Un sujet hors l’eau !

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Un sujet hors l’eau ! - Etanchéité
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Alors que beaux jours et baignades se profilent, l’étanchéité devient un critère déterminant dans le choix d’une pièce. Pourtant, de nombreuses idées reçues restent à abattre à son sujet.



L’étanchéité est, fondamentalement, un principe physique. En horlogerie, elle devient une qualité technique. Prise en défaut, elle se transforme rapidement en cauchemar pour le SAV !
Malheureusement, elle véhicule un certain nombre d’idées reçues. Comprendre ce qu’est l’étanchéité, en horlogerie, c’est donc d’abord rétablir un certain nombre de vérités.

Cinq croyances populaires sur l’étanchéité

En premier lieu, l’étanchéité n’est pas la capacité d’une pièce à résister à l’invasion de l’eau, mais à pouvoir supporter une pression. Elle peut provenir de l’eau mais aussi être atmosphérique : c’est le cas d’une montre d’un pilote de course qui doit encaisser un certain nombre de « G » lors d’une violente décélération. Ce phénomène peut aussi mettre à mal l’étanchéité d’une montre, même s’il n’y a pas d’eau en jeu.
 

L’étanchéité ne dépend pas de la profondeur.

Ensuite, s’il y a de multiples unités en circulation, elles sont pour la plupart équivalentes : 1 bar = 1 atmosphère = 1 kg/force/cm². Aussi, une résistance de 50 mètres est strictement équivalente à une résistance de 5 atmosphères (ATM).
Conséquence et autre idée reçue : l’étanchéité de la montre ne dépend absolument pas de la profondeur où ont lieu les activités ! La raison est très simple mais souvent tue par les constructeurs : à l’air libre, à la surface de l’eau, la pression atmosphérique est de 1. Donc à 10 mètres de profondeur, elle est de 2 : la pression atmosphérique de base, 1, ajoutée de la pression exercée par les 10 mètres de profondeur. En somme, une montre 1 ATM est tout juste bonne...à rester au sec.

Autre croyance : la formation de condensation serait moins grave que la voie d’eau. C’est tout l’inverse : la condensation est plus durable, potentiellement plus récurrente, et peut mettre nettement plus de temps à s’évacuer.
Par ailleurs, autre idée reçue, les joints qui assurent l’étanchéité d’une montre sont bel et bien étanches à l’eau à l’état liquide...mais pas à l’air. Une montre laissera presque toujours passer l’air. Or l’air comporte de l’eau sous forme gazeuse (H2O), et donc laissera toujours passer de l’humidité. C’est pourquoi l’on peut trouver de la condensation dans une montre... étanche.

La question que l’on est en droit de se poser est alors la suivante : comment une montre qui laisse passer de l’air ne laisse-t-elle pas passer de l’eau de mer ? La réponse tient, à nouveau, au principe de pression : lors d’une plongée en mer, la montre est soumise à la pression de l’eau sur toute sa surface. Le joint se comprime, devient plus dense, et donc empêche l’eau de passer. Au retour en surface, la montre est libérée de sa pression, le joint se dilate de nouveau et laisse passer un peu d’air.
 



L’étanchéité, cela s’entretient !

Deux normes ISO encadrent strictement le principe d’étanchéité (2281 et 6425). Elles définissent ce qu’est une montre simplement étanche et, au-delà, une véritable montre de plongée.

Pourtant, les qualités techniques testées par ces normes reposent sur des composants (bague, couronne, joints, etc.) qui s’altèrent avec le temps. L’étanchéité restera donc garantie par le bon entretien de sa montre auprès de son horloger... mais pas seulement.

En effet, l’usage que l’on fait d’une montre étanche est déterminant. Exemple : une montre faiblement résistante (5 ATM) pourra sans problème survivre à une brasse en eau de mer... mais pas au plongeon ! Motif : si la brasse immergée de quelques centimètres fait peser une pression tout à fait acceptable sur la montre, l’immersion par plongeon va créer, durant la seconde de traversée de la surface de l’eau, une pression infiniment plus grande qui va anéantir l’étanchéité de la montre ! Conclusion : si l’on veut absolument nager avec sa montre 5 ATM, mieux vaut se la faire jeter une fois dans l’eau.
 

 

Une montre se rince et se sèche, en toutes circonstances.

C’est grave, docteur ?

Peut-on récupérer une montre endommagée par l’eau ?
Une immersion fatale suit les mêmes règles qu’un accident de baignade : on peut attendre les secours (son horloger), mais les premiers soins apportés par le propriétaire sont déterminants pour la survie de la pièce.
Pour le cas de la condensation (formation de buée sur le verre), le premier réflexe est de retirer sa montre et de l’isoler dans un lieu sec. Grave erreur : la condensation se forme à cause de l’écart entre la température extérieure et celle qui règne dans la montre, sous son verre. Après un bain de mer, vous prenez un bain de soleil et constatez la formation de condensation ? Ne retirez surtout pas votre montre : c’est la chaleur dégagée par votre poignet qui va progressivement ‘réchauffer’ le mouvement qui a été refroidi par l’eau et remettre l’ensemble à température homogène.
Autre règle méconnue : si l’eau est entrée dans la montre par une couronne mal vissée, il ne faut surtout pas tenter de la remettre en place une fois au sec. La plupart des couronnes possèdent en effet un système de joints qui peuvent avoir limité les dégâts et retenu, malgré tout, un peu d’eau. Actionner ces couronnes reviendrait à ‘pousser’ l’eau retenue au sein du mouvement.

Ces règles post-traumatiques n’empêchent pas l’action préventive : une montre se rince et se sèche, en toutes circonstances. Par ailleurs, une montre s’entretient : la graisse silicone perd ses propriétés, la couronne peut prendre du jeu, etc.
 

 



Chirurgie horlogère

Si l’eau est malgré tout entrée dans le mouvement, la situation est délicate. « Naturellement, ce sont surtout les composants en acier qui seront les plus touchés : ils vont rouiller », explique un responsable SAV multi-marques. « Mais le seront également toutes les pièces en alliages divers dont l’acier est un composant. A cela s’ajoute le cas des pièces non concernées par la rouille (or, nickel, silicon, Nivarox, Glucyder, etc.), mais qui sont tenues ou liées par un composant en acier. La rouille de ce dernier, en contact physique avec elles, va les affecter. Par exemple, une vis en acier tenant un pont en rhodium ».

En somme, les composants du mouvement ne réagiront pas de la même manière : « Les cadrans peints ou laqués, c’est difficilement récupérable et parmi les pièces les plus chères à remplacer », poursuit ce spécialiste. « L’émail, les métaux précieux, les aiguilles en or, s’en sortent en général bien. A l’inverse, les matières luminescentes rendent en général l’âme ». A bon entendeur...