Elles traversent le temps!

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Elles traversent le temps! - Icônes
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La visite des salons horlogers permet de se faire une idée de la créativité des marques. L'œil exercé passe d'un garde-temps à l'autre, très vite s'il est « banal », plus lentement s'il a un côté « accrocheur ». Quand l'œil s'arrête, il s'agit d'une « icône ».

Trajectoire - Automne 2012

Eric Othenin-Girard


Celles et ceux qui aiment les montres, mais qui ne connaissent pas forcément bien le domaine, ont très souvent l'impression que tous les garde-temps se ressemblent. S'ils ne manifestent pas un intérêt soutenu pour les aspects techniques, le développement des nouvelles technologies et l'introduction dans la montre de matériaux innovants, il leur est bien difficile de détecter les évolutions. De prime abord, les montres sont rondes, rectangulaires, carrées ou de forme « tonneau ». Ainsi, nombre d'entre eux imaginent que, depuis la popularisation de la montre-bracelet, il y a un peu plus d'un siècle, les marques se contentent de changements mineurs. Eh bien ils ont tort !

Certes, comme dans tous les domaines, il y a des entreprises qui se contentent de suivre le mouvement, de copier les bonnes idées des autres en leur apportant quelques modifications mineures afin de ne pas être poursuivies pour délit de contrefaçon. Comme elles sont nombreuses à pratiquer de la sorte, cela crée des masses considérables de garde-temps qui ont allure similaire et cela renforce l'impression de banalité ressentie par une partie du public.

Et puis il y a les autres sociétés, celles qui investissent dans la recherche et le développement, qui, année après année, apportent une dose de créativité, que ce soit sur le plan du mouvement ou dans le domaine de l'habillage de la montre. Ainsi, par exemple, le formidable développement des cadrans. Autrefois, le cadran d'un garde-temps était constitué d'une plaque de métal, précieux ou non, qui était peinte ou laquée, voire émaillée ou nacrée, sur laquelle prenaient place des index ou des chiffres, le plus souvent décalqués. Aujourd'hui, les cadrans des montres de luxe sont devenus de véritables « usines à gaz ». Par leur construction sur plusieurs niveaux, pour faire ressortir les compteurs et autres indications techniques, ils offrent une multitude de possibilités aux designers qui ne se privent pas de les utiliser et d'apporter ainsi une note de diversité.

Ce sont ces marques qui, à force de travail, ont créé les icônes. Ces garde-temps, que les connaisseurs nomment ainsi, traversent le temps sans coup férir. Ils sont certes mis au goût du jour, mais sans que jamais celles et ceux qui les portent depuis des lustres aient le sentiment qu'ils possèdent une montre passée de mode. En voici quelques beaux exemples, présentés par ordre alphabétique.


Royal Oak signée Audemars Piguet


Cela fait tout juste 40 ans que le génial Gérald Genta, qui nous a quitté il y a un an, avait imaginé le dessin de cette montre, à l'époque qualifiée de révolutionnaire. Etanche à 100 mètres, dotée d'un calibre mécanique automatique 2121, avec fonction heures, minutes et quantième, elle a traversé le temps et assuré un immense succès à la manufacture du Brassus.

 

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Des dizaines de versions ont été développées, mais toutes ont gardé la même allure et, grâce au respect de son identité, la montre de 1972 n'a pas pris une seule ride. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer avec l'édition commémorative sortie en 2012. On retrouve ce cadran à motif « Petite Tapisserie » façonné à l'interne sur des machines anciennes selon la technique du ramolayage.


Breguet Tradition


Abraham-Louis Breguet avait, au début du 19ème siècle, mis au point une montre mécanique dotée d'un balancier à 4 heures avec le spiral à courbe terminale « Breguet » ainsi que l'échappement à ancre en ligne inversée. Cette montre, de poche à l'époque, a traversé le temps. Toutefois, en 2005, Breguet présentait le modèle 7027 Tradition, le premier garde-temps bracelet à dévoiler les organes de mouvement au-dessus de la platine.

 

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Depuis, la collection « Tradition » est devenue l'une des plus emblématiques de Breguet et elle s'enrichit cette année d'une complication GMT qui devrait satisfaire les voyageurs du monde entier. Dotée d'un mouvement à remontage manuel, sa réserve de marche atteint 50 heures et son diamètre est de 40 mm.


Navitimer par Breitling


Depuis 1952, la Navitimer est « la » montre fétiche des pilotes et des passionnés d'aéronautique. Ce garde-temps, de très grande taille pour l'époque, permettait aux pilotes de calculer leur navigation avant et pendant le vol. C'était un progrès exceptionnel. La version d'aujourd'hui, qui garde la même allure, a signé une grande date de son histoire en s'équipant du calibre Breitling 01, un très beau mouvement chronographe automatique, entièrement conçu et fabriqué dans les ateliers de Breitling.

 

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Dotée d'un boîtier au diamètre légèrement agrandi, la Navitimer 01 se distingue par son cadran noir avec aiguille des secondes rouge et index ou chiffres en appliques, des détails donnant à son visage emblématique encore plus de relief et de caractère.


Une Baignoire signée Louis Cartier


Louis Cartier était un créateur de génie et, surtout, il savait regarder le monde de façon à en restituer les formes, que ce soit dans les montres ou dans les parures. Ce fut le cas lorsqu'il se rendit en Russie, en 1912, puisque c'est là, dit l'histoire, que le créateur dessina cette montre qui allait devenir célèbre, puisque son ovale parfait ressemble à la baignoire d'une grande duchesse à laquelle Louis Cartier rendit hommage.

