Les Etats-Unis redorent leur blason horloger

Image
USA christophe article
4 minutes read
Les statistiques des exportations horlogères le montraient clairement : les États-Unis sont de retour sur le devant de la scène. Comme le confirme The Mercury Project, après un cycle baissier de 17 mois, les ventes au détail de montres et bijoux dans le pays sont à nouveau en croissance

Le strabisme prononcé des Maisons actives dans l’horlogerie-joaillerie vers la Chine serait-il en passe d’être corrigé ? De fait, depuis plusieurs années, les ténors de la branche n’avaient d’yeux que pour les marchés d’Extrême-Orient, là où les tigres rugissent à babines rabattues. Non sans raison, étant donné l’extraordinaire potentiel d’une région vers laquelle se déplace inexorablement le centre de gravité de la croissance mondiale. La pandémie du Covid est toutefois venue rebattre les cartes. Du moins pour un temps. Alors que tout le monde attendait un rebond spectaculaire du dragon chinois, ses rugissements se sont faits nettement moins péremptoires que prévu, notamment en raison de périodes de confinement prolongées. La croissance économique chinoise a ainsi tout juste dépassé le seuil des 5% en 2023 et les pronostics pour l’exercice en cours sont encore plus pessimistes avec un PIB attenu à +4,6%, selon une enquête Reuters. Les statistiques des exportations horlogères helvétiques en donnent un petit aperçu. Si l’année 2023 s’est soldée par une hausse de 7,6% des expéditions de produits horlogers vers la Chine par rapport à l’année précédente, parfaitement en ligne avec la moyenne sur l’ensemble des marchés, la comparaison avec 2021 montre encore un recul de près de 7%.

Tiffany à New York © Benjamin Jopen
Tiffany à New York © Benjamin Jopen

Les statistiques communiquées par la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH) ne reflètent certes pas les ventes aux clients finaux, elles n’en dessinent pas moins une tendance générale qui ne trompe pas. Or, celle qui concerne les États-Unis est suffisamment parlante avec une hausse des exportations de 7% l’an dernier par rapport à 2022 et, surtout, de 35% sur deux ans. En chiffres absolus, les Etats-Unis représentaient en fin d’année dernière un marché pesant CHF 4,2 milliards de francs en termes d’exportations horlogères, contre CHF 2,8 milliards pour la Chine. Il n’y a pas si longtemps, soit en 2020, l’ordre était inversé avec un Chine conquérante occupant la première place (CHF 2,4 milliards), devant les États-Unis (2 mia) et Hong Kong (1,7 mia). En traversant le Pacifique, le sentiment change ainsi du tout au tout. « La tendance observée aux États-Unis est tout à fait conforme aux nouvelles économiques comme à la performance du marché boursier. Le sentiment de bien-être qui règne actuellement dans le pays y contribue probablement. Nous avons ainsi constaté une accélération séquentielle tout au long du trimestre qui a culminé au mois de décembre ».

La ruée vers Big Apple

Ce commentaire de Burkhart Grund, CFO de Richemont, à propos des résultats enregistrés au troisième trimestre de son exercice en cours clos à fin décembre offre une excellente illustration de l’orientation positive du marché américain où le groupe a réalisé une croissance des ventes de 8% à taux de change constants, décembre dépassant même les 10% de hausse. L’enquête menée par The Mercury Project sur les ventes au détail de montres et bijoux aux Etats-Unis parle en effet d’une saison des fêtes particulièrement favorable pour les Maisons du secteur. « Au cours d’une année marquée par des inquiétudes concernant l’inflation, les hausses des taux d’intérêt comme de l’endettement des ménages, les consommateurs américains étaient de retour dans les boutiques de montres et bijoux au cours en fin d’année 2023, explique la société conseils. Pour le seul mois de décembre, les ventes ont augmenté de 5,6 % par rapport à l’année précédente, après une hausse de 3,1 % en novembre. Ces ventes durant les fêtes ont ainsi contribué à stimuler le dernier trimestre. »  Sur l’ensemble de l’année 2023, The Mercury Project donne les ventes au détail horlogères et joaillières en légère baisse de 2,2 % à $ 96 milliards, un résultat très proche des $ 99 milliards de 2022, année record.

Cartier 5ème Avenue © Harold Wainwright
Cartier 5e Avenue © Harold Wainwright

Pour illustrer son propos, The Mercury Projet cite également les résultats de Watches of Switzerland aux États-Unis, en hausse de 8% sur le dernier trimestre 2023, comme ceux Walmart, numéro deux du secteur dans le pays avec des ventes annuelles estimées à $ 3,3 milliards en 2022. De novembre 2023 à fin janvier 2024, Walmart est ainsi en hausse de 4% sur son chiffre d’affaires montres et bijoux. Ces excellentes dispositions d’un marché qui occupe à nouveau confortablement la première place dans le classement des destinations horlogères suisses est clairement incitatif en termes d’investissements. On ne compte plus les boutiques qui se sont ouvertes ces derniers mois au pays de l’oncle Sam, notamment à New York où tout le monde se précipite, à commencer par Cartier qui vient d’y ouvrir son troisième point de vente et Chanel qui a inauguré une boutique exclusivement horlogère et joaillière sur la 5e Avenue. Tous deux sont accompagnés par A. Lange & Söhne et Panerai désormais sur Madison Avenue, mais aussi par Breitling, IWC, Swarovski, Citizen… sans parler des travaux de rénovation chez Bucherer ou Tiffany. En cette année 2024, l’effervescence n’est pas uniquement électorale aux Etats-Unis.

Chanel_NY Flagship_Photo by Chanel
Boutique Chanel exclusivement horlogère et joaillière sur la 5e Avenue © Chanel