Kermit la grenouille avait bien raison. Ce n'est pas facile d'être vert. Et pas que la nuance batracien. Olive, pomme ou lagon. Anglais, français ou sapin. Racing green, militaire ou Hulk. Le vert est une couleur difficile, pas du goût de tout le monde. Pourtant, dans la constante expansion de leur palette, les cadrans lui ont donné la même variété de teinte que le bleu a connu avant lui. Pour certains, elle est sacrée et pour d'autres, carrément maudite. Elle est la couleur de l'Islam et celle que les comédiens s'interdisent de porter sur scène par superstition. Celle de la nature vivace et aussi celle de la radioactivité létale, de la nausée. En français, on est vert de rage et en anglais, vert de jalousie.
Il n'y a donc pas vraiment de surprise dans le fait que les propositions de montres de cette couleur explosent littéralement et, qu'en parallèle, elles soient difficiles à vendre. Bien des marques avouent à mots couverts avoir du mal à les écouler. Car passé l'effet de mode et d'annonce, l'obligation de se différencier ou de s'intégrer dans la tendance reste à emporter l'adhésion du public. Or, tous les verts ne sont pas égaux.
Le vert militaire, dans ses variantes kaki, olive, commando, est l'exception, le seul qui n'a pas la vie dure. Il est porté par la mode vestimentaire d'une part, de la tool watch utilitaire de l'autre et enfin par l'engouement pour les montres vintage typées forces armées, auxquels s'ajoute encore la vogue des boîtes en bronze. C'est dans cette veine que s'inscrivent Montblanc, IWC, Audemars Piguet, Panerai et Hublot.
Pour les autres, la conquête des poignets n'a rien de simple. Il est condamné à toucher des clients par le biais de niches affinitaires, ce qui impose de multiplier les références, les narrations et restreint les volumes vendus. Le racing green parlera surtout aux adeptes d'automobiles vintage. Le vert anglais va séduire des amateurs sur un créneau étroit. Jaeger-LeCoultre a fait sa Reverso Série Limitée London Boutique Edition, mais le patriotisme chromatique a ses limites. Même les séries spéciales à destination des pays du Golfe Persique s’essoufflent un jour.
En fait, le vert est fait pour compléter une palette de collectionneurs, car il n'est pas une couleur principale. Il est secondaire, accessoire. Il n'a pas le statut du gris, du noir, du bleu. Enfin, il s'agit d'une couleur masculine. Les femmes repasseront, car on leur réserve encore et toujours du blanc, du rose, des couleurs vives et acidulées. Il a donc beau trender, le vert restera cantonné au rôle de ponctuation.
