Les fondations danoises

L’entreprise Urban Jürgensen a pris un essor rapide mais sa carrière commerciale fut relativement brève.

Après son retour de Suisse, Urban Jürgensen fonda à Copenhague en 1811 sa propre entreprise, qui marque les débuts de la marque que nous connaissons aujourd'hui. Urban a toujours entretenu des relations étroites avec le Danemark, qui était à la fois son client et son patron. Le gouvernement danois lui avait octroyé une subvention de 10’000 rigsdaler pour l’achat de ses premiers locaux à Copenhague. Urban proposa de payer un amortissement de 10% et s'engagea à embaucher quatre apprentis en remplacement des intérêts économisés. De Suisse, il avait également ramené avec lui trois artisans, rapidement rejoints par d'autres travailleurs étrangers. Avec les apprentis, cette main d’oeuvre représentait un changement considérable par rapport au temps où Urban Jürgensen travaillait seul.

Ainsi, après quelques essais et erreurs, Urban put commencer à réaliser au Danemark des chronomètres de marine et des régulateurs d’observatoire  - ce que le gouvernement souhaitait depuis longtemps pour des raisons de sécurité nationale. Des voyageurs étrangers achetaient également ses garde-temps et diffusaient le nom Jürgensen à travers l'Europe, et plus loin encore, jusqu'en Amérique. Cette activité d’exportation était non seulement bénéfique pour la réputation de la société, mais ses clients itinérants payaient également en devises fortes au moment où la monnaie danoise était en difficulté. Deux ans plus tard, le pays fut déclaré en faillite mais, avec la dévaluation  de la monnaie, Urban fut en mesure de payer la totalité de sa dette, de vendre sa maison avec un bénéfice et de chercher de meilleurs locaux.

1815 marque un jalon important : Urban Jürgensen se voit accorder le droit exclusif de produire des montres de poche sans fusée ni chaîne, avec compensation de température et roulements à billes. Il obtint ainsi un véritable monopole d’État qu’il aura à cœur de conserver. Dans une tentative de consolidation de cette position dominante, il demanda l’autorisation de fabriquer, aux frais du roi, 40 chronomètres que la marine marchande danoise pourrait louer à des navires. La proposition rencontra une certaine résistance et la correspondance qui s’ensuivit montre à quel point Urban luttait pour protéger ses intérêts et obtenir une forme de compensation financière pour ce projet.

Les fondations danoises

De fait, Urban Jürgensen se considérait comme la seule personne au Danemark capable de fabriquer des chronomètres de marine et des régulateurs d’observatoire. Bien qu'ayant effectivement formé des apprentis, il ne leur a pas nécessairement transmis ses connaissances en horlogerie de précision. Il ressort clairement de la lecture de sa correspondance qu’il n’était pas prêt à le faire sans obtenir une compensation en retour.

Nommé à l'Académie Royale des Sciences du Danemark en 1815, Urban Jürgensen est alors mis sur pied d’égalité avec le légendaire horloger Abraham-Louis Breguet, récipiendaire du même honneur à Paris. Plus tard, il fut fait chevalier de l'ordre de Dannebrog, un privilège qui, jusqu'à récemment, était réservé à la royauté. Malheureusement, cet honneur coïncida aussi  avec la détérioration de sa santé,  à une époque où il consacrait autant de temps à la recherche qu’à la production.

Des idées telles que son échappement détaché de chronomètre à double roue survivent dans les archives de l'Académie Royale des Sciences du Danemark et dans son livre sur l'horlogerie de précision, qui ne sera imprimé qu'en 1838, huit ans après sa mort.

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