement responsable. Cela commence-t-il à changer ?

A l’occasion de la Journée Mondiale de la Terre le 22 avril, il est grand temps de se pencher sur le monde horloger et d’examiner comment les marques déploient des efforts en faveur des produits durables et du recyclage, mais également pour l’approvisionnement responsable en pierres précieuses, diamants et métaux précieux.

Le remaniement de l’approvisionnement

C’est vrai, pendant le récent salon Watches & Wonders à Genève, nous avons entendu beaucoup de choses à propos des marques nettoyant leur empreinte carbone, proposant des bracelets vegan et en d’autres matériaux ainsi que des conditionnements recyclés ou recyclables. Certaines marques vont même un peu plus loin, avec des entreprises comme Panerai qui crée une montre concept dont le mouvement et les composants sont recyclés, ou comme Cartier qui passe au solaire. D’autres marques soutiennent réellement des causes environnementales comme l’eau potable, la préservation des océans et des animaux, et davantage encore.

Le remaniement de l’approvisionnement

Malgré les importants progrès réalisés sur ce front, la question demeure : combien de marques suivent-elles le mouvement de l’approvisionnement responsable et pourquoi est-ce si long ? L’industrie joaillière a été aux avant-postes en matière d’approvisionnement responsable depuis que le livre (adapté ensuite au cinéma) Blood Diamonds a été publié en 2002, livre qui traitait du problème des diamants de la guerre et a suscité une prise de conscience accrue sur le sujet. Ce livre envoyait au public des messages à glacer le sang à propos des mineurs maltraités et des horribles conditions que nombre d’entre eux endurent. Il a changé la donne dans le monde des diamants et des pierres précieuses, où les compagnies responsables enquêtaient déjà sur des conditions effroyables.

De ce fait, en 2005, le Responsible Jewellery Council (RJC) a été créé et ses membres et son conseil d’administration ont travaillé pendant des années à la création d’un Système de Certification (devenu opérationnel fin 2009) qui assure que les diamants sont tracés et certifiés comme non liés à des conflits. Des centaines d’entreprises dans le monde se sont engagées et ont accepté d’acheter uniquement des diamants certifiés RJC non liés à la guerre. Les marques horlogères ont mis plus de temps à comprendre la valeur de cette certification pour leurs montres en diamants. En fait, les premières à rejoindre RJC étaient essentiellement les marques de luxe appartenant à de grands groupes qui possèdent aussi des entreprises de joaillerie.

Néanmoins, durant la décennie écoulée, la majorité des marques horlogères ont fini par reconnaître l’importance des diamants à provenance éthique et elles sont de plus en plus nombreuses à devenir membres de RJC. Cela dit, RJC ne peut appliquer son code de conduite et ses standards de traçabilité que pour les diamants. Même si maintenant la compagnie trace aussi le platine et l’or, elle ne peut pas surveiller le monde entier, uniquement certifier le « sans conflit » par traçage.

Donc il revient aux marques de sourcer consciencieusement leurs pierres précieuses (surtout extraites dans des régions d’Afrique et d’Afrique du Sud où les conditions sont encore discutables) et leurs métaux. Certaines sont leaders dans ce domaine. Par exemple Chopard, une maison joaillière et horlogère de premier plan, met depuis longtemps un point d’honneur à se procurer des métaux Fairmined et d’origine éthique. Elle a recours à des mines qui proposent de l’or extrait à petite échelle en accord avec les standards Fairmined (dont notamment l’interdiction du travail des enfants) et les certifications Fairmined. La plupart sont membres du système Swiss Better Gold Association (SBGA).

En étendant son engagement à l’approvisionnement responsable et en créant un « Voyage vers le luxe durable » à travers toute sa chaîne d’approvisionnement, Chopard a montré la voie à d’autres marques. Elle a rédigé son propre code de conduite auquel ses partenaires doivent adhérer. Quelques autres grandes maisons joaillières et horlogères, y compris Bulgari et quelques marques du Groupe Richemont comme Jaeger-LeCoultre et IWC, ont fait pareil. Elles cherchent des organisations minières artisanales auprès desquelles se procurer des métaux et des pierres, où une certaine certification est déjà en place, où l’environnement n’est pas détérioré à large échelle et où la reconstitution du territoire est réalisée pendant et après l’extraction.

Le remaniement de l’approvisionnement

C’est un processus lent cependant, car même si les marques veulent être totalement transparentes, ce n’est pas forcément le cas de leurs fournisseurs. Un des problèmes posés par l’approvisionnement en or est que souvent, lorsqu’il est envoyé dans des usines de raffinage, il est mélangé à de l’or aux provenances diverses, rendant difficile de tracer l’origine du matériau. C’est la racine du problème du traçage. Pourtant les marques doivent vérifier les politiques et les promesses de leurs fournisseurs et, si nécessaire, changer leurs chaînes d’approvisionnement de minéraux.

Cette conscience plus aiguë de la source des matériaux apporte une nouvelle dimension aux mots responsabilité sociale des entreprises. Dans cet esprit, de plus en plus de marques élaborent leurs propres alliages d’or et de platine. En utilisant moins d’or pur et en y ajoutant d’autres substances – pour créer un or plus solide, un or plus résistant aux rayures, différentes couleurs d’or – les marques pourraient être plus facilement capables de d’effectuer un sourçage responsable.

Des paroles en l’air sur ce sujet ne suffiront plus avec des consommateurs soucieux de social, mais heureusement il y a des organisations (comme RJC et SBGA) capables d’aider les marques à partir du bon pied avec certaines certifications qui leur permettent d’offrir une chaîne d’approvisionnement propre. Hélas cela ne sera peut-être pas suffisant. Les marques sont contraintes d’être scrupuleuses si elles souhaitent tracer et divulguer les origines de leurs matières premières, et elles devraient le faire. C’est un mouvement qu’il faut suivre dès aujourd’hui pour assurer de meilleurs lendemains à tout le monde.