Yves Carcelle

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Le patron de Louis Vuitton depuis 1990 revient sur le succès toujours croissant de la célèbre marque prestigieuse.

Yves Carcelle, patron de Louis Vuitton, aeu l'honneur d'être le 18e homme sur le Défi espagnol le temps d'une régate en mai dernier. (LUCA VILLATA/17 MAI 2006)  

Dans le luxe, le cas d'école le plus abouti est celui du numéro un mondial, Louis Vuitton, dia­mant de l'empire LVMH. En plus de 150 ans d'histoire, la marque phare du groupe s'est hissée au rang de modèle économique. Sa rentabilité exceptionnelle et sa croissance ininterrompue suscitent partout l'admiration… ou la convoitise de tous les grands du secteur.
Existerait-il un secret Vuitton? A l'intérieur, on aime vanter ce savant mélange entre patri­moine et innovation, tradition et créativité. A l'extérieur, la force des hommes de marketing est souvent citée en exemple. Quand Vuitton a élargi son territoire aux chaussures et aux montres, l'entreprise a créé ses propres structures de fabrication. La première en Italie, la seconde dans le berceau de l'industrie horlogère, à La Chaux-de-Fonds.
Entrer dans la modernité
En plus des coûts, parfaite­ment contrôlés, maîtriser la production procure un formi­dable avantage, celui de fabri­quer à la demande les modèles les plus vendus. Yves Carcelle est le personnage clé de ce succès. PDG de Louis Vuitton depuis 1990 et du LVMH Fashion Group depuis 1999, ce diplômé de Polytechnique a oc­cupé divers postes de direction, notamment dans les produits de grande consommation, puis dans l'industrie textile avant d'entrer chez LVMH comme responsable de la stratégie.
Pour accéder au firmament mondial du luxe, comme l'am­bitionnaient ensemble Bernard Arnault et Yves Carcelle au dé­but des années 90, Vuitton ne pouvait pas rester une entre­prise artisanale de maroquine­rie, teintée d'une nostalgie un peu désuète. Il lui fallait se transformer en marque globale. Sortir de sa monoculture de la toile Monogram affichée sur ses sacs et malles pour faire irruption dans le monde glamour de la mode.
«Le succès est lié à la capacité de respecter les valeurs de la marque tout en évoluant, souli­gne Carcelle. Le sens de l'éter­nité, de la durabilité irrigue le vocabulaire des origines de Louis Vuitton. Comme ses malles, la force de la marque tient dans sa capacité à résister. C'est pour­quoi nous nous sommes tout d'abord attachés à consolider no­tre leadership sur le voyage et la maroquinerie. Mais pour entrer dans la modernité, poursuit le PDG, il ne doit exister aucun tabou en matière de créativité. L'arrivée de Marc Jacobs en 1997 comme directeur artistique nous a ainsi permis de changer de nature. En ajoutant l'éphémère à l'éternité, sans renier nos prin­cipes de savoir-faire, mais au contraire en les intégrant, nous avons changé de nature et créé un univers global.» En clair, Louis Vuitton ne fait pas que des malles, mais aussi du prêt-à-porter, de l'horlogerie, des bijoux, des lunettes et une foule d'accessoires. La réussite est totale. «Il y a deux ans, j'ai fait resigner Marc Jacobs pour dix ans. C'est très rare dans le milieu», confie Yves Carcelle. «On réinvente le logo Vuitton en permanence. Rien n'est figé. La collection de l' America's Cup 2007 montre le V que Gaston Vuitton portait sur son steamer-bag en 1910.» Aujourd'hui, l'expansion de la marque apparaît sans limites. Pour preuve, la transformation onéreuse du «magasin-prome­nade » des Champs-Elysées à Paris, par les architectes Eric Carlson et Peter Marino.
Genève, un succès
Partout, les nouveaux maga­sins fleurissent au coeur des villes. Comme à Genève, rue du Rhône. «Olivier Dupont était attaché à la qualité de l'empla­cement. Il a fallu attendre plu­sieurs années pour que le projet se réalise. Le succès a été immé­diat », affirme Yves Carcelle.
En plus grand, la Chine est devenue le troisième marché mondial pour Louis Vuitton: seize magasins créés depuis le pionnier en 1992, à peine 40 mètres carrés dans le sous­sol du Palace Hôtel de Pékin. «A la fin de l'année prochaine, nous en aurons ouvert encore dix de plus. La diaspora chinoise a très vite été sensibilisée par le luxe et la mode, se réjouit Carcelle. En 1992, il n'y avait aucune communication sur nos projets, les journaux n'en parlaient pas. Aujourd'hui, nous parvenons à créer l'événement à chaque ouverture de magasin. Les mai­res des villes se demandent pourquoi nous sommes là, mais ils sont très heureux de participer à nos inaugurations.» En Inde, Vuitton se vend à Bombay et Dehli pour le bonheur des stars de Bollywood. «Notre directeur des relations publiques est un petit-fils d'un maharadjah indien qui possédait cinquante­deux malles Vuitton!» lâche Yves Carcelle, ce grand voyageur, qui avoue avoir un faible pour la Chine. «Ce pays prend une place particulière. En vingt ans, j'ai vu sa transformation et nous sommes devenus un des acteurs de ce changement de la vie quotidienne dans les villes.»

Tribune de Genève / PIERRE NUSSLÉ VALENCE / www.tdg.ch

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