Enchères : la crise, accélérateur de...croissance

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Auction Results Soar, Despite the Health Crisis - Auctions
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Les maisons de vente aux enchères n’ont pas traversé la crise sanitaire : elles en ont tiré profit. Phillips est devenue numéro 1 du secteur horloger, devant Christie’s, Sotheby’s, puis Antiquorum

En ces temps troublés, mieux vaut faire feu de tout bois pour animer le marché horloger. Et à défaut d’avoir pu vendre des pièces neuves en boutique au fil de l’année 2021, tout ce qui permet de faire vivre la montre d’occasion est bon à prendre.

À ce titre, l’explosion des sites de vente en ligne, comme Chronext, est une excellente nouvelle. Sans risque sanitaire, à domicile, des collectionneurs achètent et vendent. Ils font vivre le marché de la montre, entretiennent sa flamme. C’est le même principe pour les ventes aux enchères. Sotheby’s, Christie’s, Phillips, parmi d’autres, ont animé le marché de la montre de collection, soutenu sa cote. Ces maisons devaient néanmoins s’affranchir d’une crainte préalable : que les collectionneurs franchissent le pas du réel au virtuel. De la vente en salle à la vente en ligne.

Christie’s : des efforts payants

Le verdict ne s’est pas fait attendre : ce pas, les collectionneurs l’ont franchi sans hésitation. « Nous sommes en progression par rapport aux niveau pre-Covid », souligne François Curiel, Directeur de la Division Luxe chez Christie’s Europe & Asie. « Nous avons dessiné des pistes parallèles entre vente en salle et en ligne, pour offrir une expérience à 360° ».

Pourtant, la bataille n’était pas gagnée. Comme le rappelle le quotidien Le Monde, à Paris, près de 10% des employés de Christie’s ont claqué la porte, ajoutant que « chez Sotheby’s également, les équipes sont à bout de force. La majorité des personnes chargées du montage des expositions ainsi que l’intégralité du service informatique ont claqué la porte ».

Des efforts, donc, mais des résultats. En tout cas, sur le marché horloger. Christie’s a joué sur les deux tableaux, en ligne et en salle. Le nombre de ventes en salle est équivalent à celui pré Covid (8 en 2019, 7 en 2021). Les ventes en ligne ont progressé : 16 en 2019, 20 l’année dernière. Les résultats ont suivi : 2900 lots vendus pour 205 millions de dollars, soit 157% de progression par rapport à 2019.

Les maisons de vente aux enchères n’ont pas traversé la crise sanitaire : elles en ont tiré profit. Phillips est devenue numéro 1 du secteur horloger, devant Christie’s, Sotheby’s, puis Antiquorum

Sotheby’s se diversifie

L’année 2020 a servi de terrain d’expériences pour Sotheby’s, qui a frôlé les 100 millions de dollars de vente, « grâce à la transformation digitale du marché », explique la maison. La maison a également développé sa « market place », son propre site de vente en ligne. On y trouve actuellement 150 pièces, plutôt premium, avec notamment une Richard Mille dépassant allègrement le demi-million de dollars.

La marque a développé un nouveau catalogue immersif, qui lui a également permis, comme la plupart des autres maisons, de rajeunir sa clientèle : 40% des enchérisseurs ont aujourd’hui moins de 40 ans. Au final, Sotheby’s boucle l’année 2021 sur un total de 142 millions USD de ventes horlogères aux enchères. C’est la meilleure année de la maison – le record précédent était de 2018, à 108 millions USD – notamment grâce à l’Asie, qui concentre à elle seule 41% de la valeur des ventes 2021. 

Phillips : l’ascension jusqu’au sommet

Face à ces modèles hybrides, multicanaux et démultipliés, Phillips a fait un pari inverse : uniquement 5 ventes horlogères en 2021, toutes en salles et doublées, comme à l’accoutumée, d’enchérisseurs en ligne. Le résultat est sans appel : 209 millions de dollars de vente. Phllips est donc devenue, en 2021, la première maison de vente aux enchères en matière d’horlogerie au monde.

La seule vente genevoise de novembre a cumulé 72 millions de dollars, soit plus du tiers du chiffre annuel. « Beaucoup de nos clients ont été confinés et ont donc passé un temps considérable à faire des recherches, se positionnant à l’affût de pièces rares qu’ils ne voulaient pas laisser passer. Nous avons également vu une nouvelle génération émerger, avec des enchérisseurs dans la trentaine. Enfin, toute la zone du Moyen-Orient s’est réveillée. Elle qui était auparavant davantage attirée par les montres neuves s’est trouvée un intérêt prononcé pour les pièces de collection. Tout cela a soutenu notre positionnement. En 2021, nous avons d’ailleurs vu arriver 700 nouveaux enchérisseurs. C’est colossal », explique Alexandre Ghotbi, Head of Watches, Continental Europe and the Middle East. Phillips faisant 1,2 milliards de ventes par an, la partie horlogère représente donc à elle seule plus de 17% des ventes globales de la maison.

Only Watch : pas de record, mais une hausse constante

Dans un registre plus confidentiel (et rare : une fois tous les deux ans), Only Watch a affiché une très belle performance le 6 novembre dernier : le total des ventes s’élève à 30 millions de francs. Ce n’est pas un record mais reste une belle histoire : le total atteignait en réalité un peu plus de 29 millions, mais un collectionneur privé a demandé à arrondir sa contribution aux décimales supérieures afin que la vente, au global, passe la barre des 30 millions de francs !

Du reste, si l’on excepte la pendule de table de l’édition 2019 (qui, à elle seule, a généré 9,5 millions CHF), la vente Only Watch 2021 fut la plus performante jamais organisée. Un événement certes isolé, mais représentatif de l’engouement général pour les enchères horlogères.

Enchères : la crise, accélérateur de...croissance

Trio de poupe

Plus loin, Antiquorum ferme la marche, avec une année 2021 soldée à 60 millions USD. « Nous avons tout simplement doublé depuis les trois dernières années », explique Romain Réa, CEO. La fréquence des ventes a été légèrement revue à la hausse, une nouvelle vente se tient désormais en Italie, et Antiquorum préserve son format « tout public », avec parfois des pièces accessibles dès 1000 CHF, et des ventes en ligne qui peuvent regrouper 3000 montres. Une stratégie qui vise large, relayée par Instagram : « les réseaux sociaux travaillent pour nous », souligne Romain Réa, marquant sa différence avec les maisons institutionnelles, encore très conservatrices envers les médias sociaux.

Plus modeste : Ineichen. Il s’agit toutefois d’une maison avec laquelle il va falloir composer. Après un total de vente de 2,5 millions CHF en 2020, Ineichen est passée à 12 millions, soit 5 fois son chiffre initial. Plus intéressant : la maison arrive à convertir 12% de ses acheteurs occasionnels en enchérisseurs. Artemy Lechbinskiy, CEO, indique que « les enchères de petite taille mais avec des lots de grande qualité sont beaucoup plus attractives pour les collectionneurs, et c’est là-dessus que nous allons mettre l’accent en 2022, avec déjà cinq ventes planifiées. Nous allons également poursuivre notre digitalisation, qui est un phénomène qui dépasse de loin les simples nécessités sanitaire. C’est une nouvelle réalité du monde des enchères ».

Iconeek, petite maison genevoise, termine quant à elle sa toute première année à 2,5 millions de CHF, avec seulement deux ventes. Son modèle de rémunération est atypique, avec uniquement une commission acheteur – il n’y a pas de commission vendeur chez Iconeek. Ses ventes sont en direct mais sans public, son approvisionnement est presque 100% suisse.

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