La F1 de l'horlogerie

Aucun défi ne semble effrayer cet infatigable passionné de mécanique

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Depuis 2001, le Français R i c h a r d M i l l e est devenu le roi du Tourbillon, l'un des systèmes régulateurs les plus compliqués utilisés dans les montres bracelets. Pourtant, ce natif de Draguignan n'est pas plus horloger de formation qu'Enzo Ferrari était ingénieur automobile. Mais R i c h a r d M i l l e n'est pas à un défi près.

Passionné par la mécanique, plutôt celle des voitures et des avions, le jeune homme, né en 1951, se tourne néanmoins vers le marketing qu'il étudie à l'Institut universitaire de Besançon, au coeur même du berceau horloger français. Il entre donc chez Anguenot. Un groupe qui, à l'époque, fabriquait plusieurs millions de montres par an et dont il devient chef de zone export, avec pour responsabilité toute l'Amérique latine.

Débuts au sommet de l'échelle

Racheté par Matra en 1981, Anguenot est absorbé par 'Matra horlogerie' et tout naturellement R i c h a r d M i l l e devient directeur de ce pôle nouvellement créé par cette société, fameuse dans l'aéronautique, l'armement ou l'automobile. Il est ainsi responsable de tout une série de marques comme Yema, Jaz, Cupillard Rième...

'Le potentiel était énorme, rappelle R i c h a r d M i l l e, et nous avons développé de nombreux produits très spéciaux afin de nous faire connaître. En particulier avec Yema et mon ami H. J. Belmont. C'est ainsi que sont nées les montres 'Pôle Nord' pour Jean- Louis Etienne, et 'Navigateur' pour Titouan Lamazou et Nicolas Hulot. Pour le Centre national d'Etudes spatiales (CNES), nous avons étudié des montres destinées aux spationautes français et russes. Toutes ces pièces étant fabriquées à plusieurs milliers d'exemplaires, avec un beau succès auprès du public'.

Mais, en 1986, estimant que l'horlogerie ne correspond pas à ses activités, Matra vend tout au Japonais Seiko, son rival direct, qui a stoppé le développement de ces marques pour se concentrer sur sa marque phare.

En 1994, R i c h a r d M i l l e décide alors de s'associer avec Mauboussin, le joaillier de la place Vendôme à Paris, pour développer et commercialiser une ligne de montres qui se vendent tout de suite à quelques milliers d'exemplaires. L'époque est florissante. Jusqu'en 1997, quand le sultan de Brunei stoppe net ses achats colossaux de bijoux. Alain Mauboussin vend alors ses parts à son frère Patrick en 1998. C'est alors que R i c h a r d M i l l e, en désaccord avec la stratégie de la maison, donne sa démission et s'associe avec un ami de longue date, Dominique Guenat qui possède une usine d'horlogerie aux Breuleux, dans le Jura.

Heureuse collaboration

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Pour Mauboussin, nous avions développé une montre à tourbillon en cristal de roche, avec les horlogers des ateliers Renaud Papi, propriété de Audemars Piguet. Je connaissais bien Georges Henri Meylan, le patron d'Audemars Piguet et il a été d'accord de m'aider à réaliser un projet personnel auquel je pensais depuis longtemps. Celui de lancer une montre haut de gamme, très technique; une sorte de F1 de l'horlogerie.'

Une montre nécessitant un gros travail en recherches et développement afin qu'elle soit à la fois compliquée, ergonomique, fiable, résistante aux chocs, bourrée d'innovations, aisée à remonter. En un mot facile à vivre. Et surtout une montre dont on puisse parler avec ses copains, une 'Conversation piece' comme disent les Anglais.

'Malgré la dimension du défi, Georges Henri Meylan et Audemars Piguet ont donné leur aval et je dois dire je leur en serai éternellement reconnaissant'.

Depuis 2001, cette montre, dont le prix moyen est de l'ordre de 220.000 francs, a déjà été vendue à 60 exemplaires, les 10 magasins la proposant dans le monde étant régulièrement en rupture de stock.

'Nous n'arrivons pas à en fabriquer plus, d'autant que nous ne nous attendions pas à un tel succès. Une cage de tourbillon comprend en effet 77 pièces mais ne pèse en tout que 0,34 grammes... c'est très difficile à fabriquer'.

Pas une minute de perdue

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Ce qui n'empêche pas R i c h a r d M i l l ede se lancer dans d'autres aventures. Comme il ne lui suffit pas de préparer, sous son nom, un chronographe à 130.000 francs (peut-être le plus cher du monde), de dessiner la montre Baccarat qui sort avant Noël ou d'étudier une ligne d'horlogerie pour le joaillier Repossi, il vient de créer la marque 'Le Mans Classic'. Lié au célèbre circuit automobile, ce label propose déjà un superbe chronographe en série limitée (600 pièces en acier, 50 en or jaune, 50 en or blanc) dont le premier prix tourne aux alentours de 5000 francs.

On se demande où ce père de sept enfants, qui utilise ses loisirs à bricoler le château qu'il vient de s'acheter au coeur d'une forêt bretonne, trouve le temps de tout faire et de donner toujours l'impression d'être en vacances.

J.-C.P.

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