2006, l’année du tourbillon*

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2006, the year of the tourbillon* - GMT Magazine
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La course à l’exclusivité et aux grandes complications bat son plein, les marques traditionnelles réagissant aux défis lancés par les nouveaux acteurs de niche.

Au cours de l’année 2006, le magazine GMT poursuit à la fois son internationalisation avec le lancement de GMT XXL Russie & Ukraine et la segmentation de son lectorat avec le nouveau hors-série féminin XXS, réalisé en collaboration avec le magazine féminin Profil. Le phénomène des boutiques monomarques s’intensifie, autant que l’attractivité des Rolex d’occasion. Antiquorum met ainsi aux enchères la plus importante collection de montres Rolex apparue en vente publique, 300 modèles Rolex appartenant à l’éditeur Guido Mondani, amassés en 20 ans de voyages. La verticalisation de la production des grandes marques comme celles des petits indépendants se poursuit, à l’image de Bovet qui prend ses quartiers et ouvre son musée dans le château de Môtiers à Fleurier, que les descendants de la famille fondatrice avaient légué au canton de Neuchâtel.

Beaucoup essayent de surfer sur la vague d’une industrie horlogère en plein essor, reflété par des publicités pour des marques qui ont depuis sombré : Bertolucci, DYD, Enigma, Instruments & Mesures du Temps, Robergé, Trebor, U-Boat ou encore Yeslam. Tout l’inverse de Montblanc qui célèbre son 100e anniversaire et sa 300e boutique avec à sa tête Jean-Marc Pontroué, pour qui « Montblanc est créateur d’âme depuis 100 ans ». Symbolisant à la fois un tournant pour la marque et une tendance forte de l’horlogerie de luxe à cette époque, Montblanc dévoile sa première grande complication, la Star Chrono GMT Perpetual Calendar.

Innovation tous azimuts

Indépendamment du volume, il apparait alors une certaine bipolarité dans l’horlogerie de luxe avec d’un côté, des artisans et créateurs indépendants qui ne reculent devant aucune innovation, de l’autre côté des manufactures traditionnelles qui doivent bien peser le pour et le contre de cette course à la performance spectaculaire. Chantre du luxe ostentatoire mais enrichi depuis peu d’un fort contenu technique, Jacob & Co. présente son énorme Quenttin à affichage horaire axial (sur des rouleaux, sans aiguilles) dont les 7 barillets procurent 31 jours de réserve de marche, au cœur d’un boitier en acier, or et carbone, radicalement imbriqué avec le mouvement. Tout aussi bluffant en termes de design et d’audace mécanique,  Vianney Halter et DMC créent la Cabestan aux formes extraterrestres, qui se remonte à l’aide d’une manivelle amovible. La construction transversale du mécanisme avec fusée et tourbillon est aussi innovante que son indication de l’heure sur des tambours rotatifs gravés.

Comparativement plus « sage », le Chronographe Monopoussoir à 5 aiguilles coaxiales et spiral isochronique conçu par De Bethune est protégé par 3 brevets, et ne dispose « que » de 172h de réserve de marche. Quant à François-Paul Journe, il exprime cette fois son savoir-faire par une Grande Sonnerie Souveraine en acier disposant de 120h de réserve de marche et protégée par 10 brevets. Il a notamment développé des systèmes permettant à la fois de faciliter l’usage de la grande sonnerie et de sécuriser celui-ci. La tige de remontoir par exemple se verrouille lorsqu’une sonnerie est active. Le dispositif de grande sonnerie est verrouillé après 48h de marche pour protéger la réserve de marche.

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Il en faut plus pour impressionner Patek Philippe qui dévoile son propre spiral, le Spiromax en silicium monocristallin, déjà utilisé dans la roue d’échappement conçue l’année d’avant par son département R&D. En parallèle, Patek Philippe présente son premier calibre chronographe maison, venant équiper le Chronographe Automatique à Quantième Annuel en platine avec retour en vol et affichage de la réserve de marche.

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Cette complication inspire également une autre grande manufacture séculaire, Jaeger-LeCoultre, dont le Chronograph Concept AMVOX2 qui voit le chrono enclenché par une pression sur la partie supérieure de la glace saphir. Sur un registre horloger plus significatif, son Triptyque Reverso s’impose comme la première montre bracelet doté d’un échappement à détente, connu pour avoir obtenu les meilleurs résultats en termes de réglage mécanique notamment sur les chronomètres de marine, et intégré ici à un tourbillon.

