Max Büsser, Genevois et créateur horloger de l'extrême

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A la tête des montres Harry Winston, le jeune homme lâche en 2005 sonconfortable fauteuil de PDG pour créer sa propre marque trèsconfidentielle. Parcours d'un combattant.
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© Steeve Iuncker Gomez / A 40 ans, Maximilian Büsser, fondateur de MB & F, jouit déjà d'une longue expérience en matière d'horlogerie.Maximilian Büsser a juste 40 ans et pourtant, son parcoursprofessionnel pourrait faire pâlir plus d'un senior: responsableproduits chez Jaeger-LeCoultre, directeur général des montres HarryWinston, le Genevois vogue de succès en succès depuis sa sortie del'EPFL.Oui, mais voilà: Max Büsser est un passionné d'horlogerie, un peu fou selon ses dires, mais qui croit en ses rêves. Aussi, lorsque cet ingénieur en microtechnique devenu p.-d.-g à 31 ans décide de tout plaquer pour créer sa propre marque horlogère anticonformiste, peu sont ceux qui présument de son succès.

Deux ans plus tard, la marque confidentielle MB & F, qui vient de créer son deuxième modèle, affiche une solide implantation sur le terrain des grandes complications horlogères et conquiert petit à petit le marché de niche des collectionneurs de montres hors du commun.

Concept révolutionnaire


Retour sur un parcours de combattant. Travailleur acharné, Max Büsser peut se prévaloir d'avoir contribué à bousculer les traditions de l'industrie horlogère. Son expérience, c'est aux côtés d'Henry John Belmont - l'homme qui a présidé à la renaissance de la manufacture Jaeger-LeCoultre dans les années 90 - qu'il l'a acquise. «Nous travaillions constamment, c'était une période extraordinaire», confie-t-il. Fort de ce prestigieux bagage professionnel, le Genevois est contacté en 1998 par le joaillier Harry Winston qui lui confie une mission des plus délicates: donner à l'entreprise américaine une crédibilité horlogère.

Propulsé à la direction de Harry Winston Timepieces, le jeune patron développe alors en l'espace de deux ans le projet des Opus, prévoyant la création de garde-temps exceptionnels en collaboration avec des horlogers indépendants de renom. Un concept révolutionnaire. «Nous n'avions pas de légitimité, il ne servait à rien de créer des montres nous-mêmes. Travailler avec les plus grands ne pouvait qu'être salutaire», raconte-t-il. Journe, Vianney Halter, Christophe Claret, Félix Baumgartner, autant de jeunes talents indépendants qui se sont prêtés au jeu des Opus avec un succès immédiat.

En 7 ans, le département horloger de Harry Winston passe de 8 à 80 employés. «C'est ici que les choses se gâtent, ironise Max Büsser. Je travaillais comme un fou. Un jour, quelqu'un m'a dit qu'il ne connaissait personne qui, deux minutes avant de mourir, regrette de ne pas avoir assez travaillé dans sa vie.» C'est le déclic qui donnera naissance au projet MB & F. «J'ai réalisé qu'il était temps de matérialiser ce dont j'avais vraiment envie: créer d'incroyables machines horlogères, dégagées des contraintes commerciales habituelles en collaboration avec des gens que j'apprécie», souffle-t-il.

Audace

En juillet 2005, le jeune homme quitte son confortable fauteuil de patron pour «Max Büsser Friends». Commence alors le parcours difficile du créateur d'entreprise. Investissant toutes ses économies - 700'000 francs - dans son projet, Max Büsser se met en tête de faire un tour de table peu ordinaire. «Créer ce genre de complications horlogères est très onéreux. J'avais déjà les plans et le design de mes deux premiers modèles et m'étais assuré de la collaboration d'horlogers et de techniciens. Mais il fallait trouver encore 700'000 francs pour pouvoir démarrer», explique le patron. Qui choisit alors une stratégie très risquée: celle de ne pas s'adresser à une banque mais de se faire financer par ses détaillants.
Audacieux, ce concept n'est toutefois pas nouveau dans le secteur horloger. Au 18e siècle, Abraham Louis Breguet, le père du tourbillon, finançait la création de ses modèles via un système de souscription. «J'ai repris cette idée et suis parti autour du monde pour convaincre les détaillants. Six d'entre eux ont accepté de payer à l'avance les pièces commandées», note Max Büsser.

En 2006, MB & F présente sa première pièce révolutionnaire baptisée Horological Machine N°1. Conçue à l'image de l'homme, cette montre résulte d'un véritable exploit technologique tant sa complexité est importante: ses deux cadrans posés côte à côte donnent séparément les heures et les minutes tandis que les quatre barillets, à l'instar des poumons, déploient une énergie commune capable de faire marcher le coeur du garde-temps.
Horlogerie et Meccano

Une autre façon de concevoir le temps qui conquiert immédiatement tant la presse spécialisée que les collectionneurs avertis et autres amateurs de montres hétérodoxes. Mais une façon qui a un prix: 165'000 francs la pièce, la production d'une centaine de montres étant prévue d'ici fin 2009.

Aujourd'hui, alors que MB & F a livré ses 30 premières Horological Machine N°1, son patron est reparti faire un tour du monde pour présenter son deuxième garde-temps conçu lui aussi hors des sentiers battus.

Poussant la créativité à ses extrêmes, Max Büsser plonge dans ses souvenirs d'enfance et imagine une montre à deux cadrans, l'un indiquant les phases de lune et la date rétrograde, l'autre montrant une heure sautante et minute rétrograde simultanée, inspirée du jeu de Meccano. Et dotée d'un mouvement automatique monté sur un rotor en forme d'astéro-hache. Oui, vous avez bien lu: la hache de Goldorak. C'est cela le génie de Max Büsser et ses amis. Le plaisir de la déraison. Une belle motivation.
Florence NoelSource : La Tribune de Genève (28 janvier 2008)

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