L-Evolution R

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L-Evolution R - Blancpain
Blancpain associe le monde du sport à l'une des complications horlogères les plus complexes à réaliser

Lettres du Brassus - No 12

Jeffrey S. Kingston

UN CHRONOGRAPHE À RATTRAPANTE EST UNE GRANDE COMPLICATION FORT PRISÉE DES HORLOGERS MAIS MOINS CONNUE DU PUBLIC.

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«R-E-S-P-E-C-T Find out what it means to me » Si vous suivez, même de très loin, l'évolution du rock and roll, Aretha Franklin a certainement gravé ces paroles dans votre esprit jusqu'au final où elle exige un peu de respect (« sock it to me »). La diva de la soul devrait être conviée à chanter ces paroles à pleins poumons devant un parterre d'horlogers afin de témoigner un peu d'affection aux artisans qui réalisent les chronographes à rattrapante, quel que soit le lieu où ils exercent leur activité. Alors que ces constructeurs travaillent sur l'une des complications les plus ardues, au point que sa construction requiert des trésors de patience pour apparaître simplement correcte, leurs vertus et leurs talents semblent quelque peu dédaignés dans la vaste constellation des complications. Un simple manque de respect. Comme nous avons coutume de nous exprimer sans ambages dans ces pages, penchons-nous sans plus tarder sur la question. La réalisation d'un chronographe à rattrapante de haute horlogerie occupe le sommet des grandes complications. Son degré de difficulté et les défis qu'elle recèle dépassent de loin la fabrication d'un quantième perpétuel ou d'un tourbillon, dont le dévoilement public fait pourtant jaillir force « oh » et « ah ».

Citons donc à comparaître le dernier chronographe à rattrapante de Blancpain, la L-evolution R. Quels sont les éléments qui plaident en faveur de cette nouvelle construction de rattrapante et, de ce fait, de tous les garde-temps de Blancpain munis d'un chronographe à rattrapante ? Intéressons-nous en premier lieu aux difficultés inhérentes à la confection d'un chronographe de belle facture. À ce propos, commençons notre étude par une constatation évidente pour les horlogers et souvent obscure aux yeux du public : la fabrication d'un chronographe de haute volée, préalablement même à l'adjonction d'une rattrapante, est pavée de nombreuses embûches pour des motifs qui sont tout sauf obscurs. En effet, le mécanisme du chronographe soumet le train de rouages à de brusques changements dynamiques à chaque fois que la fonction est enclenchée ou déclenchée. Ces opérations, qui interviennent de manière aussi soudaine qu'abrupte, assurent la connexion du mécanisme du chronographe avec le train de rouages de la montre et sa déconnexion ultérieure.

Au premier abord, cette action peut apparaître comme d'une grande simplicité. Lgorsque le propriétaire souhaite procéder à une mesure, le mécanisme du chronographe – l'aiguille des secondes du chronographe et les compteurs des minutes et des heures – est relié au train de rouages de la montre, en règle générale par l'entremise du pignon des secondes. À l'inverse, lorsque l'arrêt est requis, l'effet contraire se produit, en l'occurrence la déconnexion des composants. Toute la difficulté réside dans la constatation qu'il convient de réaliser l'engrenage et le désengrenage du mécanisme (sans oublier naturellement la troisième fonction d'un chronographe, la remise à zéro) d'une manière qui : 1° n'exerce pas d'influence délétère sur la marche de la montre (ou, pour l'exprimer en d'autres termes, qui ne provoque pas d'altération significative de l'amplitude des oscillations décrites par le balancier), 2° garantisse à chaque fois sans la moindre exception un démarrage et un arrêt en douceur de l'aiguille, sans saut, ni tressaillement malvenu, 3° confère une sensation veloutée aux poussoirs utilisés pour commander les opérations, 4° permette l'engagement constant du chronographe si tel est le bon plaisir du propriétaire, et 5° assure la synchronisation parfaite du retour à zéro de l'aiguille des secondes du chronographe et des aiguilles des compteurs.

