Manuel Emch à la barre

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L'ancien CEO de Jaquet Droz dirigera la marque dès le 1er janvier prochain. Il poursuivra le concept des légendes et devra assurer un développement continu du chiffre d'affaires.

C'est officiel depuis aujourd'hui, Manuel Emch, 37 ans, ex-Jaquet Droz, sera le nouveau CEO de RJ Watches à compter du 1er janvier 2010. Reprendre Romain Jerome, porté par le succès fulgurant de la Titanic, est sans doute l'un des paris les plus intéressants du microcosme horloger. L'un des plus risqués aussi, car la jeune marque, fondée en 2004, devra se remettre du limogeage brutal de sa direction, au début de l'été, situation que François Tissot, s'exprimant pour le conseil d'administration, na pas hésité à qualifier de «cataclysme».

Malgré les questions, François Tissot n'a donné aucun autre détail sur les différentes procédures en cours entre la société et celui qui en était le moteur, son ex-CEO Yvan Arpa, dont le nom n'a même pas été prononcé.

Il a par contre procédé à un rapide état des lieux d'entrée. Manuel Emch trouvera donc, d'ici à quelques semaines, une société «qui ne va pas mal», dont le carnet de commandes est «assez garni», et dont les livraisons sont qualifiées de «régulières». Bref, une société en ordre de marche, qui travaille d'ores et déjà sur ses nouvelles collections, et affirme avoir subi une baisse de volume «moins importante que la moyenne de l'industrie.»

Ce contexte un peu particulier n'effraie pas Manuel Emch. Après huit ans passés chez Jaquet Droz, il a envie d'une nouvelle aventure, et en profite pour mettre une dernière fois les points sur les i: «C'est moi qui ai démissionné du Swatch Group», affirme-t-il pour lever toute ambiguïté. «Ce qui m'intéresse, c'est de développer des concepts, et je trouve chez Romain Jérôme une base sur laquelle m'exprimer.»

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Le concept des légendes, sur lequel est bâtie la marque, n'est pas remis en cause. Après l'incontestable succès de la Titanic, et celui un peu plus mitigé de la Moon Dust, de nouvelles idées verront le jour. Lesquelles? Manuel Emch n'écarte pour l'instant aucune piste. «On parle aujourd'hui de légendes concrètes, mais on peut imaginer des légendes plus philosophiques.» Voire des légendes régionales, conçues pour un pays ou un segment spécifiques. Et pourquoi pas une légende féminine, qui permettrait de toucher cette clientèle en partant de quelque chose qui lui est propre, au lieu d'être condamné, comme tant d'autres marques, à féminiser un modèle masculin.

Bref, les projets ne manquent pas, et sont sans doute à la mesure des espoirs de la marque, dont le conseil d'administration attend «un développement continu et assez important». «Romain jerome mérite sans doute de doubler, de tripler, voire de quadrupler son chiffre d'affaires», indique François Tissot. Cela passera par les nouvelles collections, mais aussi par un travail sur le réseau de détaillants, avec une attention particulière portée au marché asiatique.

Manuel Emch est certainement de taille à relever le défi. Formé tant au design qu'à la gestion d'entreprise, fort de son passage au sein de la Direction générale élargie du Swatch Group, il a toutes les qualités requises. Son goût pour les concepts et son talent dans le marketing, tous deux démontrés récemment avec l'incroyable machine à écrire le temps de Jaquet Droz, en font un successeur plus que crédible d'Yvan Arpa. Il ne compte pourtant pas céder aux sirènes de la starification, et incarner la marque à lui tout seul: «Je me suis toujours considéré comme un coureur, passant le témoin dans un relai. La superpersonnalisation au sein des marques est dangereuse pour la société, et ne reflète pas le travail d'équipe qui s'accomplit.»

Manuel Emch quitte donc Neuchâtel pour Genève, où il reconnaît que «la qualité de vie n'est pas inintéressante». Et profitera de ce déménagement pour mener à bien un projet plus personnel cette fois, une galerie d'art qui pourrait voir le jour au bout du lac, en 2010 ou 2011.