Interview de François-Henry Bennahmias

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Interview with François-Henry Bennahmias - Audemars Piguet
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A la tête d'Audemars Piguet, M. Bennahmias revient sur ces trois années passées, sur son produit phare Royal Oak et surtout, évoque le futur avec le sourire aux lèvres.

Lorsque vous êtes arrivé à la tête d'Audemars Piguet en 2012, qu'avez-vous trouvé et où se situe la société aujourd'hui ?
J'ai trouvé un paquet de talents, des gens brillants qui ne jouaient pas la même musique et pas la même partition. Qu'est-ce que j'en ai fait ? Je leur ai fait jouer la même musique et la même partition. Cela veut dire réaligner la stratégie d'Audemars Piguet. D’où venons-nous, que voulons-nous faire et en combien de temps voulons-nous le faire ? Aujourd'hui, il n'y a pas un employé d'Audemars Piguet qui ignore les réponses, pour au moins dix ans, jusqu'aux femmes de ménage.

L'horizon fixé est de dix ans et on en est à la troisième année. Ça avance au rythme prévu ?
On est un peu en avance. Nous avons passé le cap des 40’000 montres et des 800 millions de francs de chiffre d'affaires.

Comment avez-vous réussi à progresser dans un environnement difficile et en particulier sur l’un de vos plus gros marchés, les États-Unis (NDLR : dont M. Bennahmias était le responsable avant de prendre la tête de la marque) ?
Ce marché n'a pas été tant déprimé ces dernières années. Mais en 2008-2009, quand toute l'industrie a plongé, nous étions prêts. Dans ce métier, peu de choses comptent : la parole donnée, le niveau des stocks et leur rotation. En 2008, notre stock était bas. Donc il a tourné plus facilement et Audemars Piguet est restée une marque qui se vend. Et en gardant des stocks limités, nous avons évité que nos détaillants discountent.

Donc vous avez planifié la rareté pour éviter le discount ?
Toujours, mais cet exercice, je le pratique tous les jours. Chaque week-end depuis 16 ans, je vérifie notre stock, pièce par pièce, sur l'ensemble de nos 137 références.

En termes de produit, il y a eu un arrêt des lancements de pièces à complication innovantes autour de 2012. Pourquoi avez-vous pris cette décision ?
Il y a eu arrêt jusqu'à l'année dernière. Mais nous ne pouvions pas faire les bons lancements. Nos produits en préparation n'étaient pas adaptés pour faire du bruit. Donc nous avons écarté une partie des développements et nous nous sommes concentrés sur quelques-uns, sur ce que nous savons bien faire. Mais ça ne nous a pas empêché d'affiner les collections, diminuer le nombre de références, améliorer la productivité de ces références. Sans avoir lancé de produits extraordinaires, nous avons amélioré nos résultats avec nos détaillants en perfectionnant la qualité de la production. Aujourd'hui nous sommes à 40’000 pièces et nous allons bloquer les volumes à ce niveau, le temps qu'il faut.

Le temps qu'il faut pour quoi faire ?
Pour inverser les proportions des ventes entre détaillants et boutiques Audemars Piguet. Nous allons en faire cent et nous sommes déjà à 41. Parmi les cent, une soixantaine sera à nous et le reste passera par des partenariats avec des détaillants.

A propos des gammes. Que faites-vous des collections qui ne sont pas les Royal Oak, comme les Jules Audemars ?
On est en train de tranquillement arrêter. Nous préparons le lancement d'une nouvelle montre ronde. Je laisse donc partir les Jules Audemars qui sont en boutique, parce que ce sont des vases communicants.

«Royal Oak nous permet de passer à travers les orages»

La Royal Oak est fondamentale pour Audemars Piguet. Mais n'est-ce pas dangereux de se reposer autant sur un seul modèle ?
Cette dépendance stratégique est en réalité ce qui nous permet de grandir. Parce qu'elle nous permet de passer à travers les orages avec aisance. Heureusement que nous l'avons! Ce modèle est reconnaissable par tous, copié et en plus nous avons réussi à nous ouvrir un nouveau marché, celui de la montre tout or à nos niveaux de gamme. Nous avons acquis notre position en baissant nos prix, au SIHH 2013. A l'arrivée, ça a non seulement marché mais nous avons quadruplé nos ventes de montres tout or alors que tout le marché baisse ses niveaux de prix. Nous faisons complètement l'inverse. Nous prenons ce pari stratégique parce que nous avons Royal Oak. Il y a un risque sur la durée, certes, mais il est très faible au regard des bénéfices...

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Dans le domaine de la haute joaillerie, vous lancez une montre dingue, la Diamond Fury. Allez-vous multiplier les lancements ? Créer des modèles moins exclusifs ?
Si vous trouvez que la que la Fury est dingue, attendez de voir ce que nous ferons l'année prochaine ! On ne s'est pas encore complètement lâché... Déjà nous avions vendu 5 Diamond Punk, notre modèle de 2015. Et nous sommes déjà vus comme une marque créatrice. Nous sommes en train de regarder comment exploiter le concept dans des zones de prix différentes.

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Vous avez été attaqué de front par Richard Mille d'un côté et Hublot de l'autre. Quelle est votre réponse produit à ces deux marques ?
Nous n'avons pas perdu tant de terrain que cela sur les pièces à complications, malgré la pause dans les lancements. Richard Mille est vite sur des créneaux de prix au-delà des 700’000 Frs, que nous n'atteignons pas. Et son succès est une bonne nouvelle pour tout le monde. D'autre part, la concurrence ne se présente pas comme ça. Aujourd'hui, c'est une autre marque bien plus classique qui domine le segment des pièces très compliquées. Au final qu'est-ce qui va compter ? L'arrivée de clients bien plus jeunes, entre 25 et 35 ans et c'est assez impressionnant d'ailleurs. Notre mission est de revenir à ce qu'on sait faire, surprendre, briser les codes. Et là, c'est aux autres de faire attention à ce que nous allons proposer ! Un des thèmes de nos séminaires est « The Force Awakens » donc nous sommes confiants sur le bruit que nous allons faire.

Un de vos lancements phare est la Royal Oak Concept Supersonnerie, qui est un développement important sur vos montres à répétition minutes. Comment se passent les ventes ?
Nous allons en produire 50 dont 30 la première année. Nos boutiques ont déjà des précommandes pour 30 pièces. On parle d'un modèle à 520 000 Frs hors taxes...

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