Jérôme Toret, l'artiste des montres

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A Paris, l'artiste Jérôme Toret travaille depuis plus de 10 ans sur la thématique du temps. Il réalise notamment d'immenses tableaux de montres pour Piaget.

WORLDTEMPUS - 11 janvier 2010

Paul Miquel


Dehors, une fine pellicule de neige recouvre le trottoir. A l'intérieur, un maigre convecteur tente – en vain – de réchauffer l'atelier. Nous sommes au Kremlin-Bicêtre, dans la banlieue sud de Paris. C'est ici, dans ce studio de création un peu suranné, que Jérôme Toret travaille. Cheveux en pétard, barbe en bataille, gros pull en laine et pantalon moucheté de flocons de peinture, ce Bourguignon de 39 ans nous ouvre les portes de son repaire parisien. La poignée de main est généreuse, franche. Sur les murs, on trouve des toiles abstraites comme ce tableau appelé «Cœur en putréfaction», qui a d'ailleurs obtenu le Prix Renée-Béjà de la Fondation Taylor au Salon d'automne 2009 de Paris, ou ces belles planches de dessins oniriques représentant des triptyques de coléoptères.

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Il y a aussi – et surtout – des toiles travaillées à la mine de plomb et à la feuille d'or représentant des calibres, des cadrans et des études macroscopiques affichant des détails de pignons ou de roue d'échappement. Un point commun: toutes ces œuvres sont des montres de la manufacture Piaget qui collabore avec ce plasticien français depuis septembre 2006. Aujourd'hui, les toiles signées Jérôme Toret ornent les murs des deux sites de la manufacture et de certaines boutiques, dont celle de la rue du Rhône, à Genève. Le stand Piaget du SIHH profite aussi des créations de Jérôme Toret.

Sauvé par Piaget

«Je travaille sur le temps depuis la fin des années 90, raconte Jérôme Toret. J'avais réalisé des œuvres et publié un livre sur les neuf états du temps: le temps lunaire, le temps poétique, le temps musical. Cette première recherche m'a alors poussé à réfléchir à la représentation du temps mécanique de nos horloges et de nos machines avant d'aborder des thématiques picturales plus profondes sur le temps philosophique et les horloges imaginaires.» En 2006, pourtant, Jérôme Toret songe à fermer son atelier. «A l'époque, j'étais dans le rouge, je bouffais du chien enragé, se souvient-il. J'avais commencé à suivre des cours du soir de gestion pour retrouver un poste de directeur artistique dans une entreprise.» C'est à ce moment-là que ce plasticien touche-à-tout, ancien élève de la prestigieuse Ecole supérieure de design industriel - ESDI-, est contacté par les dirigeants de Piaget qui lui commandent des «portraits» de leurs montres. Le courant passe immédiatement entre les deux parties. Dans la foulée, Jérôme Toret rouvre son atelier et retrousse ses manches.

Créer un lien d'intimité

«La maison Piaget a joué le rôle du protecteur des arts en instaurant un vrai dialogue avec moi, note-t-il. C'est une aventure humaine et artistique enthousiasmante.» Concrètement, Jérôme Toret a aujourd'hui réalisé une quarantaine de tableaux pour Piaget, représentant des montres et des mouvements; chaque toile de 120 cm x 120 cm demandant entre 80 et 400 heures de travail. Pour les créer, il agrandit des tirages photos. Puis, il retranscrit sur la toile ce qu'il voit en étudiant scrupuleusement les détails de chaque pièce pour injecter la juste dose d'esthétisme dans les rapports géométriques existant dans les cadrans et les calibres. «Sur le plan artistique, mon propos n'est pas technique, glisse-t-il. J'essaie de créer un lien d'intimité entre l'objet, l'œuvre, la discipline et l'œil de l'observateur.» Jérôme Toret a brossé le portrait de chaque modèle signé Piaget. Son rêve? Monter une exposition d'ici à dix-huit mois pour retracer cet impressionnant parcours pictural à travers le temps.

Informations: http://www.jerometoret.com
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