La guerre et les Panerai PAM 720 & 721

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War and the Panerai PAM 720 & 721 - Why not...?
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Notre collectionneur local et fan de Panerai propose une analyse approfondie de deux modèles ayant marqué l'histoire.

Autant commencer par une évidence. Pendant une guerre, il y a des morts, des blessés, des destructions, du sang, de l’horreur, et puis ... la paix.

Mais la guerre fascine. Comme le côté négatif de la force, elle reste une force d’attraction, un monde qui intéresse, dérange mais passionne. Au-delà de la cruauté de toute guerre, il reste la dimension héroïque, le courage, l’aventure, le dépassement de soi. Quel que soit le conflit, il y aura des héros. Il y aura des histoires que l’on racontera pendant longtemps. Des noms que l’on célèbrera mais aussi d’autres qu’on oubliera très vite.

La guerre est aussi vieille que l’humanité. Comme l’aventure de la mesure du temps, d’ailleurs. Au point que ces deux-là ont pas mal d’histoires en commun. Au fur et à mesure que la guerre devenait moderne, elle a eu besoin de plus de précision et de plus de mesures. La montre est donc devenue un élément indispensable à toute guerre et à tous les guerriers. Au point d’être, dans certains cas, un secret militaire.

Nombreuses sont les marques qui se sont retrouvées impliquées dans des conflits, y jouant des rôles mineurs ou cruciaux. Certaines se sont retrouvées à leur insu aux poignets de soldats, d’autres ont construit un partenariat avec les États et leurs forces armées.

La montre militaire est donc devenue très recherchée des collectionneurs parce qu’elle est à l’épicentre de tout ce qui séduit un amateur de belle horlogerie : il y a la montre en elle-même, sa dimension technique, ses caractéristiques ou ses innovations. Il y a ensuite son histoire, ce qu’elle a vécu et ce qu’elle véhicule. Puis, il y a celui qui l’a portée, ses combats, sa vie – et parfois sa mort.

C’est la guerre moderne qui a créé le besoin de montres adaptées aux besoins des différents corps armés. L’origine de ces pièces guerrières vient de la Marine, et des horloges qui équipaient les voiliers qui sillonnaient – et combattaient – sur les différents océans. Mais ces montres étaient plutôt des instruments qui faisaient corps avec les voiliers, et pas forcément des objets purement militaires.

Il a fallu attendre la technicisation des conflits pour créer un besoin de montres « portées » par les militaires. Le premier conflit mondial vit apparaître les premières montres d’officiers – et de tranchées, dont l’usage permettait de coordonner les différentes opérations. En effet, la Première Guerre mondiale fut le premier conflit où les stratèges et les officiers généraux étaient éloignés du front. Il fallait alors améliorer les moyens de communication et la capacité d’avoir un temps « commun et partagé » était donc militairement importante.

Certaines fonctionnalités sont aussi devenues indispensables sur le champ de bataille. La petite seconde en est un exemple. Sa présence permet juste de voir que la montre fonctionne bien, ce qui est gage de coordination et d’efficacité, voire parfois de survie.

Puis, il y eut les pilotes, les artilleurs, les sous-mariniers...

Alors que l’on rêvait le monde en paix, la Seconde Guerre mondiale éclata. Avec ses nouveaux besoins (les plongeurs de combat) et ses progrès techniques. Là encore, la montre allait jouer un rôle important, aux poignets des belligérants de tous les camps.

Les GI avaient leurs Hamilton, les soldats britanniques portaient les « dirty dozens » commandées par le Ministry of Defence (MOD) - Buren, Cyma, Eterna, Grana, Jaeger-LeCoultre, IWC, Lemania, Longines, Omega, Record, Timor et Vertex -, les pilotes de la Luftwaffe avaient leurs IWC, Tutima, Hanhardt, Laco ou Stowa et les Kamikazes étaient équipés de Seikosha.

Plus tard, il y aura d’autres conflits, d’autres montres : les Benrus, Glycine, Tornek-Rayville Bulova ou Seiko au Vietnam, les Dodane ou Breguet Type XX des pilotes français, les Rolex, Omega et CWC des nageurs de combat britanniques ou les Zlatoust des hommes-grenouilles soviétiques. Aujourd’hui, c’est Casio (avec la G-Shock) qui équipe la plupart des soldats engagés sur les divers théâtres d’opérations. La liste des « militaires » est, bien sûr, bien plus longue que ces quelques noms.