 
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Une Baignoire signée Louis Cartier © Trajectoire

Depuis, la montre n'a jamais quitté la collection. Elle a été déclinée de multiples façons, mais a toujours gardé cette élégance qui en fait l'une des plus réussies des montres destinées aux femmes. Cela étant, même si elle fête son siècle d'existence, c'est en 1953 seulement qu'elle fut baptisée Baignoire.


Les diamants heureux de Chopard


Lors d'une promenade en Forêt-Noire dans les années 1970, un dessinateur de la maison Chopard fut émerveillé par la vue d'une cascade et les milliers de gouttelettes d'eau qui s'en échappaient, réfléchissant la lumière du jour et scintillant de toutes les nuances de l'arc-en-ciel. Cette vision fit jaillir en lui une idée de génie : pour que les diamants brillent de tous leurs feux, il fallait les libérer de leurs griffes et les laisser circuler librement.

 

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C'est ainsi que naquit le concept des diamants heureux, qui firent beaucoup d'heureux. D'abord les clientes et ensuite la marque, qui surfe depuis lors sur ce succès mondial qui ne se dément pas. Aujourd'hui sont concernées principalement les lignes « Happy Sport », toujours avec le même succès.


La Reverso par Jaeger-LeCoultre


Parce que les joueurs de polo de l'armée britannique des Indes cassaient toujours le verre de leur montre lors de chocs en compétition, Jaeger-LeCoultre a inventé le concept de la montre qui tourne le dos au temps. Sur un brancard, la Reverso coulisse à la demande et présente ainsi son dos en acier ou en métal noble, protégeant le verre et le cadran. C'était génial et cela reste génial.

 

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Depuis 1931, la Reverso a été déclinée sous toutes les coutures, que ce soit dans les aspects habillage ou technique, puisqu'elle a accueilli les complications les plus sophistiquées, les mouvements les plus précieux, faits d'or et de diamants. Plus de quatre décennies après qu'elle fut inventée, elle reste le plus beau témoin horloger de la période Art déco.

 

La Speedmaster Professional d'Omega

En 1957, l'agence spatiale américaine voulait une montre pour ses astronautes. Le cahier des charges était très exigeant. Omega releva le défi et présenta le chronographe Speedmaster Professional. Ce garde-temps était équipé d'un mouvement mécanique à remontage manuel. C'était indispensable puisque, dans l'espace, la masse oscillante utilisée pour remonter les montres mécaniques automatiques ne fonctionne pas en raison de l'absence de pesanteur.


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La Speedmaster Professional d'Omega © Trajectoire


Depuis, la Speedmaster Professional est devenue une montre de référence. Aujourd'hui, elle est disponible en deux versions. La première, toujours dotée du mouvement mécanique manuel tandis que la seconde est équipée du célèbre mouvement co-axial automatique. Dame tout le monde ne va pas sur la Lune…


Patek Philippe crée la Calatrava

Les montres les plus simples sont parfois les plus difficiles à créer, surtout si on espère les faire durer dans le temps. A cet exercice, la manufacture Patek Philippe est largement rompue. C'est ainsi qu'en 1934, la maison genevoise créa la Calatrava. Habillée d'or et d'un bracelet en cuir noir, cette montre fit sensation par son aspect à la fois contemporain et classique.

 

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Au fil du temps, Patek Philippe développa sa Calatrava. Si elle ne changea pas de look, elle fut pourtant reprise, mise au goût du jour, mais avec une très grande subtilité et, si on compare la première version à celle de 2012, on ne verra pas grande différence. Il s'agit bien d'un garde-temps qui met parfaitement en valeur la notion de pérennité développée par la marque.


Altiplano de Piaget


Piaget est une manufacture, une vraie qui, depuis des lustres, construit ses propres mouvements mécaniques. Mieux même, elle détient toute une série de records de minceur. C'est sous la houlette de son actuel président, Philippe Léopold-Metzger, que la maison de La Côte-aux-Fées, dans le canton de Neuchâtel, a retrouvé son aspect très technique.

 

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Mais, chez Piaget, qui dit technique dit aussi élégance. Aussi les créateurs ont-ils remis au goût du jour une véritable merveille, sortie au tout début des années 60. C'est le modèle Altiplano, qui cumule élégance et technicité avec un mouvement extra-plat automatique superbement construit, et qui est le plus fin au monde.


Oyster par Rolex

Appeler une montre « huître », c'est quelque peu osé. Pourtant, en 1926, quand Rolex sortit la fameuse Oyster, ses créateurs insistaient sur le fait qu'elle était parfaitement étanche. Depuis, cette montre est devenue une véritable légende qui a donné lieu à moult recherches sur le mouvement, le boîtier, l'ergonomie, les matériaux. Aujourd'hui, bien sûr, il y des variations mais, fondamentalement, c'est toujours de la même montre dont on parle, même si elle se nomme Datejust II.

 

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Ce garde-temps perpétue la tradition de la Datejust, modèle emblématique de Rolex créé en 1945 et première montre-bracelet chronomètre automatique et étanche à afficher la date dans un guichet sur le cadran, et son boîtier Oyster de 41 mm garanti étanche jusqu'à 100 mètres.


 

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