Un homme d'affaires amoureux du Beau

Image
Un homme d'affaires amoureux du Beau - Mouawad Genève
Si pour lui tout a un prix, sauf l'amour porté au Créateur, la véritable richesse est celle qui résulte de la fusion des dons de la nature avec la dextérité humaine.

Si pour lui tout a un prix, sauf l'amour porté au Créateur, la véritable richesse est celle qui résulte de la fusion des dons de la nature avec la dextérité humaine.

 

 

Il s'envole demain matin pour Bruxelles, avec pour tout bagage un écrin fait sur mesure. Un écrin qu'il conserve pour l'heure dans le vaste salon de son appartement genevois. Robert Mouawad l'ouvre délicatement et nous en révèle le contenu: la maquette en cire bleue d'une extraordinaire parure qu'il doit présenter à une princesse saoudienne. Chaque pierre, chaque détail, y sont minutieusement reproduits. Les diamants n'attendent plus que l'accord de la princesse pour prendre leur place définitive. Né au Liban où il a passé une grande partie de son enfance, français de coeur et – depuis quelques années – de passeport, Robert Mouawad a longuement travaillé en Arabie Saoudite. Un pays qu'il avait rejoint pour épauler son père, et où ses affaires l'appellent toujours. Le groupe qu'il dirige est déjà plus que centenaire.
Son histoire plonge jusqu'au coeur de Beyrouth, dans cette première boutique qu'avait ouverte son grand-père en 1890. Et la génération suivante est déjà à l'oeuvre, son fils Alain à Genève, Fred et Pascal entre New York, Los Angeles, Londres et Bangkok. Des résidences à Djeddah, Bahrein, Beyrouth, et ailleurs, Robert Mouawad vit un peu partout, y compris à Genève, environ cinq semaines par an. Il aime cette ville et s'attarde sur son importance toujours croissante pour la joaillerie: «Genève est probablement l'une des meilleures places au monde pour acheter des bijoux», commente-t-il d'une voix experte qu'arrondit le reste chaleureux d'un accent oriental.
Collectionneur passionné, il dit pourtant avoir perdu ce hobby. «Je vois ces objets que j'ai adorés devenir peu à peu étrangers, parce qu'ils m'attendent dans un lieu où je ne vis pas; je ressens même une certaine animosité de leur part.»

Il a vendu le plus beau diamant du monde

Début septembre, sa photo a fait le tour des médias de la planète. Il venait de vendre «the Star of Stanley Ho», le plus gros diamant sans inclusions du monde, une pierre exceptionnelle de plus de 218 carats. «Pureté, taille, couleur, c'est la plus belle pierre du monde.» Un diamant absolument unique. «La nature créera peut-être une autre pierre comme celle-là, mais en quarante- trois ans d'activité, je n'en ai jamais vu d'aussi belle.» A 62 ans, il cultive une élégante discrétion. Son empire, certes est connu: de la joaillerie à l'immobilier, de l'hôtellerie à la décoration d'intérieur, il emploie 1300 personnes de par le monde. Et le magazine Bilan estimait récemment la fortune de sa famille entre 1 et 1,5 milliard de francs. L'homme n'aime pourtant pas parler de lui-même: «Je ne suis pas un superman, même si, à force de travail, et grâce aux circonstances, j'ai connu le succès.» «Travail». Le mot est lâché, il reviendra, adossé à cet autre, «devoir», à d'innombrables reprises au fil de la conversation. «Pour moi, le travail est sacré. Sans travail, l'homme ne serait qu'un animal.» Robert Mouawad travaille donc, exigeant avec les autres comme avec luimême. «On me prête mauvais caractère à cause de cela.» Il prend chaque année un mois et demi de vacances, mais c'est ce qu'il appelle un «repos professionnel», au cours duquel il consacre au moins huit heures par jour à ses diverses activités. «Il est clair que lorsqu'on travaille ainsi toute sa vie, le moteur s'use prématurément, mais tant que Dieu me prêtera vie, je continuerai sans m'arrêter.» Même l'opération à coeur ouvert, subie il y a quelques années, ne l'a pas freiné.Le travail n'est pourtant pas sa seule motivation. Il en est une autre, essentielle: sa quête du beau. «Je recherche la beauté dans la rareté». Une beauté qui marie les dons de la nature - les matières rares, le corail, l'ivoire - et la dextérité humaine. C'est de l'amalgame entre les deux que naissent les véritables chefs-d'oeuvre. «A l'état brut, un galet est plus beau qu'un diamant; il est doux, poli au cours de millions d'années. C'est l'homme qui révèle, en le taillant, la beauté du diamant.» Le travail, la beauté, et l'argent aussi. «C'est le moteur de tout. Sans argent rien ne se fait. Si je n'avais pas besoin d'argent, je ne vendrais jamais ce que j'ai acquis. Mais on a toujours besoin d'argent, quel que soit son niveau de richesse, si l'on veut accéder à un palier supérieur.» Alors Robert Mouawad se sépare de l'une ou l'autre des pièces de ses collections. «L'objet que j'aime le moins sera sacrifié sur l'autel des nouvelles
acquisitions.»

Créer une société… quoi de plus simple?

Juste avant le dîner au cours duquel il nous accueille, il a conclu une nouvelle affaire. Pour quelques dizaines de millions, l'homme a acheté un nouvel avion. Dans la foulée et licence en poche, il a créé une compagnie de location, histoire que son patrimoine ne dorme pas inutilement en l'attendant, sur les tarmacs d'Europe ou du Moyen- Orient. Ce n'est évidemment pas son métier. Il a fait cela presque en passant. Parce qu'il est avant tout commerçant. C'est ce qui lui fait dire que tout a un prix, ou au moins une valeur. «Ce n'est pas une vision mercantile, mais je pourrais mettre une valeur même sur l'affection que l'on a pour ses proches. Seul l'amour infini, celui que l'on porte au Créateur, n'a pas de prix.» Catholique maronite, Robert Mouawad est croyant et se rend à l'église «lorsque je suis en Europe le dimanche», même si «ce qui prime, ce sont mes affaires». Il apprend, se cultive, aime écrire, a lu quantité de livres, certains à plusieurs reprises: Les misérables, Le Vieil Homme et la mer. Et Les Fables de La Fontaine. Son goût pour la culture et le mécénat a d'ailleurs trouvé une illustration concrète: le «Robert Mouawad Private Museum». Un musée ouvert au public qu'il a installé dans un ancien palais de Beyrouth, racheté voici une quinzaine d'années, et où se côtoient des pièces issues de toutes les cultures qui se sont succédées au Liban.

 

 

Marque