Interview de Patrik Hoffmann

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Interview with Patrik Hoffmann - Watch industry figures
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Nous avons rencontré le CEO d’Ulysse Nardin pour discuter de la nouvelle identité visuelle de la marque et de sa vision de l’avenir.

Pourquoi avez-vous rafraîchi l’identité visuelle de la marque cette année ?
Nous avons élaboré une feuille de route jusqu’en 2020 qui comprend, entre autres, une réduction du nombre de modèles de la collection et une nouvelle manière d’envisager nos piliers principaux. Avec tout cela, il devenait évident qu’une nouvelle stratégie de communication s’imposait également. Nous aurions dû le faire il y a longtemps.

Vous serez présents au SIHH l’an prochain. S’agit-il d’un bénéfice collatéral de la reprise par le groupe Kering ?
Non, ce n’est pas une décision de Kering. En fait, nous étions libres de décider si nous voulions changer pour le SIHH ou pas. Mais nous sommes ravis d’avoir l’occasion d’y aller avec Girard-Perregaux.

Pour vous, quels sont les avantages d’être présents au SIHH plutôt qu’à Baselworld ?
Baselworld a un peu changé. Je crois que le meilleur moyen de le décrire c’est qu’il y a un environnement « salon » au SIHH et un environnement « marché » à Baselworld. Cela nous donne une orientation, et nous nous retrouvons parmi une trentaine de marques plutôt que quelques centaines. Mais l’exclusivité du salon est aussi très importante. Je ne pense pas que cela se traduira immédiatement par une augmentation des ventes mais ce sera bénéfique sur le long terme, parce que c’est aussi un renforcement de notoriété. Pour nous c’est une démarche qualitative.

Sur une période de douze mois entre 2013 et 2014, vous avez lancé six nouveaux calibres maison, une véritable prouesse. Deviez-vous faire cela pour établir les fondements de la nouvelle identité de la marque ?
Non, c’était une coïncidence, ça s’est juste passé comme cela. Nous travaillions sur de nombreux mouvements à l’époque et il aurait été impossible de maintenir ce rythme. Nous avons décidé de devenir une manufacture aux alentours de 2003, donc c’est à ce moment-là que nous avons commencé le travail de développement. En 2011, nous avons lancé le calibre 118, le chronomètre de marine, qui est l’un de nos mouvements les plus importants en termes de volumes de production. Après cela, il devait y en avoir d’autres, mais il se trouve que tout s’est produit sur cette période de douze mois.

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Cela signifie-t-il que vous avez maintenant une solide gamme de calibres maison pour les prochaines années ?
Oui, cela signifie que nous lancerons de nouveaux mouvements au rythme de un par an ou tous les deux ans. Ce n’est pas nécessaire de lancer un tout nouveau mouvement chaque année. Je crois que ce serait erroné. Nous aurons peut-être un nouveau calibre à présenter, mais ce n’est pas forcément l’un de nos objectifs.

Vous avez réaménagé la collection autour de six piliers. Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui motivent cette décision ?
En fait, nous avons rationalisé la collection. Entre 2011 et 2015, nous avons divisé par deux le nombre de références. Et durant l’année écoulée, nous les avons encore réduites de moitié, alors on imagine aisément la quantité de références différentes que nous avions dans notre collection avant. Nous sommes là où nous le souhaitions en termes de catalogue de produits et nos collections sont planifiées jusqu’en 2020 avec le bon mélange de modèles actuels, d’élimination progressives et de nouveaux lancements.

"C’est une bonne et une mauvaise chose d’avoir trop de références et trop de collections différentes."

Mais j’imagine que diminuer le nombre de références ne signifie pas réduire également les volumes de production. D’où viendra la croissance ?
C’est à la fois une bonne et une mauvaise chose d’avoir trop de références et trop de collections différentes. Si on réduit le nombre de modèles différents, cela présente certains avantages, surtout au niveau de la logistique, du coût de production et même de la communication. Pour que la marque ait une identité claire, il faut proposer moins de références.