 

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Tels sont les fiers devoirs imposés à un chronographe pour qu'il puisse se prévaloir d'une incontestable majesté. Le mécanisme avec roue à colonnes et embrayage vertical du calibre 1185 occupe une position aussi éminente qu'isolée en répondant à chacun de ces critères. Les connaisseurs et les amateurs qui ont pris la peine de tester des réalisations proposées à travers tout l'éventail de cette complication, des plus onéreuses aux plus économiques, se sont rapidement aperçu que certains modèles de marques prestigieuses qui connaissent un saut occasionnel de l'aiguille des secondes au commencement ou à la fin de la mesure souffrent d'une marche moins précise quand le chronographe est enclenché et que ce défaut rédhibitoire réduit à néant toute velléité de le laisser fonctionner en permanence. Les modèles vendus à bon marché (et, quelquefois, des variantes onéreuses qui recourent à des mouvements de piètre valeur et sont généralement à l'origine d'une déception pour leurs acquéreurs) démontrent pour leur part une certaine dureté dans l'actionnement des poussoirs, hormis l'altération de la marche évoquée ci-dessus. Au titre de grande complication, la rattrapante mérite de s'associer à un chronographe qui remplit en tous points ces critères.

Si la quête de la perfection incarne déjà un tour de force pour un simple chronographe, l'adjonction d'une rattrapante symbolise un degré de difficulté incomparablement plus élevé et la description de son fonctionnement ne donne qu'une vague idée de son ampleur. Au lieu d'une, le chronographe possède deux aiguilles des secondes si exactement superposées que l'observateur n'en distingue qu'une seule lorsque la rattrapante est au repos ou que le chronographe ne mesure qu'un seul temps. Cependant, lors de la mesure d'un temps intermédiaire, la rattrapante est immobilisée alors que l'autre aiguille continue sa course. Ce dispositif permet naturellement de mesurer deux événements à la durée distincte. Enfin, un nouvel actionnement provoque le déplacement de l'aiguille arrêtée qui reprend sa position habituelle au-dessus de l'autre. Cette action peut intervenir pendant la progression ou l'immobilisation de l'aiguille principale.



UN CHRONOGRAPHE DE BASE RAFFINÉ EST LE SUPPORT QUE MÉRITE AMPLEMENT UNE RATTRAPANTE

La rattrapante repose sur deux systèmes fondamentaux, le premier constitué d'un dispositif pour centrer les aiguilles et le second d'un mécanisme de frein qui peut être appliqué à l'une des aiguilles (la rattrapante) en permettant à l'autre (la trotteuse) de poursuivre sa rotation autour du cadran. Centrage des aiguilles. Le centrage des aiguilles afin qu'elles soient précisément superposées recourt à un composant qui est partie intégrante de presque tous les chronographes depuis deux cents ans, connu sous le nom de came en forme de coeur. Sa construction ne recèle aucun mystère car son nom révèle entièrement sa nature : une came dont les contours ne diffèrent guère d'un coeur tel qu'il est traditionnellement dessiné par un enfant. À l'évidence, ses caractéristiques sont calculées de manière logarithmique pour optimiser la propriété qui lui vaut son appréciation générale. Si la came est laissée libre de tourner à sa guise et qu'elle est soumise à la pression d'un bras ou d'un levier, elle pivotera toujours dans une position qui amènera le bras ou le levier sur la partie supérieure du « coeur ». Les constructions classiques de chronographe utilisent cette pièce pour réaliser le retour à zéro de l'aiguille des secondes du chronographe et de toutes les aiguilles des compteurs du chronographe. Lorsque le retour à zéro est commandé, un marteau est pressé contre le coeur de chaque aiguille du chronographe et le retour à zéro intervient avec la précision souhaitée. Le calibre 1185 de Blancpain comprend un seul bras avec deux marteaux, l'un pour l'aiguille des secondes, l'autre pour le compteur des minutes, qui entrent simultanément en contact avec les deux coeurs et reviennent à zéro exactement au même instant.

