Nautilus, la fin qui n'a pas de fin

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Nautilus, The Never-Ending ending - Patek Philippe
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Entre l'annonce de l’arrêt de la ref. 5711 et sa disparition du catalogue, le modèle a connu une explosion digne d'une Supernova

La mort d'une étoile géante déclenche un flash de lumière et de chaleur connu sous le nom de Supernova. Ultra-brillant, le phénomène s'étale ensuite sur une longue période où l'énergie se dissipe. La fin annoncée de la Patek Philippe Nautilus ref.5711 en acier a créé un tel épisode. Cette montre hyper-spéculative s'échange aujourd’hui sur le marché gris à 10-15 fois sa valeur en boutique. La marque refuse depuis des années de s'adapter à une demande effrénée, pour des raisons culturelles et aussi de capacité industrielle. Au point que ce modèle cannibalise l'image de la manufacture, qui ne se résume pas, loin s'en faut, à cette pièce sport chic en acier. Pour tourner la situation à son avantage, Thierry Stern, président de Patek Philippe, a donc annoncé fin janvier 2021 que ce modèle ne serait plus produit à la fin de l'année. Et à l'apparition de la nouvelle liste de prix 2022, la chose était effectivement faite. Et entre ces deux dates, la spéculation n'en est devenue que plus féroce, alimentée sciemment par plusieurs axes de communication discrets de la marque.

Nautilus, la fin qui n'a pas de fin

Tout d'abord, l'annonce a donné l'impression d'une marque qui tue sa poule aux œufs d'or. Grande incompréhension. Elle a déçu ceux qui s’étaient inscrits sur d'interminables listes d'attente. Deuxième incompréhension. Puis au moment où la marque a annoncé la disparition de cette référence mythique, elle n'a pas annoncé de calendrier précis. Première incertitude. Ensuite, elle n'a pas annoncé par quoi elle allait être remplacée. Normal, mais seconde incertitude. De plus, elle n'a pas annoncé que les autres Nautilus allaient disparaître, juste ce modèle. Première subtilité. Mais surtout, Patek Philippe n'a pas annoncé qu'elle allait lancer une salve finale de variantes de 5711 digne du bouquet final d'un feu d'artifice. Seconde subtilité. 

Après avoir injecté tous les ingrédients nécessaires à une explosion de la spéculation, la marque a alimenté le moteur de la rareté et de la désirabilité en lançant plusieurs séries limitées. Encore plus limitées que la production déjà modique de ce modèle. Rappelons pour mémoire la 5711/1A-014, à cadran vert olive. Son prix de revente peut dépasser les 700 000 €, soit 25 fois sa valeur boutique. Sans parler de la 5711 Tiffany, qui s'est vendue 200 fois son prix officiel lors d'une vente aux enchères. Si Patek avait voulu connaître un succès immense, se jouer des professionnels de la revente et de leurs clients, elle ne s'y serait pas pris autrement. 

Nautilus, la fin qui n'a pas de fin

Car le problème de ce modèle est qu'il phagocyte la marque, son prestige, sa créativité, sa variété. Il concentre sur lui seul un tel niveau d'attention que tout le reste passe à l'as...enfin, presque, essayez un peu d'obtenir un QP ou une sonnerie dans une boutique Patek, vous verrez ! Alors pour se débarrasser du problème, on annonce sa mise à la retraite. Or ce problème n'en est pas vraiment un. La popularité des Nautilus, pour financière qu'elle est, a fourni à la marque une exposition inouïe, auprès de classes d'âge et de style qui lui étaient inaccessibles il y a seulement cinq ans. Le geste était en fait destiné à profiter au maximum de cet engouement et de retourner à son avantage les inconvénients qu'il présente. 

Avec l'arrivée imminente de Watches & Wonders, auquel Patek Philippe participe pour la première fois, la 5711 va peut-être être remplacée. Si elle l'est par, disons une 5811, ou toute autre référence incrémentale qui modifie trois détails de cadran, ce qui est après tout la démarche de tous les horlogers avec leurs icônes, on pourra vraiment dire que Patek a bien attrapé tous les fous qui se sont rués sur la 5711. Et le pire est que sa cote ne descendra pas pour autant. Si elle ne l'est pas, l'attention déjà énorme dont bénéficie l'Aquanaut, l'autre montre de sport de Patek Philippe, ne fera que grandir. Idem pour les Nautilus à chronographe, à quantième perpétuel, à réserve de marche, et toutes les variantes que la marque pourra inventer, et auxquelles elle n'a jamais eu l'intention de renoncer. 

Nautilus, la fin qui n'a pas de fin

Moralité, on ne tue pas un mythe. Cela ne fait que le renforcer... Alors autant en profiter au maximum.

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