Ulysse Nardin permet à ses clients d’enregistrer et d’authentifier les montres sur son site internet. C’est un très gros plus pour le client, mais qu’est-ce que cela apporte à la marque ?
L’avantage principal est pour le client. Il y a quelques semaines, nous avons annoncé une nouvelle garantie de cinq ans sur nos montres. Normalement elles n’ont que deux ans de garantie, mais si le client enregistre sa montre, alors nous l’augmentons à cinq ans. C’est un énorme avantage pour le client et cela montre la confiance que nous avons dans notre qualité. Nous donnons même une garantie de dix ans sur tous les composants en silicium, parce que nous avons maintenant une expérience de 15 ans dans l’utilisation de composants en silicium. Cela nous permet également de mieux communiquer avec nos clients. Nous savons que nous avons de nombreux clients réguliers, fidèles à notre marque, et dans le monde d’aujourd’hui, il faut être proche de ses clients. Nous allons travailler encore davantage sur cet aspect. Cela ne signifie néanmoins pas que nous souhaitions contourner le détaillant indépendant. A nos yeux il est clairement le pivot de notre réseau de distribution.

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Le modèle Grand Deck Marine Tourbillon était l’un des temps forts horlogers de l’année 2016. Pouvez-vous nous expliquer comment cette idée singulière a surgi?
L’inspiration marine est évidente, naturellement, et je crois que le Grand Deck est un produit typiquement Ulysse Nardin de par sa différence et sa créativité. Personne ne s’attendait à quelque chose de ce genre à Baselworld. Nous y avons travaillé avec Christophe Claret et lorsque nous avons vu les systèmes de câbles pour la première fois, nous avons immédiatement pensé que cela pourrait nous servir pour les poulies. Il y a eu beaucoup de discussions entre le design et la fabrication du mouvement mais le développement ne nous a pas pris si longtemps, environ trois ans seulement, surtout grâce à notre relation historiquement solide avec Christophe Claret et son équipe.

Vous êtes impliqués dans la Coupe de l’America avec Artemis Racing. Quelle est l’importance de ce partenariat pour la visibilité de la marque mais aussi pour l’activation du sponsoring ?
C’est une magnifique plateforme. Il y a beaucoup de marques horlogères impliquées dans la Coupe de l’America, mais aucune comme Ulysse  Nardin ayant un rapport aussi étroit avec l’univers maritime. Artemis appartient à un homme d’affaires suédois qui vit à Genève et ce n’est qu’après avoir signé l’accord que nous avons découvert qu’il possédait plusieurs montres Ulysse Nardin. C’est la première fois qu’Ulysse Nardin s’engage dans un sponsoring aussi important et c’était fondamental pour moi de montrer aux collaborateurs ici en Suisse, ainsi qu’à nos partenaires détaillants dans le monde, que nous disposons de cette plateforme. C’est une façon de rassembler tout le monde au-delà de la simple promotion de belles montres.

Quelles sont vos perspectives pour 2017 ?
Si je disais que je prévois une croissance à deux chiffres, je crois que tout le monde éclaterait de rire. Pour Ulysse Nardin, il est essentiel d’avoir procédé à de nombreux ajustements sur la gamme de produits et sur la communication cette année, mais également sur l’organisation au niveau mondial. Donc nous sommes prêts à continuer à naviguer en pleine bourrasque et je crois que nous le faisons dans un bon état de santé. Nous sommes également prêts pour la reprise lorsqu’elle se produira, mais je ne pense pas que l’on puisse déterminer l’année ou le mois où cela va arriver. Ulysse Nardin existe sans interruption depuis 170 ans et, comme vous pouvez l’imaginer, a déjà traversé de nombreuses tempêtes.
Pour nous, le thème du SIHH 2017 sera la marine et l’innovation, et cela se verra clairement.

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