Un tic-tac à nul autre pareil

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Un tic-tac à nul autre pareil - Industrie
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Christophe Golay et Emile Spierer transforment le client en créateur

Avec leur atelier de montres sur mesure, Christophe Golay et Emile Spierer n'ont qu'un objectif: transformer le client en créateur et réaliser ses rêves les plus fous. Visite à Carouge (GE).

Une montre en or gris munie d'un bracelet en cuir de pattes de coq, ou plutôt un chronomètre en platine avec cadran en nacre et bracelet en python? Mécanisme apparent ou discret? Aiguilles qui tournent dans le bon sens ou, comble pour un horloger genevois, dans la direction antihoraire? Tout est possible chez Golay Spierer. Le petit atelier d'architecture et de construction horlogère réalise la montre de vos rêves. Chaque pièce est unique, imaginée par le client lui-même. «Il n'y a quasiment rien d'impossible», insiste Christophe Golay, 38 ans, cofondateur de la marque. La seule limite est le prix. Pour un modèle simple, comptez 7000 à 8000 francs. Pour une pièce très sophistiquée, la facture peut atteindre 200 000 à 300 000 francs.

L'idée de créer une manufacture de montres sur mesure est venue au départ d'une déception. «Mon père possédait une montre qu'il prétendait s'être fait réaliser sur mesure, se rappelle Christophe Golay. A sa mort, j'ai voulu faire réviser ce souvenir de famille et j'ai cherché son créateur.»

Après quelques mois ponctués de multiples rencontres, Christophe, alors ingénieur chimiste, découvre la supercherie: ce qu'il prenait pour une pièce sur mesure n'était en fait qu'un assemblage d'éléments préexistants. «Le seul élément original était le nom de mon père gravé sur le cadran, raconte-t-il. Je me suis alors dit qu'il serait intéressant de faire des montres véritablement sur mesure.»

Pendant que Christophe Golay étudie la viabilité de son entreprise, une autre personne trace, de son côté, les contours du même projet: Emile Spierer, aujourd'hui âgé de 50 ans. «Nous nous sommes rencontrés en août 2000 au détour d'un magasin d'horlogerie, se souvient Christophe. Très vite, je lui ai exposé mon envie.» Emile sort alors de sa poche une feuille de papier: il avait exactement la même idée. La rencontre sera féconde.

«Pendant près d'un an, nous nous sommes vus tous les mercredis. Nous parlions de notre projet et d'horlogerie, bien sûr, mais également de philosophie», raconte Christophe Golay. Petit à petit leur rêve un peu fou prend forme. Puis, un jour, Christophe annonce à son compère qu'il a démissionné de son emploi. «Je suis prêt à me lancer!» Emile Spierer, lui, conserve son emploi d'ingénieur au Service genevois de l'énergie. Mais c'est ensemble qu'ils créent la marque Golay Spierer, le 1er janvier 2001.

Ils décident d'installer leur atelier à Carouge (GE). Sur le bureau de Christophe trône une sphère en verre débordant de mécanismes de montres démontées. Pour le bracelet, il sort de ses tiroirs différents échantillons de cuir: python, alligator, patte d'autruche, peau de raie et même de crapaud… Pour le cadran: nacre, or, acier, argent… L'étendue du choix a de quoi donner le vertige.

La confection d'une montre débute par une rencontre à Carouge. «Je vois le client plusieurs fois. Par de simples questions comme: «Vous souvenez-vous de votre première montre?», j'apprends à le connaître et il m'explique ce qu'il attend de son garde-temps.» Ces entretiens durent de deux à six mois. Le processus continue alors avec la formalisation de l'objet par image de synthèse en trois dimensions. De là, Golay Spierer orchestre la réalisation du produit auprès d'une vingtaine d'artisans. Durée: de huit à dix-huit mois.

«Une fois la pièce finie, je la porte une quinzaine de jours pour voir si elle fonctionne et surtout… pour m'en détacher», confesse-t-il. Après, le cofondateur vient la livrer en main propre à son client, où qu'il se trouve dans le monde. «Ce n'est pas le genre de produit que l'on reçoit par la poste», explique-t-il. En outre, le déplacement permet parfois de débusquer de nouveaux clients pour l'atelier qui, outre les sous-traitants, emploie cinq personnes à plein temps.

L'entreprise se porte bien. Après trois années déficitaires, Golay Spierer a atteint le seuil de rentabilité en 2004. La marque, pionnière sur un marché de niche, livre près de vingt-cinq pièces par an et affiche un carnet de commandes plein à craquer pour les deux prochaines années. «Mais mon but n'est pas de tirer le plus d'argent possible de la société pour la revendre dans quelques années au plus offrant, précise Christophe Golay. Mon bonheur est de créer des pièces uniques qui seront encore un souvenir quand je ne serai plus.»

 

Migros Magazine / Bertrand Beauté / www.migrosmagazine.ch

 

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