La Révolution Silicium : Partie 1

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The Silicon Revolution: Part 1  - 20 Years of Watchmaking
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Invisible mais essentiel. Le silicium est la révolution horlogère la plus silencieuse des 20 dernières années. Dans le même temps, celle dont l’industrie ne pourrait plus se passer, au risque de renvoyer l’organe réglant au temps de la préhistoire. Comment ce matériau, si commun et abondant sur Terre, est-il devenu l’un des piliers de la précision du XXIE siècle ?*

Après avoir retourné dans tous les sens le tableau de Mendeleïev, les horlogers estiment que c’est sur la case 14, estampillée « Si », qu’il faut tout miser. C’est le silicium. Pourquoi ? Parce que ce matériau est léger, résistant, amagnétique, moins sensible aux variations de température. De plus, ses procédés de fabrication permettent la production de composants de formes très complexes.

Une paternité partagée

En mars 2001, Ulysse Nardin présente une montre révolutionnaire – la Freak – équipée de roues en silicium (des variantes postérieures incluent des versions en silicium recouvert de diamant et en diamant massif), émanant des recherches conduites par Ludwig Oechslin et le CSEM (Centre suisse d’électronique et de microtechnique). Si les résultats obtenus ne sont pas encore suffisamment avancés pour appliquer le matériau aux organes flexibles (le cœfficient thermoélastique du silicium seul ne permettant pas à un spiral d’opérer dans les tolérances chronométriques requises), ils intéressent néanmoins Patek Philippe, Rolex et le Swatch Group. Tous ont compris que le silicium était un pas de géant pour l’horlogerie. Dès lors, ce trio alloue des fonds au CESM, pour des travaux approfondis qui finissent par accoucher d’un matériau enfin satisfaisant: le Silinvar, pour « silicium invariable », en référence au fameux Invar de CharlesEdouard Guillaume.

La Révolution Silicium : Partie 1

Après que les membres de ce consortium Silinvar (Patek Philippe, Rolex et le Swatch Group) eurent travaillé ensemble par l’intermédiaire du CSEM et de leur côté pour atteindre des résultats prometteurs, Patek Philippe et le Swatch Group (via Breguet) ont introduit les premiers garde-temps équipés de spiraux en silicium en 2006.

La Révolution Silicium : Partie 1

Le spiral Spiromax de Patek Philippe, présenté en 2006, fût suivi en 2008 d’un nouvel échappement Pulsomax à ancre et roue d’ancre optimisées. Complétées en 2011 par le GyromaxSi, une évolution à base de silicium de leur fameux balancier inertiel Gyromax, ces innovations majeures sont regroupées sous un concept commun d’échappement de nouvelle génération: l’Oscillomax, pierre angulaire du Patek Philippe Advanced Research.

En 2006, Breguet a présenté trois composants en silicium (roue d’échappement, ancre et spiral) dans la Classique 5197 équipée du calibre 591A.

La Révolution Silicium : Partie 1

Chez Omega, le spiral en silicium est apparu en 2008. Une démarche similaire a été engagée chez Rolex. La marque à la couronne a développé son propre spiral Syloxi, un composite de silicium et d’oxyde de silicium (d’où le nom Syloxi), dont les caractéristiques thermo-compensatrices et paramagnétiques lui permettent de garder sa précision face aux variations de température et aux perturbations magnétiques. Le spiral Syloxi a été introduit en 2014 sur le calibre 2236.

Collision de brevets

Toutefois, le trio n’était pas seul à travailler dans cette direction. Ulysse Nardin s’est rapprochée d’un partenaire existant, Mimotec, pour créer en 2006 la joint-venture Sigatec, petite entreprise discrète sise à Sion (VS), spécialisée dans la conception et la fabrication de composants en silicium. Ulysse Nardin s’assurait alors son indépendance d’approvisionnement dans ce matériau qui, comme elle le pressentait, allait devenir un élément structurant de l’horlogerie du XXIe siècle. Seulement, Sigatec a elle aussi déposé de nombreux brevets, en association avec Ulysse Nardin. Même matériau de base (le silicium), même objet de recherche (l’organe réglant), même timing : la collision juridique de brevets était inévitable. Elle allait opposer le duo Sigatec /Ulysse Nardin au trio Patek Philippe / Rolex / Swatch Group. La querelle de brevets a duré plus de trois ans. Pour une fois, elle s’est soldée en 2013 par la considération de l’intérêt commun. L’accord qui réunit les cinq parties s’appelle cross licencing et ouvre les brevets de chacun au profit de la recherche de tous.

La Révolution Silicium : Partie 1

*À l’occasion du 20ème anniversaire de GMT Magazine et de WorldTempus, nous nous sommes lancés dans le projet ambitieux de résumer les 20 dernières années en horlogerie dans The Millennium Watch Book, un grand et beau livre magnifiquement illustré. Cet article en est un extrait. The Millennium Watch Book est disponible sur www.the-watch-book.com, en français et en anglais, avec une remise de 10% en utilisant le code WT2021

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