La Duchesse Maria Pavlovna

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Son amour pour les bijoux était légendaire
Chaque mois, Eric Nussbaum, directeur de la "Collection Art de Cartier", présente une page de la riche histoire de la prestigieuse marque parisienne. Pour être précis, elle était petite, d'un fort caractère, et elle était Allemande. La grandeur de sa vie qu'elle menait était à la mesure de cette Grande Russie qu'elle a adoptée avec cœur. A son tour, la famille Romanov l'avait aimée pour son dévouement aux bonnes causes, comme le bazar de Noël en faveur des plus démunis de l'Empire, mais souvent détestée pour sa mauvaise langue, qui lui avait même valu l'exil temporaire.Marie Pavlovna, née princesse de Mecklenburg-Schwerin, était l'épouse d'un des trente-trois Grands Ducs de l'empire (lire 'The Grand Dukes' de David Chavchavadze), et pas le moindre. Vladimir était général de l'armée à la retraite, troisième fils d'Alexandre II, frère d'Alexandre III et donc oncle du futur Nicolas II, une des personnalités les plus en vue de la Cour, aussi en tant que président de l'Académie impériale des arts. Tandis que la tsarine Marie et son époux, qui aimait la campagne, menaient une vie simple et presque retirée, la reine des festivités était celle qui signait lettres et photos d'une verve fulgurante: Marie.Cartier_334577_0La grande Duchesse Maria Pavlovna Son amour (pour ne pas dire appétit) pour les bijoux était légendaire de son vivant et a fait les beaux jours de Cartier à Saint-Pétersbourg. Son nom apparaît sans cesse dans les livres de vente, et dans les livres de commande de son joaillier préféré de Paris. Parmi les premiers ordres: un collier de chien, composé de six rangs de perles fines, orné de deux motifs de l'aigle impériale sertis entièrement de brillants, commandé en 1900.Elle avait oeuvré sans relâche pour que Cartier installât une succursale à Saint-Pétersbourg en 1908. Généreusement, elle avait mis à disposition un de ses nombreux palais, celui jouxtant l'Ermitage, le Palais d'hiver, au bord de la Neva au 28, quai de la Cour (aujourd'hui Bureau de l'état civil ou, littéralement, le 'Palais de mariage'), sans pour autant oublier d'encaisser un loyer princier de 900 roubles, pour deux mois seulement, joyeusement transformé en bijoux français par la suite, tout comme sa pension impériale perçue en tant que veuve dès 1909.

Deux bijoux de tête

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Aigrette en diamants commandée par la Duchesse en 1903Sur son portrait le plus spectaculaire elle porte une tiare de forme Kokoschnik, sertie de saphirs et diamants. Dans l'ouverture frontale, on distingue une aigrette, sertie de délicieuses briolettes en diamants, commandée chez Cartier en 1908... On a souvent vu des dames porter simultanément un grand nombre de rangs de perles, du joker ras de cou aux sautoirs jusqu'au genoux, ou encore deux colliers de différentes longueurs, néanmoins citer le nom d'une autre personne extravagante, portant sereinement deux bijoux de tête à la fois, est impossible. Mais cela ne s'arrête pas là: un collier, serti de magnifiques émeraudes de provenance russe, orne la bordure basse du Kokoschnik, une superbe broche composée d'une émeraude rectangulaire et d'une émeraude en forme de poire est fixée sur une robe spectaculaire, entièrement brodée de perles fines. La révolution avait mis une fin abrupte à telle magnificence. Marie, avec son fils André Vladimirovitch, étaient les derniers Romanov à fuir la Russie, et seulement en 1919.Noblesse oblige: en train privé à travers le Caucase vers la mer Noire, ensuite par bateau via la Grèce, pour arriver à Zurich... Mais sans aucun bijou. C'est le diplomate anglais Albert Stopford qui s'était offert d'aller récupérer clandestinement les trésors cachés à Saint Pétersbourg. Marie décéda en 1920, et ses quatre enfants héritèrent des bijoux, groupés par genre et couleurs: Cyril les perles, Boris les émeraudes, André les rubis et Hélène, reine de Grèce, les diamants.Le Kokoschnik avec les gros bijoux fut hérité par Marie, reine de Roumanie, pour qui Cartier le transformait en une couronne sertie de perles.Le diadème que Cartier avait créé pour la Grande Duchesse - avec le rubis Beauharnais de seulement 5,22 carats, mais de qualité exquise - fut offerte par Nancy Leeds, anciennement veuve du roi de l'étain, Mr. William B. Leeds, et nouvellement Anastasia princesse de Grèce, à l'épouse de son fils William, la princesse Xenia, pour leur mariage en 1921.Les magnifiques émeraudes russes hexagonales du collier furent achetées par Cartier et remontées dans un diadème sublime, portable également en collier, pour l'héritière de Woolworth, Barbara Hutton, en 1947.La fascination des gemmes, beautés précieusement rares, produites par notre Terre en ses premiers jours, restera vive jusqu'à ses derniers. E. Nussbaum / Juin 2001
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