La marque se refait un nom

3 minutes read
La manufacture Louis Erard, au Noirmont (JU), fête ses 80 ans et prouve que le milieu de gamme se vend de mieux en mieux.


Le Matin Dimanche - 5 juin  2011

Ivan Radja 



Louis Erard appartient à ces entreprises à qui les experts prédisaient le pire au plus fort de la crise. Positionnées dans le milieu de gamme, elles allaient subir de plein fouet la crispation d'un marché qui n'épargnerait que les montres de grand luxe et les petites d'entrée de gamme, du type Swatch. Or non seulement la manufacture du Noirmont (JU) a très bien négocié le passage du cap Horn, mais elle s'est en plus offert le luxe d'engager. «Deux employés, ce qui porte le total à 27», se réjouit Alain Spinedi.

Le CEO, qui a repris en 2003 une marque donnée cliniquement morte dans les années 1990, a réussi son pari. «Au début de la crise, devant la hausse du prix des mouvements, nous avons décidé de monter notre entrée de gamme à 2000 fr., et d'abandonner momentanément le segment à 600 fr.» Le calcul s'est avéré habile. Les clients y regardaient à deux fois avant de payer le prix fort pour une montre de haute horlogerie, et se sont laissés tenter par Louis Erard. «Nous n'avons pas à rougir de la comparaison. Nos carrosseries sont très belles, techniquement nous sommes au point, et les prix sont attractifs», analyse-t-il.

Louis Erard_330599_0
De belles «carrosseries», techniquement au point et à des prix clairement attractifs.  
DR



Les résultats sont là: en 2010, les ventes ont augmenté de 14% en valeur, avec 17 000 pièces écoulées pour 10 millions de chiffre d'affaires. 2011 s'annonce encore meilleure: «Nous devrions atteindre une croissance à 15% et 11 millions de chiffres d'affaires si je me fie à ces premiers mois», pronostique Alain Spinedi. Depuis qu'il est à nouveau possible d'acheter des mouvements au premier prix, la marque propose des garde-temps en dessous de 1000 fr., au grand soulagement des détaillants. «C'était important de revenir à notre fourchette de prix initiale, de moins de 100 fr. à 3500 fr., car nos détaillants peuvent à nouveau nous positionner dans leur offre initiale.»


Des modèles plus épurés

La marque revient de loin. Fondée à La Chaux-de-Fonds en 1931, Louis Erard emploie très vite une soixantaine de personnes, et son activité principale restera l'emboîtage de montres pour des tiers jusqu'en 1980. A cette date, un effort est fait pour pénétrer les marchés asiatiques, avec un certain succès, mais l'entreprise connaît de graves difficultés financières, elle change de mains et est transférée au Noirmont. Suivent dix années de silence, jusqu'à l'arrivée d'Alain Spinedi. Dès 2003, il positionne Louis Erard dans le milieu de gamme. «Avec un message pour le client: je ne suis pas millionnaire, mais je peux m'offrir un beau produit, résume-t-il. Il y a encore quatre ans, les gens les trouvaient belles, mais le nom le nom leur était inconnu. Aujourd'hui, on entend: Tiens, tu portes une Louis Erard!»

C'est donc dans un climat de confiance retrouvée que Louis Erard fête ses 80?ans, avec la sortie de la collection Excellence, dont les modèles sont dotés de mouvements revisités ou développés par la marque et le fabricant Soprod. «Un mouvement que nous n'avons jamais utilisé et que nous n'utiliserons que pour cette série», précise Alain Spinedi. Sept modèles dans une gamme de prix de 1300 fr. à 3300 fr. «Il fallait une famille un peu plus sophistiquée.» Plus épurées, moins massives, ces montres s'inscrivent dans le pur classicisme et incluent l'or, métal qui sera à l'avenir de plus en plus présent. Une stratégie pas innocente, car Louis Erard, bien implantée en Suisse, en Italie, en Belgique et en Russie, commence à se réintéresser à l'Asie. «Nous avons mis un pied à Hongkong, nous sommes ouverts au marché coréen, et nous sommes un peu à Taïwan, en Malaisie, au Japon. C'est une démarche de longue haleine.»

L'homme ne cède pas facilement aux sirènes de l'optimisme béat et tempère aussitôt: «Il faut encore quatre années comme ça et un chiffre d'affaires de 20 millions. Là, je saurai que nous avons atteint la masse critique qui permet d'absorber les coups durs.»



LE BAROMÈTRE

Chiffre d'affaires
Pour 2010, avec 17 000 montres vendues. Avec une hausse de 15% espérée sur 2011, le chiffre d'affaires devrait progresser à 11 millions.

Prix moyen
Positionnée dans le milieu de gamme, Louis Erard propose des montres de moins de 1000 fr. à 3500 fr.

Louis Erard_330599_1