Exclusif : Trilobe au tribunal !

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Une Folle Journée Dune © Trilobe
Cinquième épisode de la saga « Au tribunal » de WorldTempus. Aujourd’hui, Gautier Massonneau, fondateur de Trilobe, est sur le banc des accusés. La parole est à la défense !

L’accusation relève que toutes vos montres reposent sur le même principe d’affichage excentrique, plus ou moins habillé différemment.

Non coupable ! En matière de trois aiguilles centrales, il existe de nombreuses marques horlogères, pour lesquelles j’ai le plus grand respect, qui font cet exercice depuis plusieurs siècles et qui le font très bien. Je n’ai pas la prétention de faire mieux ! Donc oui, nous allons récidiver sur l’excentrique. C’est un concept fortement différenciant mais qui peut prendre à chaque fois des formes très diverses. Nous l’avons démontré à plusieurs reprises, et nous allons persévérer. L’affichage excentrique et sans aiguille n’est pas confiscatoire de créativité. Au contraire, je considère que ces aiguilles centrales imposent un carcan, une camisole, dont nous pouvons nous extraire pour affirmer une autre créativité. Trilobe n’a pas d’affichage central, pas d’aiguille. Et cela restera ainsi.

Le tribunal vous accuse de repos intempestif. Votre Calibre X-Centric date de 2020, nous sommes bientôt en 2024 !

Coupable ! Évidemment, à plus ou moins court terme, il y aura une mécanique différente. Mais j’ai toujours voulu que Trilobe se dégage de la férule de l’instant présent, de l’immédiat. Construire un mouvement, cela ne se fait pas sur Instagram. Nous grandissons pas à pas. Nous avons en permanence une R&D en ébullition et nous allons rapidement proposer quelque chose de nouveau sur la base de l’X-Centric. Et un nouveau calibre ? Oui, il est déjà en cours, mais probablement pas avant 2025. Et d’ici là, il y aura bien d’autres nouveautés...

Calibre X-Centric © Trilobe
Calibre X-Centric © Trilobe

Le tribunal vous accuse de ne pas savoir choisir entre des pièces masculines ou féminines, mais de vous contenter d’un entre-deux.

Coupable ! Mais c’est quelque chose que nous assumons totalement. La discrimination dans une création, ce n’est pas le sexe féminin ou masculin, c’est le beau. J’aborde l’horlogerie en tant qu’art. À ce registre, est-ce que vous demandez à un peintre s’il exécute une toile pour hommes, ou pour femmes ? Non.

L’horlogerie, c’est la même chose. Alors oui, je plaide coupable de responsabiliser nos clients. Il leur appartient de décider si une montre est belle, si elle leur convient ou pas. Nous ne les enfermerons jamais dans un choix binaire entre montres masculines ou féminines. Ce n’est pas notre rôle. D’ailleurs, même nos détaillants ne nous le demandent pas.

Trilobe, marque française, mais Swiss Made depuis ses débuts. L’accusé ne souhaite pas promouvoir ses racines ?

Non coupable. Nous allons d’ailleurs progressivement accentuer notre griffe parisienne, mais pas pour le simple plaisir de faire cocorico. Ce que je souhaite valoriser, c’est ce que nous sommes capables de faire en interne, à la maison. Or il se trouve que cette maison est installée à Paris.

Nous avons récemment déménagé à proximité de l’Opéra Garnier où nous occupons maintenant des locaux de près de 300 m². Nous avons cinq horlogers à plein temps, nous assemblons à Paris. Cette dynamique va accélérer, car notre objectif reste d’écrire l’histoire d’une belle maison d’horlogerie parisienne. Ce qui, si l’on y réfléchit, ne s’est pas vraiment produit depuis Breguet.

Une Folle Journée Réconciliation - Only Watch 2023 © Trilobe
Une Folle Journée Réconciliation - Only Watch 2023 © Trilobe

Co-branding, collaboration : Trilobe se cherche. L’accusé n’a-t-il pas de marque assez forte pour se dispenser de tierces signatures ?

Non coupable ! Si vous comptez bien, nous avons fait trois collaborations en deux ans et demi. Je vous livre un secret : sur la seule année passée, nous avons reçu 37 propositions de collaboration, soit environ trois par mois. Nous les avons quasiment toutes rejetées parce que nous estimions que, dans la quasi-totalité des cas, elles servaient l’égo des « collab », et non Trilobe.

L’excès de collaboration peut nuire à la cohérence des collections. Il ne faut pas en abuser. Ce que nous avons pu faire avec le Dubai Watch Club, par exemple, était très qualitatif, et nous ouvrait un champ créatif (le guilloché, ndlr) que nous n’avions pas encore vraiment exploré. Il y avait une véritable valeur ajoutée réciproque. Ce doit toujours être le cas. Il faut une idée forte. C’est cela qui renforce une marque, pas l’inverse, pas la « collab » à tout prix, fut-elle avec des noms prestigieux.

Une marque pérenne, 100% sans aiguilles, beaucoup ont essayé, mais personne n’a réussi à tenir dans la durée. Le tribunal accuse Trilobe d’arrogance pour prétendre réussir là où 250 ans d’horlogerie ont échoué.

Non coupable. D’ailleurs, je ne suis pas marxiste, je ne crois pas à la répétition de l’histoire ! Le passé ne présage pas de l’avenir. D’autre part, le paradigme d’il y a deux siècles n’est pas le même qu’aujourd’hui.

À l’heure actuelle, les gens veulent se différencier. Porter des objets singuliers, intimes, qui correspondent à leur propre personnalité. J’ajouterais que beaucoup de marques se sont lancées ces dernières années sur des gimmicks, ou en mode one shot, avec une complication amusante et originale, mais rien de plus.

Une Folle Journée Dune © Trilobe
Une Folle Journée Dune © Trilobe

Ce n’est pas le cas de Trilobe. Nous avons une vision à long terme, celle de construire une belle maison d’horlogerie parisienne. C’est la raison pour laquelle cette marque ne porte pas mon nom. Si je devais disparaître prématurément, Trilobe me survivrait sans problème. Nous avons 20 ans d’idées et de dessins dans les cartons. Un bon D.A. (directeur artistique, ndlr) pourrait exploiter cela sans difficulté, et continuer à faire grandir Trilobe.

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