La même propriété utilisée pour le retour à zéro sert à maintenir les deux aiguilles l'une au-dessus de l'autre. La rattrapante possède un coeur fixé à son axe. Lorsqu'il subit une pression – dans la construction de Blancpain, elle est exercée par un bras doté d'un plateau empierré à son sommet, appelé galet – la rattrapante est parfaitement alignée avec la trotteuse. Alors que le plateau et le bras sont attachés à la trotteuse et tournent avec elle, le centrage est toujours réalisé par rapport à la position de la trotteuse. Si les deux aiguilles ont été séparées lors de l'arrêt de la rattrapante, une nouvelle pression du galet la fera instantanément reprendre sa place sur la trotteuse.

Le frein. Si le principe du frein est simple, son application est complexe. Une roue est fixée sur l'axe de la rattrapante. Lorsque le propriétaire souhaite immobiliser cette aiguille en dissociant sa course de celle de la trotteuse qui poursuivra sa rotation en décomptant les secondes du chronographe, deux bras, un de chaque côté, semblables à des pinces, enserrent la roue afin de la bloquer. Si la construction mécanique est l'un de vos violons d'Ingres, cette description des moyens par lesquels la rattrapante est arrêtée alors que la trotteuse continue d'avancer devrait faire surgir à votre esprit une interrogation immédiate : « Que se passe-t-il avec le galet qui exerce une pression contre le coeur ? Lorsque la came est forcée de tourner depuis sa position, le galet au centre du coeur n'oppose-t-il pas une résistance considérable ? » Ce sont de bonnes questions et il convient de les aborder avec le sérieux requis.

 

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La plupart des systèmes de rattrapante acceptent simplement cette résistance supplémentaire et tolèrent que la rotation soit ralentie par la pression exercée sur la came. Cette contrainte, cependant, n'est pas sans entraîner des conséquences immédiates sur la précision de marche, en réduisant l'amplitude des oscillations décrites par le balancier. Afin de les compenser, Blancpain a inventé un isolateur intégré au mécanisme de la rattrapante. Lorsque la déconnexion des aiguilles est requise et que les bras enserrent la roue de la rattrapante pour l'immobiliser, le levier qui supporte le galet est repoussé pour supprimer tout contact avec la came. Rien de plus simple, le galet ne retient plus la came! Cette innovation mise au point par Blancpain se retrouve désormais sur les réalisations d'autres opérateurs. L'un deux, une prestigieuse marque genevoise, a même reconnu ingénument que le dispositif de Blancpain lui a servi de « source d'inspiration » !

Un autre composant de ce mécanisme mérite notre attention, la roue à colonnes. Les chronographes de belle facture recourent à une roue à colonnes pour piloter l'enclenchement, le déclenchement et le retour à zéro. Aucun chronographe ne peut se prévaloir d'une construction soignée s'il ne dispose du raffinement incarné par la roue à colonnes qui dote d'une précision incomparable la succession des fonctions et offre une sensation veloutée lors de l'actionnement des poussoirs, impossible à égaler par toute autre méthode. Il n'en va pas autrement pour une rattrapante où l'utilisation d'une roue à colonnes pour contrôler la séparation et le centrage des aiguilles est également indispensable pour assurer la précision et un contact soyeux lors de l'actionnement du mécanisme. Ainsi, le mouvement de Blancpain comprend deux roues à colonnes.



