La nouvelle norme

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The new normal - Power reserve
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La durée de marche des montres ne cesse de s'allonger, tant pour les modèles destinés au quotidien que pour ceux qui visent les records.

C'est une caractéristique qui définit les montres, leur agrément et leurs limites. La réserve de marche d'un mouvement correspond à son autonomie maximum. A la durée pendant laquelle il continuera à fonctionner une fois la montre posée (dans le cas d'un mouvement automatique où le mouvement du porteur fait constamment le plein) ou simplement remontée (dans le cas d'un remontage manuel où l'apport énergétique est ponctuel et volontaire). Le sujet a considérablement évolué et s'est adapté aux habitudes contemporaines.

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Avant de considérer l'importance de l'allongement de cette autonomie, il faut préciser que tous ces chiffres sont à prendre avec précaution. En effet, les dernières heures de fonctionnement de la montre sont peu précis. Le mouvement mécanique a besoin d'un flux d'énergie régulier pour maintenir les conditions de l'exactitude. Or, durant les quatre ou cinq dernières heures, ce flux faiblit et la montre se dérègle dans des proportions difficiles à déterminer. C'est pourquoi, il faut soustraire ce fond de réservoir aux données affichées pour savoir si la montre que l'on reprend presqu'à bout de souffle est encore à l'heure juste.

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Les calibres de montres de poignet anciens, ceux qui ont plus de trente ans, sont calés sur les durées traditionnelles des décennies qui précèdent, soit 38 ou 42 heures de réserve de marche. Cela correspond en fait à des semaines de 6 jours de travail, qui ont longtemps été la norme. A mesure que le week-end de deux jours s'est généralisé, cette durée est apparue comme insuffisante. Mais durant les années 60 et 70, la montre était occupée à autre chose, en l'occurrence équiper les poignets du monde développé à grande vitesse et à moindre coût. Et dans les années 80, à survivre au quartz. L'équation énergétique des mouvements est donc longtemps restée dans une impasse. Entre ses coefficients de frottement intrinsèques, ses dimensions réduites et ses contraintes de coût, elle a tardé à évoluer.

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Puis dans les années 2000, les diamètres des montres ont augmenté et avec eux, la taille et le nombre des barillets, dans lesquels est stockée l'énergie. D'autre part, la multi-possession n'a cessé de croître. Nombre de clients de l'horlogerie ont acquis une montre plutôt de travail et une autre plutôt dédiée aux loisirs. Et la première a créé un besoin d'une autonomie supérieure, pour faire le pont entre le vendredi soir et le lundi matin. C'est ainsi qu'ont commencé à émerger des durées de 60 ou 65 heures de marche, qui sont même devenues la norme pour les calibres de dernière génération, lancés depuis 5 ans.

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En parallèle, un appétit des acheteurs pour des fonctionnalités plus avancées a fait naître bon nombre de calibres à 8 jours de marche, accompagnés d'autres poussant même à 9 ou 10. Héritée des horloges de parquet et des montres de poche, cette durée correspond en fait à une autonomie chronométrique d'une semaine, un bon repère temporel. Il s'agit donc souvent de montres manuelles. Elles sont dotées de plusieurs gros barillets, auxquels l'ajout d'un mécanisme d’automatique ferait prendre un embonpoint malvenu.

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A la même époque, la course à la performance a fait exploser les autonomies. 31 jours avec la Lange 31, une montre si grande qu'elle se porte à peine au poignet (46 mm pour 16 d’épaisseur) et a besoin d'une clé pour que le remontage ne soit pas douloureux pour les doigts. Puis, Hublot a multiplié les barillets comme Bugatti les cylindres. 10 jours, 16 jours, 40 jours et jusqu'à 50, la collection MP (pour Masterpiece) parcourt une large gamme de durées extrêmes. La marque a dû développer un tournevis électrique à contrôle de couple pour actionner la couronne des modèles les plus endurants, tant la manœuvre est interminable. Puis Rebellion a tapé dans le mille...heures de marche avec sa T1000, avant de doubler la mise. L'immense T2M (pour deux mois) tient 58 jours (= 1 400 heures) sans qu'il soit nécessaire d'actionner le grand levier de remontage qui fait office de lunette. Cette recherche de performance se fait donc au détriment de l'ergonomie. Il en va souvent ainsi des montres extrêmes.

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