Un festin pour l’esprit (et l’âme)

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Easter edito
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Déterminer la date de Pâques est facile, une fois que vous savez comment…

Qui veut jouer à un jeu ? Ceux qui me connaissent ne serait-ce qu’un petit peu entendent déjà les sonnettes d’alarme retentir dans leurs têtes, car il savent parfaitement que ce genre de question venant de moi s’apparente souvent à un piège. 

Dans tous les cas, vous pouvez évidemment vous attendre à ce que ma définition du jeu diffère considérablement de celle de l’individu lambda. Le jeu que j’ai en tête en ce moment est en rapport avec Pâques, un sujet particulièrement pertinent aujourd’hui. Et peut-être serait-il plus approprié de substituer « jeu » par « problème mathématique inutilement complexe », mais alors dans ce cas personne ne voudrait jouer et cela irait à l’encontre de l’objectif de cet article.

Pour commencer, nous devrions tous comprendre que Pâques est ce que l’on appelle une fête mobile, c’est-à-dire que sa date n’est pas la même d’une année à l’autre. Au lieu de cela, elle est déterminée par des conditions spécifiques créant une série de dates qui peuvent être désignées comme le dimanche de Pâques. Alors attachez vos ceintures et préparez-vous à plonger dans le monde labyrinthique des calculs de Pâques, où les nombres et les anciens calendriers s’entremêlent pour déterminer ce jour essentiel.

Il est crucial de saisir complètement l’essence de la nature mobile de Pâques. Contrairement à des jours fériés fixes comme Noël ou le Jour de l’an, la date de Pâques varie d’une année à l’autre. Cette flexibilité provient de ses liens avec les cycles lunaire et solaire, mélangeant les phénomènes astrologiques avec la signification religieuse. Ainsi, le processus de détermination de la date de Pâques va bien au-delà d’un simple coup d’œil sur le calendrier grégorien. Il requiert une compréhension sophistiquée des mécaniques célestes et des contextes historiques pour percer ses mystères.

Au cœur du sujet se trouve un ancien algorithme connu sous le nom de computus, un terme latin signifiant « calcul ». Développé par les premiers érudits chrétiens, le computus sert d’épine dorsale des calculs de Pâques, guidant les fidèles dans la commémoration de la résurrection du Christ. Par une série de calculs complexes, le computus aligne Pâques avec l’équinoxe de printemps et les phases de la lune, pour garantir que ce jour sacré demeure attaché à ses racines spirituelles au milieu du flux et du reflux du temps.

Cependant le parcours ne se termine pas au computus. Diverses cultures et traditions ont conçu leurs propres méthodes pour déterminer la date de Pâques, chacune avec ses bizarreries et ses nuances uniques. Des réformes grégoriennes du 16ème siècle aux anciennes pratiques de l’Eglise orthodoxe orientale, la quête d’une date de Pâques exacte a suscité des siècles d’innovations mathématiques et de débats théologiques. En substance, le calcul de Pâques n’est pas simplement un exercice de précision mathématique mais une preuve de l’héritage durable de l’ingéniosité humaine et de la dévotion spirituelle.

La façon la plus simple de décrire la date de Pâques est qu’elle devrait tomber sur le premier dimanche suivant la pleine lune pascale. La pleine lune pascale est définie comme le 14ème jour du mois lunaire qui tombe sur ou après l’équinoxe de printemps. L’équinoxe de printemps, aussi connu comme équinoxe vernal, a lieu lorsque le soleil traverse l’équateur céleste du sud au nord. Sur terre, nous observons cela comme un jour où les heures de lumière et d’obscurité sont presque identiques et c’est habituellement le cas le 20 ou le 21 mars. Si la lune est pleine le jour de l’équinoxe de printemps, Pâques a lieu le dimanche suivant. Cependant, si la lune vient de passer à sa phase décroissante le jour de l’équinoxe de printemps, la pleine lune pascale aura lieu 29 jours après, et le dimanche de Pâques tombera fin avril.

La raison pour laquelle j’ai qualifié la détermination de Pâques de « jeu amusant » dans mon paragraphe d’introduction est due au fait qu’elle a représenté un casse-tête mécanique très stimulant pour les horlogers au fil des siècles. Un système mécanique peut-il calculer les interactions entre l’année solaire et le mois lunaire au point de pouvoir indiquer la date de Pâques de n’importe quelle année ? Et ce système mécanique peut-il être miniaturisé pour être inséré dans une montre ?

Patek Philippe l’a fait, avec son hallucinante montre de poche cal. 89. Ulysse Nardin est arrivé à mi-chemin avec son Astrolabium Galileo Galilei qui peut donner la date de l’équinoxe de printemps, nous laissant prendre en compte la date de la prochaine pleine lune et le dimanche qui la suit. Sans en avoir parlé avec les horlogers qui ont réalisé ces montres, je suis incapable de vous dire s’ils ont suffisamment apprécié le processus de création pour le qualifier « d’amusant ». En revanche, je peux dire que si vous êtes le genre de personne qui apprécie l’exercice mental intense et les énigmes mathématiques, concevoir un ordinateur micromécanique de cette sorte est probablement le genre de jeu qui vous séduirait. Alors, qui veut jouer ?