Pourquoi ça coince (encore)

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Why it hasn’t (yet) taken off - E-commerce
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E-shop, market place, enchères en ligne, sites d’articles neufs ou d’occasion : presque tout s’achète et se vend facilement en ligne. Tout, sauf la montre neuve, dont l’e-commerce accuse un retard persistant. Pourquoi ?

« Environ 5% ». La réponse colle à la réalité comme un chewing-gum à la semelle. C’est le niveau de vente en ligne de la plupart des marques horlogères. Une moyenne, évidemment, entre l’access à moins de 200 CHF qui en fait son canal de prédilection, la montre entre 3000 CHF et 5000 CHF qui lutte pour s’y imposer, et le premium à cinq chiffres pour qui l’e-commerce reste terra incognita. 

« Acheter en ligne, cela suppose d’être capable d’acheter une image ». Laurent Picciotto, président-fondateur de Chronopassion, a le sens de la formule. « Il faut une certaine maturité pour cela. Ou des moyens conséquents pour ne pas avoir à se soucier d’un produit qui, une fois livré, pourrait finalement ne pas plaire... ». Chronopassion n’a pas de e-commerce à proprement parler...mais vend par Instagram ou WhatsApp. La différence est faible. 

pourquoi ça coince (encore)

Pourtant, le paradoxe horloger résiste. On règle son prochain voyage en ligne, on réserve sa Tesla sur Internet, et nul doute que, pour la Saint-Valentin, certains consommateurs auront choisi un onéreux bijou sans quitter leur fauteuil. Pourquoi pas une montre ? « C’est un produit avec une émotion particulière », explique Frédéric Bondoux, Président Grand Seiko Europe. « De surcroît, la plupart des marques suisses ont des habitudes de distributions relativement figées. La vente en ligne suppose une certaine forme de viralité, aux antipodes de la discrétion et du contrôle qu’elles opèrent habituellement ». 

« Grand Seiko est une marque à part »

Proximité & confiance

Pour David Sadigh, fondateur du Digital Luxury Group, il y a d’autres raisons. « La plus évidente : une forte densité des boutiques de luxe, notamment horloger, dans les plus grandes villes. Il n’y a pas d’intérêt particulier à l’achat en ligne si vous vous passez tous les jours devant la boutique où se trouve la montre qui vous plaît ». 

David Gouten, qui a œuvré en de multiples marques et segments de prix (Manufacture Royale, DeLaneau, Harry Winston, Perrelet) estime qu’au-delà de la proximité, « le facteur confiance est essentiel. Et, avec lui, celui de la crédibilité. Beaucoup de clients ont tout simplement peur de se faire avoir ». 

pourquoi ça coince (encore)

Raison pour laquelle des sites de ventes d’occasion combinent vente en ligne et en boutique ? « C’est exactement cela », abonde Manuel Senecal, expert chez Chronext. « C’est véritablement le sujet de l’authenticité qui peut poser un problème. Nous le résolvons en proposant de la vente en ligne que l’on peut venir voir et retirer en boutique. L’un ne va pas sans l’autre. D’ailleurs, une fois que la confiance est établie à l’issue d’une première rencontre physique, certains clients n’hésite plus à passer à du 100% on-line ». Un rôle essentiel que David Sadigh confirme comme étant essentiel non pas seulement à la vente de montres d’occasion, mais aussi neuves : « Les sites de vente de seconde main peuvent véritablement déverrouiller certains réflexes d’achat en ligne ». En clair, si l’on prend l’habitude d’acheter ses montres d’occasion en ligne, il sera plus facile de faire la même chose avec des montres neuves. 

Génération connectée

Plus profondément, la question générationnelle pourrait sous-tendre l’ensemble de l’équation. Imaginer que l’on achète plus facilement des montres abordables en ligne, plutôt que des montres de prestige, est un leurre. Ce n’est que le reflet d’une vérité générationnelle : les montres access, comme Tissot ou Hamilton, se vendent mieux en ligne qu’une Panerai Submersible GoldTech OroCarbo (29’900 euros) parce que le client n’est pas le même. Le premier achète en ligne parce qu’il a toujours acheté en ligne. Le second, probablement de revenus supérieurs et d’un âge plus avancé, a connu l’expérience boutique et ne souhaite pas (totalement) s’en déconnecter. Mais cette génération de collectionneurs mûrs ne sera pas éternelle. Alors pourra éclore peut-être (vraiment) éclore l’e-commerce horloger. 

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