Surprise pour les 60 ans de la marque

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Une nouvelle manufacture-musée, une identité repensée, une nouvelle collection, une forte ambition : Yema « maison horlogère française depuis 1948 » fêtera cette année ses soixante ans.
En termes de communication publicitaire, cela s'appelle du teasing et c'est fait pour appâter le chaland. Yema, « maison horlogère française depuis 1948 », fêtera donc logiquement cette année ses soixante ans, et plus précisément pendant Baselworld, où la marque a retrouvé un espace digne de son héritage et de ses nouvelles ambitions internationales (hall 1.1, face au groupe Festina). Illustration de ce teasing ci-dessous…
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Sans entrer dans les détails de ce futur anniversaire, on peut cependant cadrer la situation actuelle d'une maison qui fut longtemps la référence Made in France en matière de dynamisme horloger.

Née en 1948, la marque Yema avait à peu près disparu du marché quand elle a été rachetée à son propriétaire japonais (groupe Seiko) par son équipe de direction française, voici trois ans. Vingt-quatre personnes avaient suivi ce rachat (LBO) et tenté de refaire de Yema une référence digne de son passé.
Ces trois ans ont été marqués par la mise en place d'une production de… survie (il s'agissait de maintenir un minimum de pression et de surface commerciale sur les marchés), mais aussi par la mise en place d''un immense chantier de réflexion sur le contenu de la marque, son héritage et son repositionnement.
Maître d'œuvre de ce chantier : Louis-Eric Beckensteiner, qui est entré chez Yema en 1995 et qui a été l'acteur du rachat de l'entreprise au groupe Hattori (Seiko) en 2004. Resté à la direction générale de Yema qu'il occupait depuis 2001, on lui doit notamment un premier rétablissement commercial et, fruit d'une passion plus personnelle, un effort de reconstitution de l'histoire et du patrimoine de Yema.

Il y a quelques mois, Louis-Eric Beckensteiner lançait ainsi un appel à tous les amateurs-collectionneurs de Yema pour retrouver les pièces essentielles des « grandes années » Yema : grâce à Internet, des dizaines de montres, disparues des collections ou absentes de stocks, ont pu être retrouvées, photographiées et souvent rachetées. On pourra bientôt les voir dans le nouveau musée que Yema prépare, dans les locaux de la manufacture qui sera inaugurée, au printemps, à l'entrée de Besançon.
Sur 1 800 mètres carrés largement plaqués de teck, derrière une horloge monumentale (mais avec un terrain de pétanque pour une vraie détente made in France), la marque y disposera de locaux logistiques et d'ateliers pour ses horlogers et son SAV.

Rappelons quelques dates-clés de cette histoire de Yema.
• 1948 : création de la marque par Henri Belmont (le père d'Henry-John Belmont, infatigable animateur horloger du groupe Richemont).
• Années cinquante : création des premières montres automatiques, anti-chocs, chronographes (1957) et étanches (1956, ci-dessous : la première série des Sous-Marine), qui vont poser l'identité sportive chic de la marque.
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• 1960 : Yema vend 300 000 montres dans l'année. En 1967, Yema sera la marque française la plus exportée dans le monde et vendra 500 000 montres en 1969.
• 1963 : première montre automatique étanche à 300 m (Superman).
• 1968 : création de la montre de régate Yachtingraf (ci-dessous), dont une variante ultérieure équipera certaines équipes françaises de l'America's Cup (Marc Pajot, 1991). Yema est le chronométreur officiel des jeux Olympiques de Grenoble.
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America's Cup, 1991
• 1970 : création du chronographe automobile Rallygraf (ci-dessous, modèle de 1977)
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• 1974 : les premières montres à quartz apparaissent dans la collection Yema (ci-dessous)
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• 1977 : Yema vend plus d'un million de montres chaque année. Les best-sellers maison sont la Navygraf et la Yachtingraf.
• 1982 : rachat par Matra (groupe Lagardère) et création du pôle horloger Matra Horlogerie en alliance avec Thomson, sorte de conglomérat horloger conçu par le ministre socialiste Jean-Pierre Chevènement comme un combinat soviétique pour regrouper les forces industrielles d'une horlogerie française décimée par la crise du quartz. Yema perdra ses dernières forces et sa capacité industrielle dans ce régime d'économie administrée, qui ne fera qu'accélérer le déclin de l'horlogerie française au profit des intérêts japonais.
• 1982 : lancement de la Spationaute I (ci-dessous), développée avec le CNES, qui sera portée par Jean-Loup Chrétien dans Soyouz T-6 (mission PVH). Henry-John Belmont devient président de Yema, qui fête alors ses deux millions de montres produites.
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• 1985 : lancement de la Spationaute II, portée dans l'espace par Patrick Baudry.
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Spationaute III
• 1988 : rachat de Yema par le groupe Hattori (Seiko), qui va en faire une simple filiale de distribution en France de produits Seiko sous habillage Yema.
• 1989 : lancement du chronographe d'aviation Flygraf.
• 1990 : lancement des montres « polaires » (North Pole en titane, 1986, ci-dessous) pour accompagner Jean-Louis Etienne dans ses explorations arctiques et antarctiques (montres crées par un certain Richard Mille, qui était alors responsable marketing-commercial de Yema). La marque exporte encore près de 500 000 montres.
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• 1995 : création de Yema SA.
• 2004 : rachat par l'équipe française et création de Yema, maison horlogère française 1948. Equipe qui trouvera des relais capitalistes ultérieurs auprès d'investisseurs asiatiques intéressés par la relance d'une horlogerie Made in France à la hauteur des traditions horlogères françaises.