DEUX ROUES À COLONNES CONTRÔLENT LES FONCTIONS DE LA L-EVOLUTION R

La L-evolution R se distingue par une autre caractéristique raffinée, la fonction flyback, ou retour en vol, dont les origines remontent aux premiers temps de l'aviation alors que les pilotes étaient astreints à calculer les temps et les distances. Avant que l'apparition des systèmes modernes de GPS ne supprime la nécessité de voler avec son cerveau (veuillez pardonner cette réflexion délibérément acide d'un instructeur de vol formé à la vieille école), il était indispensable de mesurer la durée écoulée entre un repère – ou fix – et un autre. À cet effet, il convenait de démarrer le chronographe au passage du premier fix, de l'arrêter à la hauteur du suivant, de procéder à la remise à zéro et de recommencer la mesure dans l'attente du prochain fix. Toutefois, le passage de chaque repère intermédiaire requérait trois manipulations : l'actionnement du poussoir d'enclenchement et de déclenchement pour arrêter le chronographe, l'actionnement du poussoir de remise à zéro et, finalement, un nouvel actionnement du poussoir d'enclenchement et de déclenchement pour redémarrer le chronographe.

Le retour en vol simplifie dans une large mesure cette série d'opérations car l'actionnement du poussoir de remise à zéro interrompt la progression de l'aiguille du chronographe, remet les aiguilles à zéro et commence une nouvelle mesure. Trois poussoirs se réduisent ainsi en un seul. Peu après ses débuts horlogers, cette fonction suscita un vif engouement  auprès des pilotes et cette caractéristique aéronautique a naturellement trouvé sa place sur la L-evolution R.

Une utile complication additionnelle est offerte par le large module de date de la L-evolution R, connu dans la manufacture sous la désignation de calibre 69. Cette construction de grande date tranche sur les dispositifs habituels par le fait que le changement intervient de manière instantanée, à minuit. Elle permet de procéder au réglage rapide des indications par la couronne, plutôt que par l'entremise d'un poussoir disposé sur le flanc du boîtier.

Afin de souligner le raffinement du mouvement, Blancpain a résolu de doter les ponts d'une décoration d'un nouveau style. Loin des classiques côtes de Genève et du perlage, Blancpain a créé une nouvelle finition en associant des éléments inspirés par des techniques classiques de décoration horlogère. En premier lieu, les ponts sont creusés en retirant de la matière au centre et en laissant une bordure surélevée, à l'image du procédé du champlevé utilisé en émaillage. Cependant, au lieu de remplir le centre évidé par un autre matériau, la manufacture a choisi de décorer les surfaces d'un motif qui leur confère l'aspect d'un délicat grenage. Dans la version en or rouge de la L-evolution R, le centre des ponts est revêtu d'or alors qu'il est rhodié dans l'exécution en or blanc. Dans les deux cas, la palette des coloris du mouvement s'harmonise avec les nuances des éléments en or du boîtier.

 

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LE BOÎTIER DE LA L-EVOLUTION R COMPREND DES ÉLÉMENTS EN FIBRE DE CARBONE ET EN OR

La fibre de carbone joue un rôle important dans l'aspect du nouveau membre de la collection L-evolution. Le design du boîtier propose une intéressante combinaison de matériaux qui met immédiatement en évidence les cornes et le fond de boîtier. L'intégration de deux éléments séparés offre un champ d'action dans le domaine du design qui n'est généralement pas compatible avec les constructions traditionnelles de boîtier. Sur la L-evolution R, Blancpain fait usage de cette liberté en façonnant les cornes, les flancs et les fonds de boîtier en or, rouge ou blanc, et la lunette en fibre de carbone. Les éléments habituellement confectionnés dans ce matériau par l'industrie, même s'ils sont légers, présentent l'inconvénient d'une fragilité associée à leur rigidité. Fabriqués selon un procédé développé par la manufacture, les éléments en fibre de carbone de Blancpain excluent ce risque et leur apparence raffinée s'associe à une solidité à toute épreuve. La fibre de carbone se retrouve également sur le cadran et le bracelet, grâce à la présence de deux incrustations.

Avec un style qui évoque les modèles Super Trofeo qui l'ont précédée, la L-evolution R illustre un degré d'accomplissement horloger inédit au royaume des chronographes sportifs.

 

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