Les défis du troisième centenaire

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Les défis du troisième centenaire - A. Lange & Söhne
Des pièces d’excellence, mais longues à fabriquer. Une géopolitique commerciale en plein changement. Une nouvelle manufacture mais un recrutement qualifié toujours sensible. Si A. Lange & Söhne conclut brillamment l’année de son bicentenaire, le suivant s’ouvre néanmoins sur certains défis.

A. Lange & Söhne vit une période faste : l'année des 200 ans qui se termine, Watches & Wonders qui approche, des nouveaux modèles pour l'occasion, fraîchement sortis d'une manufacture qui ne l'est pas moins, à peine inaugurée par Mme Angela Merkel, accompagnée de M. Johann Rupert. Jamais la petite ville de Glashütte n'avait connue pareille ferveur horlogère. Et pourtant...

Où sont passé les BRIC ?
Côté marché, le responsable de l'Europe de l'Ouest, Jacques Thomas, reste prudent. "Tout le monde recherche les prochains relais de croissance depuis que l'on a compris qu'ils ne s'appellent plus BRIC", souligne-t-il. "Paradoxalement, en Europe, le rebond vient de deux marchés qui reviennent de loin : la France et l’Espagne".

Ces deux états dans le palmarès des ventes européennes A. Lange & Söhne ne doivent rien au hasard. La France est encore et toujours la première destination touristique au monde. Ce n'est donc pas la clientèle locale qui fait les ventes, mais celle de passage, notamment chinoise, "bien que l'on voit leur pouvoir d'achat s'éroder, d'environ 3%", tempère Jacques Thomas. "Rien de critique, mais cela reste un indicateur que nous surveillons". La bonne performance de l'Espagne semble elle aussi due à sa clientèle touristique. Elle n’est donc pas endémique, mais mieux positionnée que celle de la Suisse ou du Royaume-Uni, affaiblis par la vigueur de leur devise nationale.

Les défis du troisième centenaire

Incompressibles délais de livraison
Reste que ces marchés restent tous soumis au même problème du délai de livraison. "C'est sûr, la gestion des stocks n'est pas notre principale préoccupation", sourit Jacques Thomas. La touche est habile mais élude le problème de fond : la manufacture dépasse parfois ses délais annoncés, dans des proportions qui vont crescendo à mesure que les pièces se compliquent. Selon Jacques Thomas, ces modèles de haut vol représenteraient 30% des pièces livrées. "La plupart des marques en sortie de SIHH, à partir d'un certain niveau de complication, alignent huit à douze mois de délai de livraison", esquive Jacques Thomas. Le sujet reste sensible.

Pour autant, la nouvelle manufacture devrait résorber certains délais. Plus moderne, elle est porteuse d'une organisation optimisée du travail. Les trois anciens bâtiments sont réunis sous un seul toit, les espaces sont plus grands, pouvant théoriquement accueillir de nouveaux talents. Mais en réalité, c'est véritablement ce dernier point qui aiguillonne A. Lange & Söhne : les ressources humaines horlogères.

Les défis du troisième centenaire

La main d’œuvre qualifiée, talon d’Achille d’une manufacture excentrée
Sur ce sujet, Jacques Thomas rejoint l'estimation partagée par la communauté des marques : "un bon horloger, c'est dix ans de pratique". Et la manufacture a beau avoir sa propre école, qui forme chaque année une douzaine de jeunes horlogers, ils ne peuvent acquérir d'expérience plus vite que le cours du temps. Sans compter que les usages en vigueur chez A. Lange & Söhne requièrent une formation bien spécifique à l'horlogerie allemande et que, au final, retenir durablement les talents dans la banlieue de Dresde est une gageure.

Nombre d'entre eux migrent donc à Genève ou en Vallée, avec un emploi garanti et un cadre de vie jugé moins austère. Dans ces conditions, la manufacture peine à trouver, former et surtout retenir des horlogers dûment qualifiés à son niveau. Et donc à réduire ses délais de livraison. Au final, si la maison valorise autant le travail de la main de l’homme, elle n’en renierait pas quelques paires de plus.

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