Bref, un passé prestigieux, que beaucoup de marques envieraient, même s'il a souvent pris des allures de passif…

Refaire une plate-forme de marque n'était pas évident, surtout après les turbulences qui avaient éprouvé la marque au cours de ces dernières décennies.

Trois axes de travail se sont très vite dégagés :
• La nécessité de redonner une âme à la marque, pour poser sa singularité vis-à-vis de la concurrence et pour déterminer sa capacité à se redéployer sur le marché.
• Reformater l'identité de Yema avant de relancer la marque dans les vitrines, ce qui obligeait parallèlement à repenser la structure même de son réseau (fruit d'une évolution de son positionnement tendanciellement à la baisse).
• Repenser l'inspiration capable de guider la création de nouvelles collections, notamment à partir du principal « actif » de la marque : sa french touch initiale et le berceau français de ses origines.

Sur la base de ces trois axes, une nouvelle identité de marque a été définie. Elle est marquée par les références sportives à trois univers de légitimité : le motor racing (terre), la conquête du ciel (air) et les sports nautiques (mer). De quoi refonder trois lignes de montres tout-terrain, pour dominer les trois éléments : des tachymètres à vocation automobile, des chronographes d'aviateur dotés d'une règle à calcul et des montres de plongée.

Ce qui, pour toute curiosité journalistique, définit assez bien le profil de la future « montre anniversaire » de Yema. Une montre maîtresse des éléments naturels, qui devrait regrouper les fonctionnalités des grandes icônes du patrimoine Yema : tachymétrie, règle à calcul et paliers de plongée.

Worldtempus peut en dévoiler l'actuel nom de code : Master Elements. Notez-le soigneusement, on vous en reparlera...

Soit une pièce horlogère « usine à gaz », complexe et massive comme on les aime aujourd'hui.
Une « maîtresse des éléments » et donc une maîtresse montre indestructible, qu'on imagine de belles dimensions, multi-compteurs, voire muti-couronnes et multi-poussoirs, forcément mécanique (pour la qualité du mouvement et au nom de la nouvelle image de la marque), sans doute agrémentée de nouveaux matériaux (caoutchouc, titane, fibre de carbone) et, puisque c'est la mode, réalisée en série limitée…
On l'espère seulement aussi Made in France que possible (mouvement Swiss Made tout de même), voire même French Made comme Yema a commencé à le dire et à l'écrire.
Grégory Pons

Vous souhaitez en savoir plus sur ce positionnement et connaître le fin mot de ce que Yema prépare ?

Demain, la suite de notre dossier Yema, avec un entretien exclusif avec Louis-Eric Beckensteiner, président de Yema (ci-dessous), qui expliquera le nouveau positionnement de sa marque.
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