Les nombreux niveaux du repérage de poignets

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The Many Levels Of Wristspotting - Editorial
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Examinons de plus près le passe-temps favori des passionnés de montres

L'un des risques du métier de rédacteur spécialisé en horlogerie est qu'un grand nombre de nos interactions humaines tend à être dirigé par des observations liées aux montres. Et il ne s'agit même pas forcément d'une relation à double sens. Très souvent, lorsque je rencontre une personne pour la première fois, mes yeux se dirigent directement vers son poignet pour voir la montre qu'elle porte (si elle en porte une). Ce geste est rarement réciproque, à moins que je me trouve à un événement horloger. Si une personne porte des manches longues, mon regard risque de se porter longuement sur son poignet afin de déterminer si les poussoirs de chronographe et la couronne cannelée apparents appartiennent à une TAG Heuer Autavia ou à une Omega Speedmaster 57. 

Vous pourriez me dire : Pourquoi ne pas simplement leur demander ce qu'ils portent, Suzanne ?

Je répondrais : Parce que c'est malpoli.

Vous répliqueriez alors : Est-ce plus grossier que de regarder le poignet d’une personne qui essaie de se présenter à vous ?

Je rétorquerais alors : Fermez-la. De plus, le poignet n'est pas la pire partie du corps que je pourrais regarder lorsque je rencontre quelqu'un pour la première fois.

La vérité, c'est que j'aime découvrir ce que les gens portent au poignet. Ça me fait me sentir intelligente et mignonne. Aussi, les gens ont tendance à apprécier les compliments sincères et inattendus. Une personne qui porte une Jaeger-LeCoultre Reverso Tribute to 1931 ne l'a pas trouvée n'importe où. Il s'agit d'un modèle très spécifique ; la personne qui a choisi cette montre parmi toute la gamme de montres Reverso y a clairement réfléchi et a fait un choix conscient. Si je rencontre une personne qui en porte une et que je parviens à glisser un commentaire admiratif à son sujet cinq minutes après le début de notre conversation, j'illumine sa journée. C'est un peu plus sophistiqué que de complimenter quelqu'un sur sa tenue, et d'après mon expérience, cela fonctionne toujours à merveille. 

Et on ne peut pas vraiment complimenter quelqu’un pour autre chose que sa tenue et sa montre ; ce serait bizarre et chelou sinon. On ne pourrait pas dire à une personne qu’on rencontre pour la première fois : "Vous avez une belle Porsche ; je vous regardais dans le parking". Je veux dire, on pourrait, mais s'il vous plaît ne le faites pas. Restez-en aux montres si vous voulez faire bonne impression et éviter d’être accusé d’harcèlement.

Évidemment, il y a différents niveaux de « wristspotting » (repérage de poignets). Le simple "Hé, jolie montre" est toujours apprécié et vous avez la possibilité d'aller plus loin dans les détails, bien que faire dans l'extrême en énumérant des choses comme la référence du modèle, l'histoire du mouvement et les variations du cadran soit risqué. Il peut y avoir deux conséquences : soit vous ennuierez votre interlocuteur et on vous évitera pour le reste de la soirée, soit les gens commenceront à affluer vers vous comme des phoques dans un cirque des années 1950. 

Si vous êtes un rédacteur introverti qui préfère passer ses soirées avec Netflix et un labrador, le wristspotting en ligne est peut-être fait pour vous. Il s'agit de faire défiler Instagram - ou Internet en général, bien qu'Instagram soit particulièrement bien adapté à cette activité - en regardant les montres que les gens portent dans leurs posts sur leurs réseaux sociaux. Si vous le souhaitez, vous pouvez même laisser des commentaires. (Lorsqu’il s’agit de personnes que vous connaissez, bien sûr. Et essayez de faire de jolis commentaires. Encore une fois, ne soyez pas bizarre et effrayant).

Au fait, ça ne compte pas si ce sont des célébrités qui remplissent clairement leurs obligations contractuelles d'ambassadeurs. Ce serait trop facile.

Ensuite, il y a les enquêtes de haut niveau. Repérer ce que portent les acteurs dans les films ou les séries télévisées (là encore, cela ne compte pas s'il s'agit d'un placement de produit sponsorisé qui a été communiqué par la marque). L'année dernière, un groupe WhatsApp de collectionneuses, dont je fais partie, était en ébullition à cause d'une capture d'écran floue d'une star de télé-réalité portant ce qui ressemblait à une magnifique montre avec cadran en émail et peinture miniature, que j'ai finalement réussi à identifier comme étant une Patek Philippe ref. 5077 Calatrava Rare Handcrafts. Il n'y avait jamais eu de photos officielles ou de communiqué de presse concernant cette montre, et mon seul indice était venu de photos prises lors d’un forum horloger en lien avec une exposition Patek Philippe organisée à Tokyo cinq ans auparavant.

Dernièrement, mon ami Anish Bhatt (de @watchanish fame) s'est mis à dénoncer les personnes portant de fausses montres en ligne, principalement des contrefaçons Richard Mille. Son sens du détail et sa vivacité d'esprit britanniques font de ses posts un moyen humoristique et amusant de passer le temps, surtout si vous vous délectez de la joie malsaine de voir les frimeurs des réseaux sociaux être démasqués. Un autre ami, M. Wristspotter lui-même, Nick Gould (@niccoloy sur Instagram), déniche des images rares de personnalités historiques et contemporaines, identifie leurs garde-temps et réécrit parfois l'histoire des marques horlogères au passage.

Quel genre de "wristspotter" êtes-vous ?