Cette montre qui veut tutoyer l'éternité

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Julien Coudray, horloger du roi de France au XVIe siècle, renaît aujourd'hui sous la forme de montres dont la boîte comme le mouvement sont en or ou en platine massif.
Tribune des Arts - Juin 2012
Sylvie Guerreiro

“Julien Coudray 1518 – Manufacture de grande horlogerie”. Le panneau nouvellement apposé à la façade des ateliers IMH (Innovations Manufactures Horlogères), au Locle, donne le ton. Ici, on ne plaisante pas avec la tradition. Et si les équipements techniques dont on dispose sont à la pointe de l'innovation, ce n'est que pour la servir et l'honorer. Tel est le parti pris de cette marque qui émerge tout juste dans le paysage suisse.

 

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Signes distinctifs: des boîtiers en or massif (gris, jaune ou rouge) ou en platine massif, sans jamais aucun traitement chimique ou galvanique. Idem pour les mouvements qui – fait rarissime – sont littéralement taillés dans l'or ou le platine, histoire de tutoyer l'éternité. Avec déjà la préoccupation de réserver des pièces d'usure au service après-vente afin qu'il soit possible de les remplacer un jour si besoin. Quant aux cadrans, en or bien sûr, ils sont tous émaillés grand feu, y compris les chiffres des heures qui habitent, chacun ou presque, une cartouche bombée. Là aussi, pour des questions de pérennité. L'entreprise travaille d'ailleurs avec la Fédération des émailleurs de France.

Autre détail, mais qui vaut son pesant d'or: tout est conçu, développé, réalisé et assemblé à l'interne, par une équipe d'une quarantaine de passionnés, représentatifs de tous les métiers de l'horlogerie. Seuls les glaces saphir, le bracelet, les rubis et le ressort de barillet (mais non le spiral!) sont fournis par l'extérieur. Et les contrôles, très stricts, interviennent à chaque étape.

Les deux premières collections lancées sur le marché regroupent deux grands classiques: Manufactura 1528, une montre trois aiguilles dotée d'une boîte de 39 mm de diamètre, et Competentia 1515, un tourbillon en 43 mm, avec centre du cadran en émail plique-à-jour. Tous deux sont à remontage manuel, avec réserve de marche de 56 heures environ, fond saphir laissant apparaître les superbes décorations gravées sur la platine et bracelet en croco double face pour le confort et surtout la résistance. On notera également cette petite fenêtre ronde à 12 h, dans laquelle une goutte s'affiche, après quatre années de fonctionnement, rappelant au porteur qu'il est temps de faire réviser sa montre.


À l'époque des premières montres portées

Qui est ce Julien Coudray, dites-vous? L'horloger des rois Louis XII, puis surtout de François Ier (qui réglementa la profession d'horloger en 1544). Ce qui lui valut d'être installé dans le château de Blois, dit le Versailles de la Renaissance, dans le département de la Loire en France. Un lieu situé à 35 km d'Amboise où Léonard de Vinci, lui aussi appelé par François Ier, passa les trois dernières années de sa vie (de 1516 à 1519), au Clos Lucé, résidence d'été des rois de France.

 

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C'est Julien Coudray qui, selon les historiens, nous aurait laissé la plus ancienne preuve écrite en France sur l'existence d'une montre portative. Une facture de 1518 assure qu'il fut payé 200 livres pour un mouvement horloger logé dans un pommeau de dague (objet que l'on retrouve donc gravé sur les montres actuelles Julien Coudray 1518). Celui-ci a disparu et il semble que la plus ancienne montre portative qui nous soit parvenue date de 1532. Mais on pense qu'il en existait déjà à la fin du XVe siècle, sous forme de pendentif. On sait aussi que Julien Coudray avait restauré la pendule de la cathédrale Saint Louis de Blois, ravagée par un ouragan en 1678 et qu'elle devait comporter un cadran typique de ce genre d'horloges de l'époque, orné de cartouches en émail pour faire ressortir les chiffres.

C'est tout cet univers qu'évoque la marque Julien Coudray 1518. Une époque marquée par le progrès de la technique et l'explosion des arts, où les meilleurs maîtres horlogers étaient au service des rois et des princes, ne livrant que des garde- temps uniques et précieux, façonnés selon les souhaits du commanditaire.

L'idée en a germé en 2007, dans l'esprit de Fabien Lamarche, le fondateur d'IMH, une société spécialisée dans la conception et la fabrication horlogère de montres, de mouvements et de concept-watch. “Julien Coudray 1518, c'est un rêve, explique-t-il du haut de ses vingt et quelques années d'expérience. Je voulais créer mes propres moteurs en mettant tout de suite la barre très haut, rassembler tous les métiers de l'horlogerie sous un même toit en réunissant des passionnés osant faire des choses qui prennent beaucoup de temps, puis assimiler un nom à cela. Et j'ai eu la chance de rencontrer des investisseurs privés qui ont eu envie de miser dessus.” Il faut dire que toutes les conditions sont réunies pour que ce nouveau navire conquière tous les océans, comme à l'époque des Grandes découvertes aux XVe et XVIe siècles...

 

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