Une mine de métiers rarissimes

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Ses artisans sont les tout derniers au monde à fabriquer les fameux oiseaux chanteurs au son si parfait qu'on s'y méprend.

Tribune des Arts - No324 - Septembre 2004

J.-C. P.



Pour réaliser un très beau mécanisme de boîte à musique, il suffit d'un peu d'acier et de toute une série de métiers aussi spécialisés que rarissimes. C'est le miracle auquel parvient quotidiennement la manufacture Reuge à Sainte-Croix.

«Tout est fabriqué chez nous, même les cabinets en bois précieux qui viennent de notre propre atelier en Italie», explique Aldo Magada, le patron de Reuge qui est en train de très sérieusement dépoussiérer cette vénérable maison née en 1865, toujours détentrice du record de la plus petite boîte à musique du monde (dûment inventorié par le Guiness Book of records) et dont les artisans sont les tout derniers à fabriquer ces fameux oiseaux chanteurs que, diton, les oiseleurs, les yeux fermés, confondent avec les originaux bien vivants.

 

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Machines introuvables

Visiter la manufacture Reuge, au cœur de Sainte-Croix, au-dessus d'Yverdon, constitue une expérience unique. Ne serait-ce que par la découverte de machines étonnantes, capables, par exemple, d'accorder automatiquement un clavier de boîte à musique, faisant raisonner chaque lame et la limant jusqu'à ce qu'elle donne la note juste. Ou encore de machines capables de riveter des milliers de picots (jusqu'à 5000) sur des rouleaux, en fonction de l'air désiré qui a été préalablement numérisé.


Mais c'est surtout la main de l'homme qui fait la différence. Qu'il s'agisse des secrets du trempage des claviers en acier, du collage des «plumes» (aujourd'hui en kevlar) sous les lames pour en atténuer les vibrations, un peu comme la pédale d'un piano, de l'accordage du plus petit clavier du monde, qui est effectué à l'aide d'une fraise de dentiste ou encore du montage du mécanisme qui nécessite les qualités à la fois d'un horloger complet et celles d'un horloger régleur, chacun étant isolé dans une cabine fermée afin d'éviter les poussières.
La manufacture Reuge compte ainsi un certain nombre d'horlogers, d'autant plus qu'elle propose également de saisissantes montres émaillées incorporant des automates (parfois même érotiques) ainsi qu'un mouvement de boîte à musique. De petites merveilles dignes des fameuses «pièces de conversation» du XIXe siècle.

Gardien des secrets de Blaise Bontems

Une grande tradition qui permet à Aldo Magada de se lancer dans des innovations tout à fait contemporaines, qu'il s'agisse des formes ou des fonctions. Reuge propose donc aujourd'hui des réveils matin qui vous tirent des bras de Morphée au son de votre air préféré ou avec un chant d'oiseau tellement parfait qu'on s'y méprend. La manufacture a en effet pu récupérer tous les secrets (ceux des sifflets et ceux des soufflets) du fameux Blaise Bontems qui, au XIXe siècle, a passé sa vie à étudier le chant des oiseaux pour parvenir à le reproduire à la perfection.


Quant aux objets aussi pratiques que design, pour le bureau ou les cadeaux, ils sont tout aussi nombreux: presse-papiers, cadre-photos, vide-poches, porte-lettres, porteencens, porte-bougies, etc., tous évidemment munis d'un superbe mécanisme de boîte à musique (de 36 lames) prêt à égrener un air connu. Merveille de sons purs et totalement authentiques, dus uniquement à la vibration d'une lame en acier et non pas à des connexions électroniques.

 

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Sous l'égide de Patrice Drezet, jusqu'à 5000 picots sont fixés sur les plus gros rouleaux, ce qui permet d'interpréter presque n'importe quel air. Même Phil Collins s'est fait fabriquer des boîtes à musique jouant des airs de sa composition.
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Le montage final nécessite des qualités d'horloger complet et de régleur en horlogerie comme celles d'Alain Bertrand. DR


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Présentée avec fierté par Alexandra Louvrier, en charge du marketing, cette boîte à musique de grand luxe permet de jouer des dizaines d'airs... elle vaut près d'un million de francs, une somme qui ne rebute pas quelques amateurs passionnés d'objets hors du commun. DR


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Nadine Bietry parvient à fixer des petits morceaux de kevlar (des plumes) sous les lames afin de les empêcher de vibrer trop longtemps. Une opération qui s'appelle le «plumage». DR

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