Mais dans toute cette histoire militaro-horlogère, il y a une question qui est rarement posée... Dans un conflit, il y a des gagnants, des perdants, des « bons », des « méchants », des héros et des criminels. En tant qu’équipement militaire, la montre contribue à des actions de combat. Elle risque aussi d’être assimilée à un camp. La montre peut alors devenir un objet de célébration ou de reconnaissance. Face à cette situation, les marques horlogères naviguent sur des eaux potentiellement troubles. Lorsque « leur » montre peut être associée au camp des gagnants ou des héros, pas de souci. Mais quand le même objet se retrouve porté par des perdants, des « salauds », des criminels... que faire?

Nous voici donc au cœur du sujet...

Pourquoi Panerai ?

Le rôle de Panerai dans l’histoire militaro-horlogère est fondamental. La marque italienne a inventé la première montre totalement pensée et développée pour un usage uniquement militaire : la fameuse 3646. Non seulement la 3646 n’était qu’une montre militaire, mais elle a été, pendant de nombreuses années, un secret militaire, tant son rôle a été important dans le succès des missions secrètes des plongeurs de la fameuse Decima Flottiglia MAS (Mezzi d’Assalto).

Formée en 1939, cette unité de plongeurs de combat fut engagée dans de nombreuses opérations lors de la Seconde Guerre mondiale. Entre 1940 et 1943, ses hommes furent engagés aux côtés des troupes allemandes et coulèrent de nombreux navires alliés, utilisant souvent les fameuses torpilles pilotées par des nageurs (Maiale).

A partir de 1943, l’histoire devient plus compliquée. Alors que les Alliés progressent en Italie, le régime change et les troupes italiennes s’engagent auprès d’eux. Il en sera de même pour les fameux plongeurs de la Decima MAS. Seuls certains choisiront de rester dans le camp opposé et continueront à s’engager auprès des troupes allemandes, toujours équipés de leurs Panerai.

Alors que la guerre se termine, Panerai continuera à fournir diverses forces armées, puis s’endormira lentement. Il faudra attendre plusieurs dizaines d’années pour que la marque se réveille et devienne une des plus grandes « success story » de l’horlogerie moderne. Pendant de nombreuses années, et encore aujourd’hui, Panerai utilisera son histoire militaire pour populariser ses montres de grande taille. Ce qui est unique avec la marque, c’est justement ce lien si serré avec la Seconde Guerre mondiale. Mais aussi le fait que Panerai, non seulement ne s’en cachera pas, mais le revendiquera. Nous avons tous à l’esprit cette publicité montrant un nageur de combat équipé d’une PAM. Cette image est ancrée dans l’esprit des Paneristi, et a souvent contribué à leur intérêt initial pour la marque.

Encore une fois, la guerre fascine.

Ce qui est intéressant ici, c’est l’histoire de la Decima MAS. Même si ses hommes ont été engagés auprès des forces de l’Axe, ils ont toujours bénéficié d’une reconnaissance – voire d’une admiration - de la part de tous les camps. C’est ce qui leur a valu le respect et leur a permis de se retrouver aux côtés des vainqueurs à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Associer Panerai à cette unité est donc un pari audacieux, mais payant. Mais l’histoire ne s’arrête pas là... Voici donc pourquoi nous allons présenter deux montres : les Panerai 720 et 721 !

Les Panerai PAM 720 et 721 : des plongeuses en eau trouble

Les 3646 ont donc fait partie de l’équipement de base des hommes de la Decima MAS. Ils portaient la référence B.

Mais elles se sont aussi retrouvées au poignet de plongeurs allemands, les fameux Kampfschwimmers (KSM). Cette unité fut créée en 1943, et principalement engagée lors de la fin de la Seconde Guerre mondiale. D’après vous, qui entraîna ces premiers commandos de marine allemands ? Les hommes de la Decima MAS. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour que les équipements soient partagés. Il en fut ainsi pour les montres, et les KSM portèrent donc des Panerai.

Ces montres étaient identiques à celles portées par leurs homologues italiens. A une exception près : leur cadran ne portait aucun logo, aucune marque, rien. Il était vide, simple, non identifiable, donc anonyme. Il s’agissait des 3646 D.

La guerre et les PAM 720 & 721

En 2017, Panerai présente au SIHH deux séries limitées : la 720 (500 exemplaires) et la 721 (1000 exemplaires). Avec ces deux modeles, Panerai nous offre donc une réédition quasi identique des 3646. Toutes les caractéristiques esthétiques de la première montre de plongée militaire de l’Histoire se retrouvent dans ces deux modèles : le boîtier coussin de 47 mm, le cadran sandwich ultra-lisible, les chiffres 3, 6, 9, 12 surdimensionnés, les aiguilles bleuies, la couronne vissée et les anses fines. Les montres sont étanches à 100 m.