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Le tourbillon sous toutes ses formes

L’explosion des montres équipées de tourbillons s’effectue littéralement sous toutes les formes. Ainsi chez Roger Dubuis, 16 des 160 nouveautés du SIHH intégrées font vibrer un tourbillon, dont un à force constante pour dames, et un autre d’ailleurs de forme carrée, le Tourbillon GoldenSquare Tourbillon en titane. Audemars Piguet choisit l’ovale pour son Chronographe Tourbillon Millenary MC12 en platine, du nom du bolide de 700 chevaux de son partenaire Maserati. C’est évidemment le tonneau qui sévit chez Richard Mille avec le Chronographe Tourbillon RM 008 en or rose, étanche à 100m.

Véritable extraterrestre, la HM1 de MB&F réalisée avec Laurent Besse et Peter Speak-Marin se met en scène dans une boîte en forme de jumelles flanquées de 2 cadrans reliés par un tourbillon en lévitation au centre, 4 barillets et une masse oscillante en forme d’Astéro-Hache. La générosité du boîtier s’inscrit ainsi aussi dans l’ADN de la Sea Hawk II Tourbillon en titane et or rose étanche à 1000m de Girard-Perregaux, ou dans l’Aeternitas à tourbillon de Franck Muller avec équation du temps, chronographe à rattrapante et triple fuseau horaire, dont le quantième perpétuel est programmé pour 1000 ans. Moins extrême, le Tourbillon Piccadily Répétition Minute en platine avec quantième perpétuel et phases de lune de Peter Speake-Marin montre aux collectionneurs qu’il faut compter avec lui. Chez les indépendants, DeWitt poursuit sa démonstration avec une nouvelle première mondiale, le Tourbillon à Force Constante dont le dispositif de force constante breveté absorbe chaque seconde la force provenant du barillet pour la redistribuer toutes les 10 secondes au tourbillon.

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2006 se distingue aussi par les montres à tourbillon se déplaçant autour du cadran. En Une de GMT, le Tourbillon Relatif Polo de Piaget réalise l’exploit d’accrocher sa cage sur l’aiguille des minutes et d’effectuer ainsi des rotations autour du cadran. Le principe est similaire avec le Tourbillon Orbital de Jean Dunand équipé d’un calibre Christophe Claret. Plus fort encore chez Breguet, dont la Grande Complication met en scène un double tourbillon indépendant sur un seul axe qui accomplit sa rotation du cadran en 12h.

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Les CEO à l’heure de David et Goliath

Grands patrons et petits entrepreneurs donnent de la voix par médias interposés pour revendiquer son territoire ou sa légitimité sur le territoire de l’exclusivité et de la haute horlogerie. Nouveau CEO de Vacheron Constantin, Carlos Torres analyse de manière lucide : « Cela fait 250 ans que Vacheron Constantin est là, mais l’explosion du nombre de marques aspirant au très exclusif ne doit pas être ignoré », analyse de manière lucide Carlos Torres, nouveau CEO de Vacheron Constantin. « Ces nouveaux horlogers ont du talent, ils nous forcent à rester en éveil. Par ailleurs, ils attaquent aussi le pouvoir d’achat du détaillant pour qui le gâteau n’est pas extensible indéfiniment. L’art horloger appartient à tous, mais beaucoup de ces marques peinent et leur pérennité n’est pas assurée ». A quoi Michel Jordi répond : «  Chaque marque doit effectivement avoir son visage, or nous sommes les premiers à offrir celui de la Twins. En 250 ans d’histoire horlogère, personne n’a jamais conçu une montre qui s’ouvre en éventail ».

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« Nous aspirons en effet tous à une hyper-créativité, motivée par les défis les plus osés », affirme Max Büsser, le fondateur de MB&F. « Cette notion s’apparente beaucoup plus à un choix de vie qu’à une orientation purement économique ». Son successeur chez Harry Winston Rare Timepieces, Hamdi Chatti, temporise : « la saga des Opus se poursuit donc avec le même élan créatif et novateur qui est dans les gênes du concept et lui assure à la fois pérennité et exclusivité. L’incroyable Opus 6 de Greubel Forsey est en cours de livraison, et lors du prochain Baselworld nous présenterons l’Opus 7 de concert avec deux créateurs de génie indépendant (Urwerk) ».

La semaine prochaine : l’horlogerie en 2007.

*Pour son 20e anniversaire en 2020, GMT résume chaque semaine en exclusivité pour WorldTempus l’essentiel de son contenu paru année après année, en 20 chapitres chronologiques. L’information n’est de loin pas exhaustive et se rapporte à des extraits. Pour une vision plus approfondie de ces deux dernières décennies d’horlogerie, commander le livre The Millennium Watch Book réalisé par GMT et WorldTempus appuyés par une vingtaine d’experts témoins de cette période incomparable.

L’épopée Octo Finissimo
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