Deux seuls éléments permettent de différencier la 720 de la 721. Le bracelet (plus clair sur la 720), et l’absence d’inscription sur le cadran pour la 721. En effet, la PAM 720 conserve l’inscription historique « Radiomir Panerai » sur son cadran. Comme évoqué plus tôt, cette différence est importante historiquement : la « Logo » a équipé les nageurs de la Decima MAS (sa référence est 3646 Type B). La « Anonymous » s’est, elle, retrouvée aux poignets des KSM (référence 3646 Type D).

Hormis cette différence, les deux modèles sont similaires. Les deux sont montés sur un splendide bracelet en cuir, épais et au look parfaitement adapté à la montre. Rappelons que les montres originales étaient elles-mêmes montées sur des bracelets en cuir qui devaient supporter une utilisation sous-marine intense. D’où leur épaisseur.

Le mouvement est le désormais classique P3000 à remontage manuel. Le calibre est simple et propose une réserve de marche de 3 jours. Les 3646 d’origine étaient, quant à elles, équipées de mouvements Rolex. Le fond en saphir permet d’admirer le mouvement et est encerclé par une inscription « Officine Panerai Brevettato ».

Bien sûr la pièce est imposante. Mais il doit en être ainsi d’une Panerai.

A mon avis, ces deux montres sont parmi les plus belles pièces de la collection actuelle de la marque. Leur place dans l’histoire horlogère, le design simple, les marqueurs Panerai en font un « must-have » pour tout collectionneur qui s’intéresse soit à la marque, soit aux montres militaires.

Seuls quelques éléments peuvent calmer l’enthousiasme et c’est ce que l’avocat du diable va évoquer à présent.

Qu’en pense l’avocat du diable ?

Le nom de cette rubrique n’a jamais été autant justifié. Un des éléments qui peut effectivement faire réfléchir le futur acquéreur est la connexion historique – voire idéologique - de ces deux pièces, et notamment la Panerai 721 Anonyme.

J’ai eu cette discussion avec plusieurs amis collectionneurs et les avis sont partagés. Cependant, l’intérêt historique reste largement dominant et ces deux montres méritent leur place dans une collection et à votre poignet. Néanmoins, je considère qu’il est important de comprendre leur place dans l’histoire avant de les acheter. Ce ne sont pas des montres qui doivent être acquises uniquement sur un coup de cœur. Elles doivent être expliquées et comprises.

Les autres éléments que pourrait soulever l’avocat du Diable sont la taille (47 mm) et la présence d’un fond transparent. Les boîtiers de 47 mm sont imposants, mais historiquement légitimes. Donc les 720 et 721 se doivent de respecter ce diamètre. Il pourra en éloigner quelques-uns, mais j’ai un petit poignet et je porte un de ces modèles sans hésitation. Le fond transparent est un vrai souci. Le P3000 est un calibre simple et j’aurais préféré un fond plat, identique au modèle des années 40.

Comment et avec quoi porter les Panerai PAM 720 et 721 ?

Il y a deux façons de mettre en valeur cette montre.

La première est d’intensifier son caractère militaire. Choisissez alors un bracelet au look encore plus vintage (les meilleurs sont chez Gunny Straps ou Kostas Straps), un pantalon cargo beige clair de chez Brunello Cucinelli et un simple tee-shirt noir. Une paire de sneakers Nike Air Max VT ou SP (2012 ou 2013) sera idéale, si vous réussissez à en trouver une ! Si vous souhaitez renforcer le côté fun mais militaire, orientez-vous vers un blazer camo de Brooks Brothers Red Fleece ou un costume Jay Kos. Mais dans ce cas, laissez les autres attributs camouflés au vestiaire. Une chemise en chambray restera le choix le plus sûr avec la veste. Un tee-shirt et des sneakers blancs avec le costume.

La seconde consiste à « démilitariser » la Panerai et la tenue. Cela permettrait alors de se distancier de ses origines. Les intégristes de la marque seront probablement choqués, mais c’est peut-être une option à considérer. Il faut d’abord changer le bracelet et pourquoi pas oser la couleur. Une seule option : le sur-mesure et direction Combat Straps (Aaron Pimentel) pour choisir la matière et la couleur qui rendra la Panerai moins belliqueuse.

Ensuite, rien de mieux que d’opter pour un chino de couleur (pourquoi pas rose, si vous vous sentez d’humeur estivale), un tee-shirt à col tunisien de Zadig et Voltaire et des Tod’s Gomino en distressed jean. Pour sortir, rajoutez un blazer Boglioli, qui reste toujours un classique italien.

Il est alors temps de profiter des derniers rayons de soleil avec un Spritz de Trieste.

Avec l’esprit en paix, vous pourrez prendre quelques instants pour penser à la chance que vous avez de ne pas porter cette montre dans son contexte original.

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